“Pour
que ce grand poète qu'est Juan Gelman nous soit un peu mieux révélé
dans toute sa nature : celle d'un homme qui, face aux atrocités
et aux désespoirs de la vie a su résister non par la haine, la
rancœur ou la soif de vengeance, mais par l'amour, la beauté,
l'enfance. Et par la poésie qui les réunit tous. Une poésie qui,
dans le bouleversement et l'intensité qui sont les siens, est un
acte de vie interminablement jeté à la face de la mort”.
Jacques Ancet, son traducteur.
Para
que ese gran poeta Juan Gelman nos sea mejor revelado en su
naturaleza: la de un hombre que, frente a las atrocidades y a las
desesperanzas de la vida consiguió resistir, no por el odio, el
rencor o la sed de venganza, sino por el amor, la belleza, la
infancia. Y por la poesía que todos los reúne. Una poesía que, en
la conmoción y la intensidad que le son propios, es un acto de vida
interminablemente arrojado frente a la muerte.” J. Ancet. (trad:
Colo)
Juan
Gelman, Buenos Aires 1930 – Mexico 2014
Juan Gelman y su caricatura |
Il
se trouvait à Rome pour dénoncer les violations des droits de
l'homme en Argentine sous Eva Perrón quand, le 24 mai 1976 il y eut
un coup d'État qui imposa un “terrorisme d'État”, et on lui
interdit de revenir dans son pays. Il passa sa vie dans diverses
parties du monde. Exil.
Se
encontraba en Roma para denunciar las violaciones de los derechos del
hombre en Argentina bajo Eva Perrón cuando, el 24 de mayo 1976 hubo
un golpe de Estado que impuso un “terrorismo de Estado”, y se le
prohibió volver a su país. Pasó su vida en varias partes del
mundo. Exilio.
des devoirs
de l'exil :
ne pas oublier l'exil /
combattre la langue qui combat l'exil !
pas oublier l'exil / autrement dit la terre /
ou la patrie ou bon lait ou mouchoir
où nous vibrions / nous vivions enfants /
pas oublier les raisons de l'exil /
dictature militaire / ou erreurs
commises par nous pour toi / contre toi /
terre dont nous sommes et qui nous étais
là à nos pieds / comme une aube étendue /
et toi / toi tout petit cœur qui regarde
n'importe quel matin comme un oubli /
ne pas oublier l'exil /
combattre la langue qui combat l'exil !
pas oublier l'exil / autrement dit la terre /
ou la patrie ou bon lait ou mouchoir
où nous vibrions / nous vivions enfants /
pas oublier les raisons de l'exil /
dictature militaire / ou erreurs
commises par nous pour toi / contre toi /
terre dont nous sommes et qui nous étais
là à nos pieds / comme une aube étendue /
et toi / toi tout petit cœur qui regarde
n'importe quel matin comme un oubli /
non n'oublie pas
d'oublier l'oubli
Sous la pluie
étrangère, p.85
Tra: J. Ancet
de
los deberes del exilio:
no olvidar el exilio/
combatir a la lengua que combate al exilio
no olvidar el exilio/o sea la tierra/
o sea la patria o lechita o pañuelo
donde vibrábamos/donde niñábamos/
no olvidar las razones del exilio/
la dictadura militar/los errores
que cometimos por vos/contra vos/
tierra de la que somos y nos eras
a nuestros pies/como alba tendida/
y vos/corazoncito que mirás
cualquier mañana como olvido/
no te olvides de olvidar el olvido
no olvidar el exilio/
combatir a la lengua que combate al exilio
no olvidar el exilio/o sea la tierra/
o sea la patria o lechita o pañuelo
donde vibrábamos/donde niñábamos/
no olvidar las razones del exilio/
la dictadura militar/los errores
que cometimos por vos/contra vos/
tierra de la que somos y nos eras
a nuestros pies/como alba tendida/
y vos/corazoncito que mirás
cualquier mañana como olvido/
no te olvides de olvidar el olvido
Su
hijo y su nuera, embarazada, fueron apresados. A él le mataron y a
ella también pero después de haber dado a luz de una niña,
Macarena, que encontró finalmente en el año 2000. Fue una fiesta en
toda la Argentina. Había sido dada a una pareja estéril...Gelman
nunca había dejado de buscarla.
Rincón de la memoria Margarita Garcés | http://www.portaldearte.cl/agenda/pintura/2004/rincon_memoria.htm |
Une femme et un homme emportés par la vie,
une femme et un homme face à face
habitent dans la nuit, débordés par leurs mains,
ils s’entendent monter libres dans l’ombre,
leurs têtes reposent sur une belle enfance
qu’ils ont créée ensemble, pleine de soleil, de lumière,
une femme et un homme attachés par leurs lèvres
remplissent la nuit lente avec toute leur mémoire,
une femme et un homme plus beaux en l’autre
occupent leur place sur la terre.
(Trad: J. Ancet)
UNA
MUJER Y UN HOMBRE
Una mujer y un hombre llevados por la vida,
una mujer y un hombre cara a cara
habitan en la noche, desbordan por sus manos,
se oyen subir libres en la sombra,
sus cabezas descansan en una bella infancia
que ellos crearon juntos, plena de sol, de luz,
una mujer y un hombre atados por sus labios
llenan la noche lenta con toda su memoria,
una mujer y un hombre más bellos en el otro
ocupan su lugar en la tierra.
Una mujer y un hombre llevados por la vida,
una mujer y un hombre cara a cara
habitan en la noche, desbordan por sus manos,
se oyen subir libres en la sombra,
sus cabezas descansan en una bella infancia
que ellos crearon juntos, plena de sol, de luz,
una mujer y un hombre atados por sus labios
llenan la noche lenta con toda su memoria,
una mujer y un hombre más bellos en el otro
ocupan su lugar en la tierra.
Ce
dernier poème pour aujourd'hui s'adresse, j'imagine, à sa
petite-fille.
Este
último poema para hoy se dirige, me imagino, a su nieta.
J, Gelman y Macarena, su nieta |
J’écris dans l’oubli
dans chaque feu de la nuit
chaque visage de toi.
Il y a une pierre alors
je t’y couche en moi,
personne ne la connaît,
j’ai fondé des villages dans ta douceur,
j’ai souffert de tout cela,
tu es hors de moi
étrangère tu m’appartiens.
Escribo en el olvido...
Escribo en el olvido
en cada fuego de la noche
cada rostro de ti.
Hay una piedra entonces
donde te acuesto mía,
ninguno la conoce,
he fundado pueblos en tu dulzura,
he sufrido esas cosas,
eres fuera de mí,
me perteneces extranjera.
Liens en français où vous trouverez des détails de sa vie, de sa poésie, d'excellents articles:
http://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article2204
http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2014/01/juan-gelman-une-parole-pour-lindicible.html
http://america-latina.blog.lemonde.fr/2014/01/20/largentin-juan-gelman-poete-des-disparus/
(suite la semaine prochaine)
C'est beau. Merci.
RépondreSupprimerBonne journée Bonheur.
Supprimerquelle horreur et quelle tristesse cette histoire de l'Amérique latine...
RépondreSupprimerTragique, si près de nous dans le temps toutes ces horreurs, des familles, des pays si déchirés...
SupprimerJ'avais lu suite à ton billet précédent quelques éléments sur lui, une vie marquée par les épreuves, les drames. Dans l'esprit, sa manière d'être me fait penser à Primo Levi.
RépondreSupprimerEt ce poème, là, j'écris dans l'oubli, vraiment superbe.
Bonjour K, tu auras sans doute lu aussi que, malgré toutes ces épreuves, il est loin d'être un homme triste ou déprimé. Ici j'ai mis les poèmes qui correspondent à certains côtés, dramatiques, de sa vie, mais ce n'est pas le ton général de sa poésie.
SupprimerRendez-vous la semaine prochaine donc, si tu veux.
N'oublions jamais que l'état français a exporté, en Argentine, les méthodes anti subversives expérimentées en Algérie et a formé les militaires à la torture et au renseignement.
RépondreSupprimerJe l'ignorais...no comment...
SupprimerBon week-end Tunkasina, un beso à dame Sable aussi.
en lisant le mot exil je n'arrive pas à penser à autre chose qu'à ces migrants entassés sur des bateaux qui sont prêts à risquer leur vie juste pour vivre non pas mieux mais un tout petit peu moins mal
RépondreSupprimerce dernier poème est fulgurant
Comment ne pas y penser...pas un jour sans nouveaux arrivants à la dérive.
SupprimerQue faire?
Quelle terrible histoire. Il écrit magnifiquement bien. Il y a des êtres qui doivent être touchés par la grâce pour ne pas sombrer sous les épreuves, mais continuer à croire toujours aussi fort en la vie.
RépondreSupprimerOui, tu as raison....la grâce.
SupprimerPeut-être la poésie l'a-t-il plus aidée qu'on ne peut se l'imaginer aussi.
Bon week-end Aifelle.
Un beau poète que la souffrance n'a pas empêché de chanter la liberté et l'amour. Merci, Colo.
RépondreSupprimerPour toi qui aimes tant le Sud:
SupprimerVERS LE SUD
Juan Gelman
je t'aime/dame/comme le sud/
un matin monte de tes seins/
je touche tes seins et je touche un matin du sud/
un matin comme un double parfum/
du parfum de l'un se lève l'autre/
ou bien tes seins comme double allégresse/
de l'une reviennent les compagnons morts dans le sud/
ils établissent leur dure clarté/
de l'autre ils reviennent au sud/vivants de
l'allégresse qui monte de toi/
le matin que tu donnes comme de douces âmes volant/
faisant âme l'air avec toi/
je t'aime car tu es ma maison et les compagnons peuvent venir/
ils soutiennent le ciel du sud/
ils ouvrent les bras pour lâcher le sud/
d'un côté leur tombent des furies/de l'autre
grimpent leurs enfants/ils ouvrent la fenêtre
pour qu'entrent les chevaux du monde/
le cheval enflammé du sud/
le cheval du délice de toi/
la tiédeur de toi/femme qui existes
pour que l'amour existe quelque part/
les compagnons brillent aux fenêtres du sud/
de ce sud qui brille comme ton coeur/
tourne comme des astres/ou compagnons/
tu ne fais que monter/
quand tu lèves les mains au ciel
tu lui donnes santé ou lumière comme ton ventre/
ton ventre écrit des lettres au soleil/
sur les murs de l'ombre il écrit/
il écrit pour un homme qui s'arrache les os/
il écrit liberté/
Traduction : Jacques Ancet
C'est magnifique ! Merci beaucoup.
SupprimerDestin tragique, . Pourquoi faut il tant de douleur pour avoir de si beaux écrits ?
RépondreSupprimerSuperbe caricature du poète mais réalisée par qui ?
Merci pour ton passage chez moi. Oui, j'espère que tu auras l'occasion d'aller visiter Albi car cette ville mérite vraiment qu'on si attarde. J'y reviendrai certainement. Fais moi signe quand tu y vas ;-)
Bonjour Chinou, même avec une loup, je n'ai pas réussi à savoir qui est l’auteur de la caricature...dommage.
SupprimerJe te ferai signe, ce n'est pas pour demain mais nous avons fort envie d'y aller, merci!
Quelle force de garder l'Amour en soi face à ce que l'Homme peut révéler de plus hideux : la haine, la destruction...
RépondreSupprimerMerci pour cette découverte!
Belle soirée
Oui, et sur les photos de lui, il est souvent souriant...
SupprimerMerci pour ces mots, je m'en vais chez toi!
Bonjour chère Colo, je découvre ce merveilleux poète et le poème j'écris dans l'oubli est magnifique. Dans la vie, il est des personnes qui ont tant soufferts et se relèvent toujours. J'admire. Maintenant, il reste ses écrits.
RépondreSupprimerUn grand merci de ce beau billet.
Gros bisous
Bonjour Denise, le continent sud-américain a connu tant d'horreurs...
SupprimerSes poèmes, tantôt ancrés dans sa tragique réalité, tantôt des hymnes à l'amour (prochain billet) me semblent si forts, si beaux.
Bon dimanche, un beso
Je suis stupéfaite de constater une fois de plus que, comme le dit Denise, il y a des gens que d'horribles douleurs illuminent, on dirait que la lumière intérieure s'intensifie, vient à leur secours, et non seulement ils sont "rédemptés" mais aussi ils réchauffent les autres. Comme si c'était leur chemin de croix pour aider l'autre... Une vie édifiante!
RépondreSupprimerUne lumière interne, c'est bien ça je crois, sinon comment survivre, écrire?
SupprimerBon dimanche Edmée, à bientôt.
Il y a des vies si dramatiques... et malgré tout ils mènent leur vie, résistent et sont là, debout !
RépondreSupprimerOui Lou et nos petits soucis quotidiens semblent bien ridicules à côté de tout ça....
SupprimerBonne semaine, un beso.
Nous savons à présent tout sur Juan Gelman ! Merci, c'est complet, vivant, émouvant.
RépondreSupprimer"quand tu passais par ma fenêtre/mai/ton automne sur le dos/et que tu faisais signe avec la lumière/des dernières feuilles/que voulais-tu me dire, mai ?"
Aujourd'hui mai dit les paroles de l'argentin.
Il y a aussi des mai en automne cher Christian...
SupprimerMerci pour ces mots, à bientôt.
L'exil...
RépondreSupprimerTon billet me parle si fort.
Une belle écriture qui résonne longtemps après l'avoir lue...
Merci Colo et bel après-midi ! Bises
Il y a tant d'exils hélas Enitram. Mon mari, español, avait fui Franco, je l'ai rencontré en Belgique...tu sembles connaître le sujet toi aussi. Tant de souffrances.
SupprimerUn sujet qui, malheureusement, parle à tant de gens, chaque jour.
Bon après-midi à toi aussi.
Quel article étonnant parti de cet arbre de poètes ouvert au monde après avoir déployé ses racines.
RépondreSupprimerQuelle force dans les mots, quelle mélodie et quel destin: savoir les siens partis sous le joug de la dictature et retrouver comme une flamme une partie de lui-même, des années après.
Nous connaissons tous ces hommes et femmes qui ont fui qui l'Espagne(notre région proche en a accueilli beaucoup merveilleusement intégrés) Qui l' Amérique du Sud... Et maintenant c'est l'hémorragie au niveau mondial et il n'y a pas forcément de poète dont la voix porte pour dénoncer ce désastre planétaire.
Belle découverte. Merci Colo.
Bonjour Maïté, nous vivons un moment d'exil pour tant et tant d'Africains, d'habitants du Moyen Orient, c'est terrifiant, oui.
SupprimerSans y a-t-il des poètes que nous ignorons qui disent et crient...sûrement qu'il y en a.
À bientôt Maïté, un beso