29 août 2019

Golden hour


Se balader en plein été ici n’est agréable qu’avant huit heures du matin, mais cette semaine il y a eu, enfin, un gros orage et hier soir il faisait délicieux. Une brise fraîche caressait nos peaux nues, personne au village ne voulait rater ce moment si rare depuis des mois.

Ces dames âgées, grandes connaisseuses de la nature et surtout très gourmandes, nous ont fait sourire puis rire. En passant devant les figuiers, sans hésitation, hop, elles ont levé leurs cannes pour décrocher les fruits les plus appétissants. Ensemble, et additionné de quelques mûres voisines, un apéritif-fruits s’est improvisé.

 




 

Un mouton gourmand et affamé sans doute attend patiemment que les figues tombent

À 8h du soir, la lumière est de celles qu’on voudrait garder en soi pour longtemps. Tout près de chez nous, pourquoi diable aller loin?

C’est cette lumière, cette paix qu’à travers ces photos je voudrais partager avec vous ce matin.








21 août 2019

Souvenirs imaginés / Recuerdos imaginados


Julia Uceda, née à Sevilla en 1925 est poète et fut professeur de Lettres dans des Universités Espagnoles et Nord-Américaines.

Julia Uceda, nacida en Sevilla en 1925 es poeta y fue profesora de Letras en Universidades españolas y norte americanas.

Il me plaît ce poème où l’on joue avec le temps, un temps où l’eau et la lumière sont si présents.

Me gusta este poema donde se juega con el tiempo, un tiempo donde el agua y la luz están muy presentes.

Le temps me rappelle

Se souvenir n’est pas toujours revenir à ce qui a été.
Il est dans la mémoire des algues qui entraînent d’étranges merveilles;
des objets qui ne nous appartiennent pas ou qui n’ont jamais surnagé.
La lumière qui parcourt les abîmes
illumine les années antérieures à moi, pas vécues
mais dont je me souviens comme si c’était hier.
Vers l’an mille neuf cents
je me suis promenée dans un parc qui est à Paris -était -
enveloppé de brume.
Ma robe avait la même couleur que la brume.
La lumière était la même qu’aujourd’hui
-septante ans plus tard -
quand la brève tempête a passé
et qu’à travers les vitres je vois passer les gens,
depuis cette fenêtre si proche des nuages.
Dans mes yeux semble pleuvoir
un temps qui n’est pas le mien.
(Trad:Colo)

Julia Uceda

El tiempo me recuerda

Recordar no es siempre regresar a lo que ha sido.
En la memoria hay algas que arrastran extrañas maravillas;
objetos que no nos pertenecen o que nunca flotaron.
La luz que recorre los abismos
ilumina años anteriores a mí, que no he vivido
pero recuerdo como ocurrido ayer.
Hacia mil novecientos
paseé por un parque que está en París -estaba-
envuelto por la bruma.
Mi traje tenía el mismo color de la niebla.
La luz era la misma de hoy
-setenta años después-
cuando la breve tormenta ha pasado
y a través de los cristales veo pasar la gente,
desde esta ventana tan cerca de las nubes.
En mis ojos parece llover
un tiempo que no es mío.

13 août 2019

Pour les siècles des siècles / Por los siglos de los siglos


L’amusant poème d’aujourd’hui est une plongée dans nos enfances, jeunesses, et cette question que je me suis posée: quelles recettes de ma grand-mère, de ma mère ai-je copiées ou transformées? Il y en a pas mal, et vous? (les hommes sont bien sûr inclus!)

El divertido poema de hoy es una inmersión en nuestras infancias, juventudes, y esa pregunta que me hice:¿qué recetas de mi abuela, de mi madre copié, trasformé yo? Hay bastantes, ¿y vosotros?


L'auteure est une jeune espagnole, Patricia García-Rojo née à Jaen en 1984
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Et alors dieu unit les femmes par des recettes,
et de mère en fille,
et de grand-mère en petite-fille,
elles copièrent, améliorèrent,
perfectionnèrent, défirent
et confessèrent
premiers et seconds plats,
sucreries, desserts et goûters
avec une touche de sel, une griotte,
miel, cannelle,
s’éternisant toutes
les unes dans les autres
pour les siècles des siècles
amen.

(Trad; Colo)

1903, les crêpes


Y entonces dios unió a las mujeres con recetas,
y de madre a hija,
y de abuela a nieta,
copiaron, mejoraron,
perfeccionaron, destrozaron
y confesaron
primeros y segundos platos,
dulces, postres y meriendas
con un toque de sal, una guinda,
miel, canela,
eternizándose todas
unas en las otras,
por los siglos de los siglos
amén.

Patricia García-Rojo (Jaén 1984)





5 août 2019

À la recherche de la maison/ Buscando la casa

The house among the roses Claude Monet 1925
 Alors...le poème d'aujourd'hui parle de ce tableau. L'auteure est la jeune
Martha Asunción Alonso (Madrid 1986); j'imagine qu'elle l'a vu au Musée 
Thyssen de Madrid et celui qu'elle a vu est celui-ci (je ne peux le copier, il est
 protégé) https://coleccioncarmenthyssen.es/en/work/la-casa-entre-las-rosas/
 Vous voyez? La maison n'y est pas décelable!

El poema de hoy habla de este cuadro.  La autora del poema es Martha Asunción Alonso (Madrid 1986), me imagino que lo vio en el Museo Thyssen de Madrid, y el que vio es el siguiente (no lo puedo copiar, está protegido)
https://coleccioncarmenthyssen.es/en/work/la-casa-entre-las-rosas/ 
¿Veis? ¡La casa no se distingue!

En fait il existe 6 versions différentes du même tableau, peintes par Monet en
  automne 1925, avec différentes lumières.

Existen 6 versiones distintas del mismo cuadro, pintadas por Monet en otoño

 1925, con luces distintas.


The house among the roses (Monet, 1925)
Martha Asunción Alonso

Tous la signalaient du doigt, ils acquiesçaient,
s’éloignaient pour mieux observer, fixement,
comme des enfants suivant des yeux un cerf-volant sur la plage.

Une femme utilisait même des jumelles,
très sérieuse et discrète, la tête inclinée,
comme elle le ferait pour scruter la fausse carte d’un trésor.

Je me sentais imbécile. Je me souviens avoir pensé: peut-être
la maison parmi les roses se trouve-t-elle en dehors du cadre,
là où personne ne pense,
là où la vue se voile.
Peut-être avons-nous perdu le temps à chercher l’animal
jamais son ombre;
l’éclat du soleil sur la source, pas la soif.

J’y pensai un bon moment, comme aveugle,
tandis que les japonais souriaient.

Car peut-être la maison n’est que les roses
et ce ciel bleu turquoise,
joie compacte et feu facile.

Aujourd’hui je crois que la maison parmi les roses a toujours été
nous. À sa recherche.

Trad: Colo



The house among the roses (Monet, 1925)

Martha Asunción Alonso

Todos la señalaban con el dedo, asentían,
se alejaban para observar mejor, muy fijamente,
como niños siguiendo una cometa por la playa.


Una mujer incluso usaba unos prismáticos,
muy seria y sigilosa, la cabeza inclinada,
igual que si escrutase un mapa falso del tesoro.


Yo me sentía imbécil. Recuerdo que pensé: quizá
la casa entre las rosas esté fuera del cuadro,
donde nadie la piensa,
allí donde se nubla tu mirada.
Quizá hayamos perdido el tiempo buscando el animal,
nunca su sombra;
el destello del sol sobre la fuente, no la sed.


Seguí pensando un rato, como ciega,
mientras los japoneses sonreían.


Porque tal vez la casa sólo fuera las rosas
y aquel cielo turquesa,
alegría compacta y lumbre fácil.


Hoy creo que la casa entre las rosas siempre fuimos
nosotros. En su busca.

(De Detener la primavera, Madrid, Hiperión 2011



2 août 2019

"Lo nuestro es pasar", Notre destin est de passer, A.Machado, fin.


Entre la dictature de Primo de Rivera et celle de F. Franco, les huit ans de République furent une époque faste (pour certains!) mais bien courte, bien trop courte pour A. Machado.
Si, dès l’arrivée du nouveau dictateur, il met sa plume et son énergie au service de la République, il connaît une des plus grandes souffrance de sa vie: son frère Manuel qu’il aime tant et avec lequel il a écrit, voyagé, prend le parti des nationalistes. Rupture définitive entre les deux frères.

Cette guerre civile dura trois ans de ‘36 à ‘39 et les poèmes écrits par Machado à cette époque ont, vous l’imaginez bien, perdu cette symbiose avec la nature. On y parle de mort, de morts.


https://www.slideshare.net/100005043120186/el-crimen-fue-en-granada-81190512 Machado Y Lorca



Voici le premier, sur l’exécution de F.Garcia Lorca:
Il y a eu crime dans Grenade
A Federico Garcia Lorca
I
Le crime
On l’avait vu, cheminant entre des fusils
par une longue rue,
apparaître dans la campagne froide,
encore étoilée, la campagne du matin.
Ils ont tué Frédéric
à l’heure où surgissait la lumière.
Le peloton des bourreaux
n’osait le regarder en face.
Ils ont tous fermé les yeux,
ils ont prié : Dieu lui-même ne te sauverait pas !
Il est tombé mort, Frédéric
- sang au front et aux entrailles. –
Il y a eu crime dans Grenade !
Vous savez ? – pauvre Grenade ! – sa Grenade !...
Traduit de l’espagnol par Jean Cassou 
 



El crimen fue en Granada
A Federico Garcia Lorca

I
El crimen
Se le vio, caminando entre fusiles,
por una calle larga,
salir al campo frío,
aún con estrellas, de la madrugada.
Mataron a Federico
cuando la luz asomaba.
El pelotón de verdugos
no osó mirarle la cara.
Todos cerraron los ojos;
rezaron: ¡ni Dios te salva!
Muerto cayó Federico.
-sangre en la frente y plomo en las entrañas-.
...Que fue en Granada el crimen
sabed -¡pobre Granada!-, en su Granada...

Et puis ces vers qui m’ont toujours tant émue, bouleversée:

Petit Espagnol qui viens au monde.
Que Dieu te garde.
Une des deux Espagne
Va te geler le coeur”

Españolito que vienes
al mundo te guarde Dios.
una de las dos Españas
ha de helarte el corazón.”

Juan Manuel Serrat a tant chanté les poèmes de Machado:

Ici, Serrat, jeune:


Puis il y eût la fuite, Valencia, Barcelona enfin, il est déjà en mauvaise santé. Le 2 février 1939, en compagnie de sa mère et d’un de ses frères, ils entreprennent à pied, dans le froid, le voyage épuisant vers la France. Et ils arrivent à Colliure où ils logent dans une auberge. Il y mourra une vingtaine de jours plus tard, sa mère ne lui survivra que quelques jours.



« Machado dort à Collioure 
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd 
Il s'assit dans cette campagne 
Et ferma les yeux pur toujours” Aragon.
(lire le poème entier:

Jean Ferrat l’a chanté:



Voilà, vie et mort, comme écrivait le poète: “Lo nuestro es pasar” (Notre destin est de passer)

Sur sa tombe, ces vers:


« Et quand viendra le jour du dernier voyage,
quand partira la nef qui jamais ne revient,
vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,
quasiment nu, comme les enfants de la mer ».


PS: Je n'ai pas traduit ces billets sur A.Machado en espagnol parce que les natifs le connaissent fort bien, du moins ils devraient:-)