L'écrivain, essayiste, poète et chroniqueur de El País, Manuel Vicent s'est joint cette semaine, à sa manière, à une partie des juges, des médecins, des professeurs et de tant d'autres pour essayer d'apporter un peu d'espoir, de mieux être...
El
escritor, ensayista, poeta y cronista de El País, Manuel Vicent se
unió esta semana, a su manera, a una parte de los jueces, médicos,
profesores y tantos más para intentar aportar un poco de esperanza,
de bienestar...
J'ai traduit cette chronique.
Elle ne peut pas nous faire de mal...
Una solución
Manuel Vicent 2 DIC 2012 – El PAÍS
Un
jour dans le bar Gijón j'ai surpris un poète maudit, plongé dans
ses pensées. Je lui ai demandé si la gravité de son visage se
devait à l'élaboration d'un vers brillant. “C'est ça”,
m'a-t-il répondu. “En ce moment je me débats dans un doute: me
tirer un coup de revolver dans la bouche ou manger une glace à la
fraise”.
Au
monastère de Kopan, dans la vallée de Katmandu, un Maître
Vénérable m'a dit: si tu veux savoir jusqu'à quel point tu es
heureux et tu ne le sais pas, achète-toi un carnet et écris chaque
nuit cinq petits faits agréables qui te sont arrivés pendant la
journée. Ne note que les sensations plaisantes et insignifiantes,
les joies infimes, pas les rêves démesurés.
Ce
matin le soleil à la fenêtre m'a éveillé et j'ai remarqué que
cette fois je n'avais pas mal au dos. Le chien m'a salué de la
queue. Le patron du bar, où j'ai l'habitude de petit déjeuner en
lisant le journal, a refusé de me faire payer la ration de churros.
J'ai lu la chronique sportive: hier mon équipe a gagné. L'autobus
est arrivé à l'heure et à l'arrêt les mots d'amour d'une mère à
sa petite fille qui partait à l'école m'ont ému. (…)
Le
Vénérable Maître assura qu'après un temps se formerait dans ce
carnet un tissu basique d'actes heureux, de subtils plaisirs
éphémères, très consistant, qui, sans que nous nous en rendions
compte,
soutient fermement toute notre vie et résout au passage le doute du
poète.
Pour
le moment il suffira pour éviter qu'il ne se suicide.
Il
se peut que ce ne soit que cette charlatanerie qui se répand tandis
que brûlent les traditionnels bâtons de musc et encens et que cela
ne serve qu'à oublier la terrible et injuste cruauté qui nous
entoure.
Mais
le Vénérable Maître, au milieu de cet air transparent qui
descendait de l'Himalaya, dit que de toutes les flèches funestes que
la vie nous lance quasi aucune n'atteint son but. Elles tombent
autour de nous et c'est nous qui les arrachons du sol et nous les
clouons dans le cœur, l' esprit, ou dans le sexe. Peut-être cet
enseignement pourrait-il servir au poète pour enfiler un de ses vers
les plus éminents: paraît le soleil, je suis vivant.
(Trad:Colo)
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{Écrivain
prolixe, très peu de ses romans sont traduits en français, mais
parmi eux La Balade de Caïn: basé sur le vieux thème du
fratricide qui imprègne la culture judéo-chrétienne, et depuis la
Genèse jusqu'à New York, c'est un roman sensuel, lyrique et
sensible. La recherche des mots et du style, si neuf, – on a parlé
de “poète de la prose” - rendent sa lecture délicieuse. }
Foto Colo, Fondation Miró Foto Colo.
Un día
en el café Gijón sorprendí a un poeta maldito, absorto en sus
pensamientos. Le pregunté si la gravedad de su rostro obedecía a
que estaba elaborando algún verso insigne. “Así es”, me
contestó. “En este momento me debato en la duda de pegarme un
tiro en la boca o tomarme un helado de fresa”.
En el
monasterio de Kopan, en el valle de Katmandú, me dijo un Maestro
Venerable: si quieres saber hasta qué punto eres feliz y no lo
sabes, cómprate una libreta y apunta en ella cada noche cinco
pequeños hechos agradables que te hayan sucedido durante el día.
Anota solo las sensaciones placenteras insignificantes, las alegrías
ínfimas, no los sueños desmesurados.
Esta
mañana me ha despertado el sol en la ventana y he comprobado que
esta vez no me dolía la espalda. El perro me ha saludado con el
rabo. El dueño del bar, donde suelo desayunar hojeando el
periódico, hoy se ha negado a cobrarme la ración de churros. He
leído la crónica deportiva: ayer ganó mi equipo. El autobús ha
llegado puntual y en la parada me han conmovido las palabras de amor
que una madre le dirigía a su niña que se iba al colegio. (...)
El
Maestro Venerable aseguró que después de un tiempo en esa libreta
se habrá formado un tejido básico de actos felices, de sutiles
placeres efímeros, muy consistente, que sin darnos cuenta sustenta
firmemente toda nuestra vida y de paso resuelve la duda del poeta.
De
momento bastará con un helado para evitar que se pegue un tiro.
Puede
que esto no sea más que esa charlatanería que se expande mientras
arden las consabidas barritas de almizcle e incienso y que solo sirve
para olvidar la terrible crueldad e injusticia que nos rodea.
Pero
el Maestro Venerable, en medio de aquel aire transparente que bajaba
del Himalaya, dijo que todas las flechas aciagas que la vida nos
lanza casi ninguna da en el blanco. Caen a nuestro alrededor y somos
nosotros los que las arrancamos del suelo y nos las clavamos en el
corazón, en la mente o en el sexo. Tal vez esta enseñanza podría
servir al poeta para enhebrar uno de sus versos más excelsos: sale
el sol, estoy vivo.
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{Escritor
muy prolijo, me encantó la novela La Balada de Caín; basada
en el viejo tema del fratricidio que impregna la cultura
judeocristiana, y eso desde la Génesis hasta Nueva York, es una
novela sensual, lírica y sensible. La búsqueda de palabras y de un
estilo tan nuevo – se habló de un “poeta de la prosa” - hacen
su lectura deliciosa.}