28 avr. 2024

Galiciens / Gallegos

 Voici une partie du poème “Al otro lado” ( De l’autre côté) de Alvaro Cunqueiro

grand poète Galicien.



De l’autre côté

Le rêve monte par les veines de l’arbre

une vie entière qui passe

jusqu’à devenir oiseau sur une branche

un oiseau qui se souvient, chante et s’en va

peu avant que tous les arbres ne meurent.


Si je deviens vieil arbre de l’autre côté de la rivière

et je dois être l’arbre qui se souvient et rêve

tu peux être bien sûre que je rêverai de toi

de tes yeux gris comme l’aube

et de ton sourire

dont s’habillèrent les lèvres des rosiers

aux jours les plus heureux.

Alvaro Cunqueiro

(Trad: Colo)

  Manuel Abelenda Zapata, peintre Galicien (A Coruña, 1889 -  A Coruña, 1957) El río del Burgo

 

AL OTRO LADO
Alvaro Cunqueiro

El sueño va subiendo por las venas del árbol
una vida entera que pasa
hasta hacerse pájaro en una rama
un pájaro que recuerda, canta y se marcha
poco antes de que todos los árboles mueran.

Si yo me hago árbol viejo al otro lado del río
y me toca ser el árbol que recuerda y sueña
puedes estar bien segura que soñaré contigo
con tus ojos grises como el alba
y con tu sonrisa
con la cual se vistieron los labios de los rosales
en los días mas felices.

22 avr. 2024

Rodrigo, son père et les autres


C’est une chance, cette fois le livre qui m’a plu et émue est traduit en français. Il s’agit de (le titre français) “ Les adieux de Gabo et Mercedes”, écrit par Rodrigo, le fils de Gabriel García Marquéz.

On se demande d’abord pourquoi ce fils, Colombien donc, l’a écrit en anglais. (il l’explique). Et son titre anglais est “Memoir”. Fort différent donc, mais c’est bien entre la vie et l’adieu définitif que se déroule ce récit, beau et émouvant. 

 

                                             
Gabo e Mercedes Barcha em 1990 (foto: Hernan Diaz/Fundación Gabo.)


Au fil de chapitres courts, Rodrigo raconte les derniers jours de son père, les funérailles, l’après.

Le récit, parfois triste, parfois teinté de douce ironie ou d’humour, relate autant la vie de son père, de sa mère Mercedes qui est “politiquement peu correcte” et pleine de vie, de force, que la sienne, celle de son frère, de leurs familles et proches, et puis les souvenirs.

Le récit est structuré autour de citations de différents romans de G.G Marquéz. C’est fort intéressant. Des anecdotes relient des événements, parfois minuscules, aux grands romans de l'auteur.

Des années avant son décès il avait comencé  à perdre- puis tout à fait perdu la mémoire, “un drame pour un écrivain”. Mais c’est avec humour que Gabo (surnom de son père) disait: Je perds la mémoire mais par chance j’oublie que je suis en train de la perdre.

Nous avons trois vies: la vie publique, la vie privée, puis les secrets” disait-il.

Rodrigo nous balade entre ces vies, la disparition de son père est, inévitablement, un événement public, mais il réussit à doser parfaitement son récit et on entre dans une pudique intimité avec Garbo.

Cette facette de GG Marquéz m’était inconnue et voilà que hier j'ai reçu un livre posthume de lui" En agosto nos vemos" (Nous nous voyons -verrons?, en août).


16 avr. 2024

Bavard / Hablador

Juan avait toujours parlé par les coudes (hablar por los codos), intarissable depuis son enfance. Souvent, faute de compagnie, il parlait seul et là aucune limite à ses rêves, projets.

Intelligent et bon élève, ses parents lui conseillèrent de devenir avocat: “avec une telle verve, ce sera “coudre et chanter” (coser y cantar) " disaient-ils.

Juan les avait crus.

Une fois ses études terminées il pensa, oh erreur, que ce serait “arriver et baiser le saint”(llegar y besar el santo)

Jamais il ne s'était imaginé qu'autant de concurrents se présenteraient au même poste d'avocat de l'entreprise BUHO. On lui donna le numéro 22, chose qui le laissa à carreaux (quedarse a cuadros).

Dans la salle d'attente il rencontra l'ancien avocat de la boîte qui lui dit: celui qui veut des poissons doit se mouiller le cul (el que quiera peces que se moje el culo)

 


 

 Les autres candidats, tous fort bavards, s'approchèrent et une discussion fort animée s'ensuivit.

Fort animée et de plus en plus bruyante, au point que l'avocat général renvoya chaque hibou à son olivier (cada muchuelo a su olivo)

C'est penaud que Juan rentra chez lui; il avait pris sa décision: il deviendrait oiseleur.

 

                                                

"L'OISELEUR INDOU",  AUGUSTE DE WEVER (Belgique, 1836-1910)

 

Ça va, vous avez tout compris ?

9 avr. 2024

Un oiseau, un violon, une fleur / Un pájaro, un violín, una flor

 

Aujourd'hui le billet de Kwarkito intitulé “L’huître et le néant” m’a fait rire !

Aujourd’hui  aussi une épitaphe, très poétique, de Juan Gelman. 

 

 

Épitaphe Juan Gelman


Un oiseau vivait en moi

Une fleur voyageait dans mon sang

Mon cœur était un violon.

 

J'ai aimé ou pas. Mais parfois

on m'a aimé. Moi aussi

je me réjouissais : du printemps

des mains jointes, de ce qui rend heureux.

 

Je dis que l'homme se doit de l'être.

 

(Ci-gît un oiseau.

Une fleur.

Un violon)

(Traduction trouvée sans nom du traducteur, hélas)


 

Epitafio

Un pájaro vivía en mí.

Una flor viajaba en mi sangre.

Mi corazón era un violín.

Quise o no quise. Pero a veces

me quisieron. También a mí

me alegraban: la primavera,

las manos juntas, lo feliz.

¡Digo que el hombre debe serlo!

(Aquí yace un pájaro.

Una flor.

Un violín).


6 avr. 2024

Tête en l'air

 

C’est vraiment par hasard que ce matin à l’aube j’ai vu que le 6 avril est le jour où est décédé Jacques Higelin. En 2018.

Homme aux multiples talents, souvent décalé, j’ai retenu, je le trouve très inspiré,  ce poème qu’il a mis en musique et chante. Vous connaissez peut-être la chanson si vous êtes de ma génération...





Tête en l'air


Texte / Chanson de Jacques Higelin


Sur la terre des damnés, tête en l'air,
Étranger aux vérités premières énoncées par des cons,
Jamais touché le fond de la misère
Et je pleure, et je crie et je ris au pied d'une fleur des champs,
Égaré, insouciant dans l'âme du printemps, cœur battant,
Cœur serré par la colère, par l'éphémère beauté de la vie.


Sur la terre, face aux dieux, tête en l'air,
Amoureux d'une émotion légère comme un soleil radieux
Dans le ciel de ma fenêtre ouverte
Et je chante, et je lance un appel aux archanges de l'Amour.
Quelle chance un vautour, d'un coup d'aile d'un coup de bec
Me rend aveugle et sourd à la colère à la détresse de la vie.


Sur la terre, tête en l'air, amoureux,
Y'a des allumettes au fond de tes yeux,
Des pianos à queue dans la boîte aux lettres,
Des pots de yaourt dans la vinaigrette
Et des oubliettes au fond de la cour…


Comme un vol d'hirondelles échappé de la poubelle du ciel...