14 juin 2021

Semi-pause à l'ombre

 

Paille, un joli mot qu'emploient sans doute peu les habitants des villes.
 
Paille c'est sécheresse, chaleur, et une douce couleur jaune-ocre.

Paille c'est aussi un chapeau, puis celle que vous voyez dans l'œil de l'autre, et celle du feu de la passion qui ne dure pas longtemps.

Paille, le mot vous suggère une image ? Une expression ?

 

 Une belle création d'Élise Peroi " Pour faire une prairie" sur le blog de Tania

 


 Foto I. Pampín, junio 2021 Insecto.  Mil gracias, tu foto es preciosa y  tan elegante!


Rythme fort ralenti, chaleur, potager, famille, l'été quoi !

9 juin 2021

Et on est encore debout.

 

                     Foto: https://www.editionspoints.com/actualite/souleymane-diamanka-sur-le-plateau-de-la-grande-librairie

 

Souleymane Diamanka, le nom vous dit quelque chose ? Né à Bordeaux,

d’origine Peule, les mots sont son monde, son jeu, son rythme.

Vous saurez tout sur lui en lisant un vraiment très bel article sur le site 

d’“Étonnants voyageurs”

Alors, dans ce recueil reçu il y a peu, (grand merci Maïté), et intitulé :

Habitant de nulle part

Originaire de partout


j’ai choisi un texte. Le voici. Vous pouvez l’écouter en lisant, ou seulement écouter cette belle voix grave, le rythme des mots en français puis en peul. À votre guise.




https://www.youtube.com/watch?v=XuF7bHzc9wI



Les poètes se cachent pour écrire.

(Habitant de nulle part, originaire de partout, Collection points, pages 21,22.)


Les mots sont les vêtements de l’émotion

Et même si nos stylos habillent nos phrases

Peuvent-ils vraiment sauver nos frères du naufrage


Les poètes se cachent pour écrire

Ce n’est pas une légende mon ami regarde-nous

On a traversé des rivières de boue à la nage

On a dormi à jeun dans la neige et on est encore debout


Les poètes se cachent pour écrire

Chacun purge sa pénombre

Dans la solitude silencieuse que certains pourraient craindre

On somme les mots de s’additionner comme des nombres

La poésie opère comme une lumière mangeuse d’ombre

J’aime cet état mais le temps qu’on passe à l’attendre n’est pas si tendre

Parfois il faut presque s’éteindre pour l’atteindre

Versificateur notoire chaque rime est une cascade

Dans les lieux oratoires l’auditoire n’aime pas les phrases fades


Dans ma vie j’ai écrit plus de textes

Que ne reflète d’étoiles le grand lac Tchad

J’ai cherché la vérité dans les lignes de chaque énigme

De chaque conte de chaque charade

J’ai interrogé les bons médiums pour chasser les mauvais djinns

Et j’ai répondu Aminii* quand ma mère ma dit Mbaalen be jam*


J’ai couru après les horizons sur chaque page

Avec l’énergie des anciens possédés par le jazz

Pour ne pas à avoir à jouer à cache-cache avec le Diable


Les poètes se cachent pour écrire

Ce n’est pas une légende mon ami regarde-nous

Toi et moi c’est l’écriture qui nous lie

C’est dans la solitude qu’on apprend la convivialité

Et tant pis pour celui qui le nie

Le feu passe au vers et l’oralité passe par nous

Le verbe est une clé indispensable

Dehors on nous demande des mots de passe partout


Les poètes se cachent pour écrire

Ce n’est pas une légende mon frère regarde-nous

On a traversé des rivières de boue à la nage

On a dormi à jeun dans la neige

Et on est encore debout.

 

  *Amiini= Amen

* Mbaalen be jam= Dormons en paix ou Bonne nuit

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On a envie d’applaudir à la fin, vous ne trouvez pas ?

Vous trouverez chez el señor-amigo K, un billet avec un autre poème de Souleymane, "Réponds-lui avec de l''eau"

 

On met signale gentiment que Souleymane est passé à l'émission  L’Heure bleue de France Inter, ici: https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-14-juin-2021


4 juin 2021

Les trois chants de l'âme / Los tres cantos del alma

 Vous connaissez mon admiration pour les traducteurs mais aussi pour les éditeurs qui publient de la poésie, et plus encore si ce sont des traductions de poétesses sud-américaines peu connues.

L’édition Cap de l’Étang m’a gracieusement envoyé cette fois, traduits par Monique-Marie Ihry, “Les trois chants” de Teresa Wilms Montt.

 

                                    Teresa Will Montt 1893-1921 Chili



Vous pouvez lire sur le blog de la traductrice une présentation de la poétesse, qui n’avait jamais été traduite en français, et du recueil.
http://aujardindesmots.unblog.fr/les-trois-chants-los-tres-cantos-de-teresa-wilms-montt-1893-1921-traduit-en-francais-par-monique-marie-ihry/


Avec leur permission je vous livre quelques extraits de ce “chant lyrique” “marqué par les expériences de l’âme avec en toile de fond la nature “ (quatrième de couverture).
                          



Des chants très poétiques qui m’ont surprise au départ: tout le recueil est une adresse à son âme, étonnant. Mais bien vite le beau rythme et la poésie m’ont séduite. 

Un court recueil, vraiment très beau, 3 chants, et une longue et intéressante introduction de Monique-Marie Ihry.

Extrait de “Le matin “


   “Chante mon âme, chante et bois une gorgée du nectar de la matinée;  chante, mon âme, tant que le ciel bleu et la campagne seront pour toi une bacchanale dont la beauté sera capable de t’enivrer !

   Chante, mon âme, chante avant que la nuit prenne fin et que le loup sauvage hurle dans la montagne”

Extracto de “”La mañana”

   ¡Canta, alma mía, canta y bébete de un sorbo el néctar de la mañana; canta, canta alma mía, mientras el cielo azul y la campiña sean para ti una bacanal con cuya belleza puedas embriagarte!

   Canta, alma mía, canta antes que cierre la noche y aullé el lobo salvaje en la montaña!


Extrait de “Crépuscule”

J’ai choisi un passage vers la fin où, après avoir répété “Prie, prie mon âme”, la nature est la protagoniste.


   “Le soleil s’en va, une lointaine musique de vents et de cascades l’accompagne jusqu'à la montagne.
  “ Les insectes bruyants courent dans tous les sens, en se cachant entre les herbes et en évitant le dernier rayon de l’astre d’or.
   Le soleil s’en va. Les peines entourent le monde avec des visages affamés à la recherche de cœurs à dévorer.
  Le soleil s’en va et le sourire du moribond se grave dans la pierre indélébile de l’immortalité.
  Le soleil s’en va et mon âme tremble de terreur dans les ténèbres. “


Extracto de “El crepúsculo”

   “Se va el sol, y una música alejada de vientos y de cascadas lo acompaña hasta la montaña.
   Los insectos rumorosos corren de un lado a otro, escondiéndose entre las malezas, evitando el último rayo del astro de oro.
   Se va el sol. Las penas rondan el mundo con caras hambrientas buscando corazones para devorar.
   Se va el sol, y la sonrisa del moribundo se está grabando en la indeleble piedra de la inmortalidad.
   Se va el sol y el alma mía tiembla de pavor en las tinieblas.“




Extrait de “La nuit”


  “ Pleure, mon âme, pleure ! "(...)
   Pleure avec l’avalanche de neige qui purifie la plaine et rend l’homme meilleur !
   Pleure avec le paria et la femme répudiée dans son lit d’hôpital !
   Pleure, mon âme, pleure avec la mère à qui la brutalité de l’homme a arraché les enfants et l’a abandonnée seule au milieu de sa vie !
   Pleure, mon âme, avec ceux qui n’ont pas de réconfort, qui, comme les morts  ayant une âme, n’attendent rien ni personne !”

Extracto de “La noche “


    "¡Llora, alma mía, llora!” (…)
   “¡Llora con el alud de nieve que purifica el llano y hace al hombre más bueno!
    ¡Llora con el paria, y con la mujer repudiada en su lecho de hospital!
    ¡Llora, alma mía, con la madre a quien la brutalidad del hombre arrancó sus hijos y la ha dejado sola en medio de la vida !
    ¡Llora, alma mía, con los que no tiene consuelo, que, como muertos con alma, no aguardan nada ni a nadie esperan!”