28 févr. 2020

Préparer le printemps des poètes / Preparar la primavera de los poetas



« À ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres et d’autres eaux » Héraclite.



L’art de la poésie JL Borges
.

Contempler le fleuve fait de temps et d’eau
et se souvenir que le temps est un fleuve aussi,
savoir que nous nous perdons comme fait le fleuve
et que les visages passent comme l’eau. 

 
Sentir que la veille est elle aussi un sommeil
qui rêve de ne point rêver, et que la mort
que craint notre chair est cette même mort
qui vient chaque nuit, qu’on appelle sommeil. 

 
Voir dans le jour, dans l’année un symbole
des jours de l’homme et de ses ans ;
convertir l’outrage des ans
en une musique, un bruit, un symbole. 

 
Voir le sommeil dans la mort, dans le couchant
un or triste, telle est la poésie
qui est immortelle et pauvre. La poésie
revient comme l’aurore et le couchant. 

 
Parfois, le soir, un visage
nous regarde du fond d’un miroir :
l’art doit être comme ce miroir
nous dévoilant notre propre visage. 

 
On raconte qu’Ulysse, rassasié de prodiges,
pleura d’amour en retrouvant son Ithaque
verte et humble. L’art est cette Ithaque
riche d’une verte éternité, non de prodiges. 

 
Il est aussi comme le fleuve sans fin
qui passe et qui reste, toujours le cristal d’un seul
inconstant Héraclite, qui est toujours le même
et autre pourtant, comme un fleuve sans fin.


(Excellente traduction trouvée sur Internet, sans nom de traducteur mais elle semble être de Roger Caillois ... légèrement modifiée par moi)


Santiago Rusiñol- El torrent de Fornalutx





Arte poética Jorge Luis Borges




Mirar el río hecho de tiempo y agua
y recordar que el tiempo es otro río,
saber que nos perdemos como el río
y que los rostros pasan como el agua.

Sentir que la vigilia es otro sueño
que sueña no soñar y que la muerte
que teme nuestra carne es esa muerte
de cada noche, que se llama sueño.

Ver en el día o en el año un símbolo
de los días del hombre y de sus años,
convertir el ultraje de los años
en una música, un rumor y un símbolo,

ver en la muerte el sueño, en el ocaso
un triste oro, tal es la poesía
que es inmortal y pobre. La poesía
vuelve como la aurora y el ocaso.

A veces en las tardes una cara
nos mira desde el fondo de un espejo;
el arte debe ser como ese espejo
que nos revela nuestra propia cara.

Cuentan que Ulises, harto de prodigios,
lloró de amor al divisar su Itaca
verde y humilde. El arte es esa Itaca
de verde eternidad, no de prodigios.

También es como el río interminable
que pasa y queda y es cristal de un mismo
Heráclito inconstante, que es el mismo
y es otro, como el río interminable.

24 févr. 2020

Intermède musical, sublime.


Si vous ne pouvez pas l'entendre, c'est ici https://www.youtube.com/watch?v=unb-z1KT3_c

Nathalie Stutzmann & Philippe Jaroussky - Recording Handel duet "Son nata a lagrimar". 

Émotions, frissons; contralto et contre-ténor.



17 févr. 2020

Pause / Pausa

Les travaux de la terre, les plantations dans notre grand potager me laissent peu de temps pour le blog en ce moment.
Les poèmes attendront un peu...vous aussi?




Portez-vous bien!

10 févr. 2020

Aimer l'imperfection / Amar lo imperfecto



Découvert il y a peu le concept japonais de Wabi Sabi. Il parait qu'il a envahi les magasins de décoration, ça je n'en ai aucune idée, mais sa portée philosophique et personnelle m'intéresse. Le concept se base sur la simplicité et l'imperfection de la nature qui, en révélant ses défauts, montre sa beauté.

Descubierto hace poco el concepto japònés de Wabi sabi. Parece que ha invadido las tiendas de decoración, no tengo ni idea de ello, pero su ámbito filosófico y personal me interesa. El concepto se basa en la simplicidad y la imperfección de la naturaleza que, al descubrir sus defectos, muestra su belleza.

Cette imperfection qui ronge certains, dont d'autres s’accommodent et qui fait penser Roberto Juarroz.

Esa imperfección que corroe a algunos, con la cual otros se arreglan y que hace pensar a Roberto Juarroz.




                                                  

 

L’imparfait
Roberto Juarroz


Comment aimer l'imparfait
si l'on écoute au travers des choses
combien le parfait nous appelle?

Comment parvenir à suivre
dans la chute ou l'échec des choses
la trace de ce qui ne tombe ni n'échoue?

Peut-être nous faudrait-il apprendre que l'imparfait
est une autre forme de la perfection:
la forme que la perfection assume
pour pouvoir être aimée

(Trad: Colo)

Lo imperfecto
Roberto Juarroz 

¿Cómo amar lo imperfecto,
Si escuchamos a través de las cosas
Cómo nos llama lo perfecto?

¿Cómo alcanzar a seguir
En la caída o el fracaso de las cosas
La huella de lo que no cae ni fracasa?

Quizá debamos aprender que lo imperfecto
Es otra forma de la perfección:
La forma que la perfección asume
Para poder ser amada

6 févr. 2020

Le secret du rouge-gorge / El secreto del petirrojo



Un poème d’Anne Le Maître, et puis deux traductrices le même jour, hop on se fait plaisir avec ces cadeaux et chants de rouge-gorge.
Sa traduction en Néerlandais chez dame Adrienne: https://adrienne414873722.wordpress.com/2020/02/06/e-comme-entendre

Entendre...


Le voici en espagnol.

Recibido de un petirrojo


Abrí la ventana
al canto del pájaro
la escarcha entró
la noche era pálida

el canto me dijo
demórate
escucha al que vela

nadie puede decir
el secreto
del pájaro.

La lección del petirrojo
es este canto obstinado
en la noche
engarzada de hielo azul

Con la niebla que sube del río
y los pequeños animales
dormidos en los agujeros.

31 de diciembre
tengo la piel azul de frio
descalza
en la ventana

la valentía
esta noche
tiene la garganta roja

recibo del pájaro
la última lección
del año.

(Trad: Colo) 



                                      Et le poème original d'Anne Le Maître



Reçu d'un rouge-gorge



J’ai ouvert la fenêtre
sur le chant de l’oiseau
le givre est entré
la nuit était pâle

le chant m’a dit
attarde-toi
entends celui qui veille

nul ne peut dire
le secret
de l’oiseau.


La leçon du rouge-gorge
c’est ce chant obstiné
dans la nuit
sertie de givre bleu

Avec le brouillard monté de la rivière
et les petits animaux
endormis dans les trous.


31 décembre
j’ai la peau bleue de froid
pieds nus
à la fenêtre

la vaillance
cette nuit
a la gorge vermeille

je reçois de l’oiseau
la dernière leçon
                            de l’année.