31 mars 2021

Quand des larmes font une chanson / Cuando lágrimas hacen una canción

 

Nous sommes en 1929 et le musicien-compositeur et chanteur cubain Miguel Matamoros (Santiago de Cuba 1894-1971) se trouve en déplacement à Saint Domingue.

L’histoire raconte qu’un soir, dans la chambre de la pension où il séjournait, il entend des pleurs de femme dans la chambre voisine. Il pense à un deuil, puis il apprend que le mari de la dame l’a quitté la veille pour une autre.

Ceci lui aurait inspiré les paroles de la chanson “Lágrimas negras”

La liste des interprètes est très longue, mais nous allons nous centrer sur la version de Bebo y  El Cigala, extraordinaire réunion d’artistes variés.



D’abord Bebo Valdés, le connaissez-vous ?  Pianiste de jazz et compositeur cubain, lié au latin-jazz et au jazz afro-cubain.

El Cigala, né à Madrid, célèbre cantaor de flamenco, gitan, espagnol donc mais de nationalité Dominicaine depuis 2014.

Il reste le saxophoniste, magnifique, mais pas de nom fixe ai-je vu, il semble être différent à chaque concert ou enregistrement.

L’album Produit par les Espagnols Javier Limón et Fernando Trueba et la chanson d’aujourd’hui ont le même titre “Lágrimas (larmes ) negras”.


Allez, écoutez, laissez-vous emporter, regardez leur plaisir. (les paroles, qui diffèrent d’un chanteur/chanteuse à l’autre) sont plus bas. 

 


Bien que tu m'aies jeté dans l’abandon
Bien que tu aies tué mes illusions
Au lieu de te maudire d'une juste rancœur
dans mes rêves, je te couvre
dans mes rêves, je te couvre de bénédictions


Ton égarement me fait souffrir d'une peine immense
je sens la douleur profonde de ton départ
Je pleure, sans que tu saches que mes pleurs
sont des larmes noires
sont des larmes noires comme ma vie

Aïe, dans le Guadalquivir

Les gitanes lavent

les enfants sur les berges

en regardant passer les bateaux,



Eau du citronnier

Eau du citronnier

Si je te caresse la figure

Tu dois me donner un baiser


Tu veux me quitter, je ne veux pas souffrir
je pars avec toi, ma sainte même si je dois en mourir


22 mars 2021

La pierre dit / Dice la piedra

 IV

La pierre dit


La pluie me baigne

juillet me cuit

l’hiver me fend.


Sans douceur

sans humeur

sans mollesse


Je tiens, dit-elle,

c’est ma vertu

elle me tient lieu

             d’ivresse.


Anne Le Maître


Extrait de “Journal d’une pierre” IV

L’Atelier des Noyers,


                           Dessin de Michel Rouvière
                              https://www.pierreseche.com/dessins_Rouviere.html




Dice la piedra


La lluvia me baña

julio me asa

el invierno me quiebra


Sin dulzura

sin humor

sin blandura


Aguanto, dice,

es mi virtud

me sirve de

         embriaguez.

(Trad: Colo)

17 mars 2021

Mémoire / Memoria

Restons au Chili.

Michaela Paredes Barraza est une jeune poète Chilienne, née à Santiago de Chile, en 1993

 

                                Álvaro Bindis, Chili,

 

Cérémonies d’intérieur

Il y a quelque chose de permanent dans la distance

entre objet et souvenir, ici ou là,

hier, aujourd’hui et demain.

Répété et différent dans la mémoire

tout reste circonscrit à ce lieu

où un jour il nous fut donné d’aimer le monde.

Perdurent ses images : l’angoisse

du rite des dimanches, les miettes du pain

et du désamour

que nous nions une fois derrière la fenêtre.


Nous changeons de ville, d’endroits,

mais là, et seulement là, nous fûmes et sommes

condamnés pour toujours à l’étreinte

au secret de la lumière qui, les nuits, nous rappelle

notre ruine originaire.

(Trad: Colo)

 

Alvaro Bindis, peintre Chilien 

 

Ceremonias de interior



Micaela Paredes Barraza (Santiago de Chile 1993)



 

Hay algo permanente en la distancia

entre objeto y recuerdo, aquí o allá,

ayer, hoy y mañana.

Repetido y diferente en la memoria

todo queda circunscrito a ese lugar

en que un día nos fue dado amar al mundo.

Perduran sus imágenes: la angustia

del rito los domingos, las migajas del pan

y el desamor

que negamos una vez tras la ventana.

 

Cambiamos de ciudad, contamos sitios,

pero allí y solo allí fuimos y somos

para siempre condenados al abrazo,

al secreto de la luz que nos recuerda por las noches

nuestra ruina originaria.

16 mars 2021

Quand l'esprit s'envole / Cuando la mente vuela

 

Nos esprits font souvent d'étranges associations.

Ainsi, profitant du soleil et d'un taux de contamination au plus bas, je suis sortie de ma campagne pour me balader dans la vieille ville de Palma.

Très peu de monde, bien trop de volets de magasins et bars baissés, certains annoncent qu'ils ouvriront le 1º avril, mais la plupart, hélas, jamais.

Mais venons-en au fait : en voyant ces branches, ces toits et parasols, ces balcons et motos qui se touchent ou presque, je les ai enviés. Nos corps depuis un an éloignés les uns des autres, et eux...

"Ne sois pas ridicule" ai-je pensé en riant.



 







Nuestras mentes hacen a menudo asociaciones extrañas.

Así, aprovechando un día soleado y un nivel de contaminación muy bajo, salí de mi casa en el campo y me fui a pasear por el casco antiguo de Palma.

Muy poca gente, demasiadas persianas de tiendas y bares bajadas, algunos anuncian que abrirán el día 1 de abril , otros por desgracia, nunca.

Pero vayamos al grano: al ver esas ramas, esos tejados, balcones y motos que se tocan o casi, los envidié. Nuestros cuerpos alejados de los demás desde hace un año y ellos…

No seas ridícula” pensé riéndome.


11 mars 2021

Il y a....

(Cette vidéo n'est disponible que si vous cliquez sur le lien youtube qui apparait)


                                      Une version au saxophone tout à fait intéressante.




 Aujourd'hui, il y a 100 ans, naissait Astor Piazzola, le maître du tango Argentin, vous le connaissez sûrement.

J'ai choisi ce titre, pas le plus connu,  "Ausencias" (Absences), car ce 11 mars est aussi la date où eut lieu en 2011 le terrible tremblement de terre au Japon avec les conséquences que nous avons peut-être un peu oubliées mais dont les Japonais souffrent encore, et pour longtemps.

 


9 mars 2021

Gabriela (2)

 

Nous avions quitté Gabriela Mistral la semaine dernière alors qu’elle partait faire des conférences de par monde. Finalement elle est nommée consul honoraire du Chili à Naples.
C’est en 1945 qu’on lui attribue le prix Nobel (le premier donné à une écrivaine de langue espagnole) et en 1951 elle reçut le Prix national de Littérature du Chili.
Elle poursuit de pair sa carrière diplomatique, la poésie, et ses nombreux voyages jusqu’à sa mort en 1957 à New York. Selon son désir ses restes furent amenés au Chili. Certaines de ses œuvres inédites furent publiées après sa mort.

Alors, et comme le dit Angèle Paoli (ici, sur Terres de femmes):

La poésie de Gabriela Mistral est malheureusement quasi inaccessible aux non-hispanisants, compte tenu de la rareté – du moins en France – des traductions de ses recueils poétiques, publiées pour la plupart en 1946, au lendemain de son Prix Nobel (et non rééditées depuis), hors une anthologie poétique parue en 1989 à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance (D’amour et de désolation, Orphée/La Différence). Cette anthologie a été rééditée en 2012.”




Je ne vous mets qu’un seul poème aujourd’hui car il est long, mais vous en traduirai des vers variés la semaine prochaine. 
Prenez votre temps... 

Pour comprendre ce poème, le plus connu sans doute des francophones, il vous faut savoir ceci: le Chili vécut, au milieu du XIXºs, ce qu’ils appellent une colonisation sélective. Le gouvernement avait ouvert ses frontières pour recevoir des étrangers, catholiques, qui avaient eu une éducation secondaire.
C’est ainsi qu’arrivèrent des Allemands, qui imposèrent plus ou moins leur langue et leurs coutumes dans les zones où ils habitaient. Gabriela élève la voix devant la transformation de son paysage affectif, devant l’étrangeté d’un espace qui commençait à perdre son identité.

DÉSOLATION


La brume épaisse, éternelle, pour me faire oublier où
m’a rejetée la mer dans son flot saumâtre.
La terre où j'ai abordé n'a pas de printemps :
sa nuit sans fin me couvre comme une mère.

Autour de mon logis, le vent fait sa ronde de sanglots
et de hurlements et, tel un fil de cristal, brise mon cri.
Sur la plaine blanche, à l'horizon sans fin,
je regarde mourir d'immenses couchants douloureux.

Qui pourra appeler celle qui est venue jusqu'ici,
puisque seuls les morts sont allés plus loin ?
Ils regardent une mer muette et glacée
s'allonger entre leurs bras et les bras chéris.

Les bateaux dont les voiles blanchissent le port
viennent de terres où ne sont pas les miens ;
leurs hommes aux yeux clairs ne connaissent pas mes fleuves,
et n'apportent que des fruits pâles, qui n'ont pas la lumière de mes vergers.

La question qui monte à ma gorge
lorsque je les vois passer, retombe, accablée :
ils parlent des langues étrangères, non l'émouvante
langue que, sur des terres dorées, chante ma pauvre mère.

Je regarde tomber la neige comme poussière dans la tombe ;
je regarde s'épaissir le brouillard comme l'agonisant,
pour ne pas tomber dans la folie, je ne compte pas les instants ;
la
longue nuit ne fait que commencer.

Je contemple la plaine figée et en recueille le deuil,
car je suis venue voir les paysages de mort.
La neige est le visage qui regarde à travers mes vitres,
sa blancheur descend sans trêve des cieux.

Toujours elle, silencieuse, ainsi que le vaste
regard de Dieu sur moi, toujours ses jasmins sur mon toit ;
toujours, tel le destin égal, présent,
elle viendra me couvrir, terrible, extasiée.


Gabriela Mistral, Poèmes choisis, Éditions Stock. Traduction de Mathilde Pomès. (Trouvé sur le même site :“Terres de femmes”

 

La bruma espesa, eterna, para que olvide dónde
me ha arrojado la mar en su ola de salmuera.
La tierra a la que vine no tiene primavera:
tiene su noche larga que cual madre me esconde.

El viento hace a mi casa su ronda de sollozos
y de alarido, y quiebra, como un cristal, mi grito.
Y en la llanura blanca, de horizonte infinito,
miro morir intensos ocasos dolorosos.

¿A quién podrá llamar la que hasta aquí ha venido
si más lejos que ella sólo fueron los muertos?
¡Tan sólo ellos contemplan un mar callado y yerto
crecer entre sus brazos y los brazos queridos!

Los barcos cuyas velas blanquean en el puerto
vienen de tierras donde no están los que no son míos;
sus hombres de ojos claros no conocen mis ríos
y traen frutos pálidos, sin la luz de mis huertos.

Y la interrogación que sube a mi garganta
al mirarlos pasar, me desciende, vencida:
hablan extrañas lenguas y no la conmovida
lengua que en tierras de oro mi pobre madre canta.

Miro bajar la nieve como el polvo en la huesa;
miro crecer la niebla como el agonizante,
y por no enloquecer no encuentro los instantes,
porque la noche larga ahora tan solo empieza.

Miro el llano extasiado y recojo su duelo,
que viene para ver los paisajes mortales.
La nieve es el semblante que asoma a mis cristales:
¡siempre será su albura bajando de los cielos!

Siempre ella, silenciosa, como la gran mirada
de Dios sobre mí; siempre su azahar sobre mi casa;
siempre, como el destino que ni mengua ni pasa,
descenderá a cubrirme, terrible y extasiada.