21 nov. 2021

Pause

 

Mon blog se met en pause pour un temps.


Quelques jours à l’hôpital, le pathologiste dit que ce n’est rien de grave, un “petit 

truc étrange” qui les intrigue (sont-ils curieux ces gens là!) et qu’il faut ôter. 

 



Quelle paresse, bouh bouh mais je n’oublierai pas de chanter cui-cui ;-)


Portez-vous bien, à bientôt !


13 nov. 2021

Chanter cui-cui / Cantar pío-pío

Encore un poème de Juan Gelman, fort différent, quoique...

 

Sur la poésie

Juan Gelman



il y aurait deux choses à dire /
que personne ne la lit beaucoup /
que ce personne c’est très peu de gens /
que tout le monde ne pense qu’au problème de la crise mondiale / et
 

au problème de manger tous les jours / il s’agit
d’un sujet important / je me rappelle
quand l’oncle juan est mort de faim /
il disait qu’il ne se souvenait même pas de manger et qu’il n’y avait pas de problème /
 

mais le problème vint plus tard /
il n’y avait pas d’argent pour le cercueil /
et quand finalement le camion municipal passa pour l’emporter
l’oncle juan ressemblait à un petit oiseau /
 

ceux de la municipalité le regardèrent avec mépris et dédain / ils murmuraient
qu’on leur casse toujours les pieds /
 qu’eux ils étaient des hommes et qu’ils enterraient des hommes / et non
des oisillons comme l’oncle juan / spécialement
 

parce que l’oncle s’était mis à chanter cui-cui tout le long du voyage au crématorium municipal /
ce qui leur avait semblé un manque de respect dont ils étaient très offensés /
et quand ils lui donnaient une tape pour qu’il ferme sa boîte /
le cui-cui volait dans la cabine du camion et ils sentaient que ça leur faisait cui-cui dans la tête


/ l’oncle juan était comme ça / il aimait chanter /
et il ne voyait pas pourquoi la mort était une raison pour ne pas chanter /
il entra dans le four en chantant cui-cui / on sortit ses cendres elles piaillèrent un moment /
et les compagnons municipaux regardèrent leurs chaussures grises de honte / mais
 

pour en revenir à la poésie /
les poètes aujourd’hui vont assez mal /
personne ne les lit beaucoup / ce personne c’est très peu de gens /
le métier a perdu son prestige / pour un poète c’est tous les jours plus difficile
 

d’obtenir l’amour d’une fille /
d’être candidat à la présidence / d’avoir la confiance d’un épicier /
d’avoir un guerrier de qui chanter les exploits /
un roi pour lui payer trois pièces d’or le vers /
 

et personne ne sait si ça se passe comme ça parce qu’il n’y a plus de filles / d’épiciers / guerriers / de rois /
ou simplement de poètes /
ou les deux choses à la fois et il est inutile
de se casser la tête à penser au problème /
 

ce qui est bon c’est de savoir qu’on peut chanter cui-cui
dans les plus étranges circonstances /
l’oncle juan après sa mort / moi à présent
pour que tu m’aimes

 

Vers le sud et autres poèmes, Poésie/Gallimard, 2014 

Traduction : Jacques Ancet

 


                                La voix (voz) de Juan Gelman recitant son poème

 

  SOBRE LA POESÍA

habría un par de cosas que decir/
que nadie la lee mucho/
que esos nadie son pocos/
que todo el mundo está con el asunto de la crisis mundial/ y


con el asunto de comer cada día/se trata
de un asunto importante/recuerdo
cuando murió de hambre el tío juan/
decía que ni se acordaba de comer y que no había problema/


pero el problema fue después/
no había plata para el cajón/
y cuando finalmente pasó el camión municipal a llevárselo
el tío juan parecía un pajarito/


los de la municipalidad lo miraron con desprecio o desdén/
murmuraban
que siempre los están molestando/
que ellos eran hombres y enterraban hombres/y no


pajaritos como el tío juan/especialmente
porque el tío estuvo cantando pío-pío todo el viaje
hasta el crematorio municipal/
y a ellos les pareció un irrespeto y estaban muy ofendidos/


y cuando le daban un palmetazo para que se callara la boca/
el pío-pío volaba por la cabina del camión y ellos sentían que
les hacía pío-pío en la cabeza/el
tío juan era así/le gustaba cantar/


y no veía por qué la muerte era motivo para no cantar/
entró al horno cantando pío-pío/salieron sus cenizas y piaron un rato/
y los compañeros municipales se miraron los zapatos grises de vergüenza/pero
volviendo a la poesía/


los poetas ahora la pasan bastante mal/
nadie los lee mucho/esos nadie son pocos/
el oficio perdió prestigio/para un poeta es cada día más difícil
conseguir el amor de una muchacha/


ser candidato a presidente/que algún almacenero le fíe/
que un guerrero haga hazañas para que él las cante/
que un rey le pague cada verso con tres monedas de oro/
y nadie sabe si eso ocurre porque se terminaron


las muchachas/los almaceneros/los guerreros/los reyes/
o simplemente los poetas/
o pasaron las dos cosas y es inútil
romperse la cabeza pensando en la cuestión/


lo lindo es saber que uno puede cantar pío-pío
en las más raras circunstancias/
tío juan después de muerto/yo ahora
para que me quier
as/

7 nov. 2021

Après la nuit / Después de la noche

 

Parfois, en très peu de mots, des poètes arrivent à concentrer une longue histoire.

 Juan Gelman que vous avez souvent rencontré sur ce blog, et dont l’histoire personnelle, absolument tragique mais illuminée vers la fin (cet article le raconte vraiment bien), est joliment résumée dans ce court poème qui ne peut, je crois, bien se comprendre qu’en connaissant les drames de sa vie.



La victoire


Juan Gelman


Dans un livre de vers éclaboussé

d'amour, de tristesse, du monde,

mes enfants ont dessiné des femmes jaunes,

des éléphants qui avancent sur des parapluies rouges,

des oiseaux arrêtés au bord d'une page,

ils ont envahi la mort,

le grand chameau bleu repose sur le mot cendre,

une joue glisse sur la solitude de mes os,

la candeur vainc le désordre de la nuit.

(Trad: Colo)

 

 



 

La victoria

-- de Juan Gelman --

En un libro de versos salpicado
por el amor, por la tristeza, por el mundo,
mis hijos dibujaron señoras amarillas,
elefantes que avanzan sobre paraguas rojos,
pájaros detenidos al borde de una página,
invadieron la muerte,
el gran camello azul descansa sobre la palabra ceniza,
una mejilla se desliza por la soledad de mis huesos,
el candor vence al desorden de la noche.