La
Française
Mini
conte d'Adolfo Bioy Casares (Buenos Aires 1914-1999)
Elle
me dit que les gens l'ennuient. Les conversations se répètent. Les
hommes commencent toujours par l'interroger en espagnol: “Vous êtes
française?” et ils poursuivent en français: “J'aime la
France”*. Quand, à l'inévitable question sur son lieu de
naissance elle répond ”Paris”, tous s'exclament: “Parisienne!”*,
avec une admiration souriante, non exempte de grivoiserie* comme
s'ils disaient “vous devez être une cochonne!”*. Tandis que je
l'écoute je me souviens de ma première conversation avec elle: elle
fut minutieusement identique à celle qui précède. Et pourtant elle
ne se moque pas de moi. Elle me dit la vérité. Tous les
interlocuteurs lui disent la même chose. La preuve c'est que moi
aussi je le lui ai dit. Et moi aussi, à certain moment, je lui ai
communiqué mon soupçon, à savoir que je ressens plus d'amour pour la France qu'elle.
Il semble que tous, tôt ou tard, lui communiquent cette trouvaille.
Je ne comprends pas – nous ne comprenons pas – que la France pour
elle c'est le souvenir de sa mère, de sa maison, de tout ce qu'elle
a aimé et que peut-être elle ne reverra plus.
*en
français dans le texte.
- Trad: Colo
Jean Béraud 1849-1935 |
La
francesa
[Minicuento. Texto completo.] Adolfo Bioy Casares
Me dice que está aburrida de la gente. Las conversaciones se repiten. Siempre los hombres empiezan interrogándola en español: «¿Usted es francesa?» y continúan con la afirmación en francés: « J’aime la France». Cuando, a la inevitable pregunta sobre el lugar de su nacimiento ella contesta «París», todos exclaman: «Parisienne!», con sonriente admiración, no exenta de grivoiserie como si dijeran «comme vous devez être cochonne!». Mientras la oigo recuerdo mi primera conversación con ella: fue minuciosamente idéntica a la que me refiero. Sin embargo, no está burlándose de mí. Me cuenta la verdad. Todos los interlocutores le dicen lo mismo. La prueba de esto es que yo también se lo dije. Y yo también en algún momento le comuniqué mi sospecha de que a mí me gusta Francia más que a ella. Parece que todos, tarde o temprano, le comunican ese hallazgo. No comprendo -no comprendemos- que Francia para ella es el recuerdo de su madre, de su casa, de todo lo que ha querido y que tal vez no volverá a ver.