28 juin 2022

Sommeil /Sueño

 

Nous poursuivons avec un poème sur le sommeil. Thème que JL Borges a tant 

abordé, ces heures où nous nous perdons, oublions, rêvons...

 

                            
Evelyn De Morgan, La Noche y el Sueño, 1878 

 

Le sommeil JL Borges. 

 

La nuit nous dicte sa tâche magique.

Détricoter l’univers,  

les ramifications infinies

des effets et des causes,

qui se perdent

dans ce vertige sans fond, le temps.

 

La nuit veut que cette nuit 

tu oublies ton nom, tes ancêtres, ton sang
chaque parole humaine et chaque larme,
ce que la veille a pu t’enseigner,
le point illusoire des géomètres,
la ligne, le plan, le cube, la pyramide,
le cylindre, la sphère, la mer, les vagues,
ta joue sur l’oreiller et la fraîcheur
du drap neuf, les jardins,
les empires, les César et Shakespeare
et, plus difficile, ce que tu aimes.

Étrangement un comprimé peut
gommer le cosmos, ériger le chaos.

(Trad: Colo)


                                        
                             Eros dormido / endormi (Córdoba museo arqueológico)

 



El sueño

La noche nos impone su tarea
mágica. Destejer el universo,
las ramificaciones infinitas
de efectos y de causas, que se pierden
en ese vértigo sin fondo, el tiempo.


La noche quiere que esta noche olvides
tu nombre, tus mayores y tu sangre,
cada palabra humana y cada lágrima,
lo que pudo enseñarte la vigilia,
el ilusorio punto de los geómetras,
la línea, el plano, el cubo, la pirámide,
el cilindro, la esfera, el mar, las olas,
tu mejilla en la almohada, la frescura
de la sábana nueva, los jardines,
los imperios, los Césares y Shakespeare
y lo que es más difícil, lo que amas.
Curiosamente, una pastilla puede
borrar el cosmos y erigir el caos.



21 juin 2022

Rêves

 

C’est en lisant “ Je ne reverrai plus le monde” de Ahmet Altan que j’ai 

souligné ce passage sur les rêves.

Rêves oubliés ou non, rêves éveillés ou endormis, nous allons nous promener dans

 ce monde onirique en littérature, poésie, art...et/ou rêves personnels. le temps de

 quelques billets.


                                          A. Rodin Le sommeil vers 1894

https://collections.musee-rodin.fr/fr/museum/rodin/le-sommeil/S.01829?anneeDeCreation%5B0%5D=1894&position=50



Comme n’importe qui, je rêve de tout et n’im­porte quoi.

Chaque nuit à l’heure de nous endormir, de mystérieux tailleurs de pierre se 

mettent au travail dans les ténèbres de notre esprit, brisant à grands coups de 

marteau, ainsi que des blocs de marbre, les idées et les sentiments que notre 

intelligence a su extraire et sculpter hors de la matière de l’expérience. Le marbre, 

entre leurs mains puissantes, s’effrite et perd sa dureté jusqu’à se fondre en une 

marée d’eaux noires, profondes et mouvantes.

 

Alors, libérés de leurs chaînes, jaillissant hors des cadres de la logique et de la 

raison qui jusque-là en endiguaient l’ardeur, pensées, peurs et désirs se répandent

 en nous dans un grand flot d’extrême indiscipline, façonnant tels des dieux un 

univers rebelle à toute loi.

Les rêves sont le dieu qui est en nous… Ou bien le fou…

 

Or ce soulèvement désordonné, propre aux dieux et aux fous, ne répond-il pas à un 

besoin de folie par laquelle, l’espace d’un court moment, notre existence voudrait se

 libérer du joug de la raison qui trop souvent l’opprime ? Ou bien veut-il nous 

arracher définitivement à elle pour nous laisser au bord de la folie ?

 

Je n’en sais rien… Mais j’aimerais savoir à quoi rêvent les fous.

 

Que voient-ils dans leurs rêves ?

 

Si la nuit, les gens sains d’esprit déraisonnent en rêve, les fous, eux, y retrouvent-ils la raison ?

 

La réponse à ces questions m’échappe.”

A. Altan. 

16 juin 2022

Tisser, défaufiler / Tejer, deshilvanar

 

L'Heure des oiseaux *


LUZ MARY GIRALDO (Colombienne)


                                 Insaisissable couseuse                                       
la parole
tisse d'une toile trompeuse
la blessure de la nuit:
joue à être libre
ou rêve d'aventure.
Telle l'éternelle Pénélope 
elle tisse la tunique de tous
défaufile le secret de l'attente
jusqu'à inventer un nouveau visage
ou un miroir sans nom.
Insaisissable couseuse
elle écoute passer le vent
fatigué par les oiseaux.

 

                                                 (Trad: Colo)

La couseuse de mots

https://bibliotecaregional.carm.es/agenda/la-costurera-de-palabras-de-mar-domenech/
 

* Déjà publié ici, il y a longtemps...


LA HORA DE LOS PÁJAROS



LUZ MARY GIRALDO (Colombiana)

 

Inasible y costurera               
la palabra
teje con tela engañosa
la herida de la noche:
juega a la libertad
o sueña la ventura.
Como eterna Penélope
teje la túnica de todos
deshilvana el secreto de la espera
hasta inventar un nuevo rostro
o un espejo sin nombre.
Inasible y costurera
oye pasar el viento
fatigado por los pájaros.

10 juin 2022

S'énerver / Enojarse

 

En relisant des poèmes de mon propre blog, certains totalement oubliés comme 

celui-ci publié en 2015, féministe si vrai et amusant, d'une contemporaine de 

Gioconda Belli, Ana María Rodas.(Guatemala 1937)


Le poème en espagnol et sa belle traduction je les ai trouvés ici


 

                          
                                          Jennifer Walters is ready to SMASH! | Foto: Marvel Studios 

 

 

                               Miss Hulk





Je suis une femme incroyable

                  quand je m’énerve
 

                  je grandis


                  je deviens verte

                  je déchire tout

en dedans.

                  Bill Bixby

                  fait tout cela

mais 
 
lui

c’est

un homme

il le fait
                 en dehors. 

 
 


                             Ms. Hulk


Soy una mujer increíble
           
           cuando me enojo
           
           crezco
            
        me pongo verde
          
           desgarro todo

adentro.
            
           Bill Bixby
         
           hace todo eso
pero

él

es

hombre

lo hace
 
           a fuera.



Nota: Bill Bixby, si vous l'ignoriez est l'acteur qui joue Hulk / el el actor 

que representa a Hulk

 


1 juin 2022

Tout simple / Muy simple

 

 
 
Photo Colo, Nord de Mallorca
 

 

 
Le mur
il ne sait rien de la mer

La mer
elle ne sait rien du mur

Entre eux
le va-et-vient du vent
 
La pared
no sabe nada del mar

El mar
no sabe nada de la pared

Entre ellos
el vaivén del viento

(Trad, Colo) 
 

 extrait de Komboloï, Werner Lambersy

26 mai 2022

Dar / Donner

 

Soledad Altamirano Murillo (Honduras)



Ton arrivée

Tu es arrivé
avec toute la couleur
de l’aube éveillée;
dos au préjugé
et seul avec moi
tu as tissé mon corps de lumière,
tu l’as peuplé de pollen
et lui as donné une poignée
de ta mer.

Tu es arrivé dans ma vie
réduisant les distances
un jour d’avril.

Je t’ai tout donné:
terre, mer, océans,
courants d’air
et saisons .
 
(Trad:Colo)

1960 | 59 años
Hombre Caminando
Bronce.
Louisiana Kunstmuseum. Humlebæk
https://www.epdlp.com/pintor.php?id=258

Tu llegada

Llegaste
con todo el color
de la aurora despierta;
de espaldas al prejuicio
y a solas conmigo
tejiste mi cuerpo de luz,
lo poblaste de polen
y le diste un puñado
de tu mar.

Llegaste a mi vida
acortando distancias
un día de abril.

Yo te otorgué todo:
tierra, océanos,
corrientes de aire
y estaciones.

21 mai 2022

Balade à Palma / Paseo por Palma



 

Cette longue panne d’ordinateur m’a plu. C’est étrange, ou du moins je ne


m’attendais pas, à y trouver une grande sérénité en plus d’heures disponibles


pour...tout!


Tout a été aussi me balader dans la vieille ville de Palma, tôt le matin, quand


régnaient encore fraîcheur et calme.


Nombre de façades de maisons plus ou moins anciennes sont garnies de ce


qu’on appelle en espagnol des galerias, en français loggia si je ne me trompe


pas. Elles servent à climatiser les pièces car il y a une autre porte-fenêtre


derrière, les plantes s’y portent à merveille aussi.


Je n’y ai jamais vu personne assis à observer la rue, mais c’est un poste de

choix.


Comme vous verrez sur les photos, il y en a de tous genres.

 


Une ou deux "de luxe"




Puis ces deux-là, des maisons courantes dans le vieux Palma


Une maison abandonnée où des pigeons semblent se plaire

Et pour finir, un usage inattendu: pourquoi pas, en revenant de la plage, y faire 

sécher le bikini?




Bon week-end !

 


7 mai 2022

Un arbre à musique / Un árbol de música

J'aime relire des poèmes publiés il y a longtemps, pour certains il y a si longtemps 

que je les ai oubliés ou presque ! Celui-ci m'a ré-enchantée.


 

Visites Octavio Paz

 

 

A travers la nuit urbaine de pierre et sécheresse

la campagne entre dans ma chambre.

Elle allonge des bras verts couverts de bracelets d'oiseaux,

de bracelets de feuilles.

A la main une rivière.

Le ciel de la campagne entre aussi,

avec son panier de joyaux fraîchement coupés.

Et la mer s'assied à mes côtés,

elle étend sa traîne si blanche sur le sol.

Du silence jaillit un arbre à musique.

De l'arbre pendent tous les mots superbes

qui brillent, mûrissent, tombent.

Sur mon front, grotte qu'habite un éclair...

Mais tout s'est peuplé d'ailes.

(Trad: Colo)

 

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFd-P8hwZ7raT-iawF5R75FcbNDgS5M2vHPlwB79aFzQozB0fgakeyf0I_W0NwWoshKl5pKeio7Oke8lvnB8hIw_-EtnEJfg5ZcNUeXGF32yeYRXpNzdey1At4fqAuDD5023vRC89Rv8Y6/s1600/visitas.JPG

 

                                Photo Colo, prise par ma fenêtre

Visitas Octavio Paz

 


A través de la noche urbana de piedra y sequía
entra el campo a mi cuarto.
Alarga brazos verdes con pulseras de pájaros,
con pulseras de hojas.
Lleva un río de la mano.
El cielo del campo también entra,
con su cesta de joyas acabadas de cortar.
Y el mar se sienta junto a mí,
extendiendo su cola blanquísima en el suelo.
Del silencio brota un árbol de música.
Del árbol cuelgan todas las palabras hermosas
que brillan, maduran, caen.
En mi frente, cueva que habita un relámpago...
Pero todo se ha poblado de alas.



27 avr. 2022

Il n'y a pas d'aujourd'huis / No hay hoyes

La semaine dernière nous parlions de Mario Benedetti et de ses mots sur la poésie. Alors aujourd'hui un exemple de poème "libre et fantaisiste" mais pas que...

La semana pasada hablábamos de Mario Benedetti y de sus palabras sobre la poesía. Aquí va hoy un ejemplo de poema “libre y fantasioso” y mucho más...

 


 

Conjugaciones            Conjugaisons Mario Benedetti



5 (después)

El futuro no es
una página en blanco
es una fé
de erratas.

5 (après)

 

Le futur n’est pas

une page en blanc

il est

un errata



8 (previsión)

De vez en cuando es bueno
ser consciente
de que hoy
de que ahora
estamos fabricando
las nostalgias
que descongelarán
algún futuro.





8 (prévision)

 

De temps en temps il est bon

d’être conscients

qu’aujourd’hui

que maintenant

nous fabriquons

les nostalgies

qui dégèleront

un futur.


9 (plurales)

Hay
ayeres
y mañanas
pero no hay
hoyes.



9 (pluriels)

 

Il y a

des hiers

et des demains

mais il n’y a pas

d’aujourd’huis.

 

(Trad: Colo)

20 avr. 2022

Poésie, prose et nous / Poesía, prosa y nosotros

 

Si Flaubert, dans son Dictionnaire des idées reçues, écrivait, ironiquement '' La poésie est inutile, totalement passée de mode'', une moquerie donc, nombreux sont ceux qui le pensent vraiment, idée contre laquelle se rebelle Mario Benedetti (et moi:-)).

Pour lui la poésie suppose une transgression car elle questionne une suite de supposés sociaux que l’homme doit mettre en doute et qui, trop souvent, forment partie de notre oubli quotidien.

Je vous traduis un passage, que je trouve fort intéressant, de “El ejercicio del criterio”.

Car le problème est le suivant: la poésie mord. Parce qu’elle est libre, questionneuse, transgressive, curieuse, subjective, fantaisiste, hermétique parfois et communicative parfois aussi. C’est pour cette raison qu’elle mord. Et pour cette raison une bonne partie du public (je me réfère à celle qui lit, bien sûr) préfère la prose qui souvent contient des réponses, obéit à des plans et structures, est généralement objective, sait organiser ses fantasmes et n’a pas l’habitude de mordre, spécialement quand on lui met (ou qu’elle se met) un bâillon.

Même en temps de censure, et tenant compte que les censeurs sont rarement des spécialistes en métaphores, la poésie passe généralement les douanes avec beaucoup plus de d’allant que la prose.”

 

                           https://www.superprof.fr/ressources/langues/francais/college-fr2/3eme-fr2/poetes-versets-antiques.html



Porque el problema es ése: que la poesía muerde. Por ser libre, preguntona, transgresora, cuestionante, subjetiva, fantasiosa, hermética a veces y comunicativa en otras. Por eso muerde. Y por eso buena parte del público (me refiero al que lee, claro) prefiere la prosa que a menudo contiene respuestas, obedece a planes y estructuras, suele ser objetiva, sabe organizar sus fantasmas y en general no muerde, especialmente cuando le ponen (o se pone) el bozal. Aun en tiempos de censura, y habida cuenta de que los censores no suelen ser especialistas en metáforas, la poesía suele pasar las aduanas con mucho más donaire que la prosa.”

 

NB: Je vous recommande la lecture cette fable de John Keats ici: https://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2022/04/un-jour-un-texte-john-keats-la-sauterelle-et-le-grillon.html