25 nov. 2010

Pur désir / Puro deseo

Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir.

René Char (Fureur et mystère)

El poema es el amor realizado del deseo que permanece deseo.

Qu’ajouter? Mon billet de cette semaine est le résultat de plusieurs jours d’immersion, délicieuse, dans la poésie de René Char et de Pablo Neruda. Et de traductions. Oh, même si j’y ai beaucoup travaillé, elles ne sont pas parfaites et j’accepte volontiers toute suggestion de votre part.

¿Qué podría añadir? Mi nota de esta semana es el resultado de varios días de deliciosa inmersión en la poesía de René Char y de Pablo Neruda. Y de traducciones. ¡Oh!, aunque trabajé mucho, no son perfectas y acepto con mucho gusto cualquier sugerencia.

Le noeud noir René Char (Chant de la Balandrane 1977)

Je me redis, Beauté,
ce que je sais déjà,
Beauté mâchurée d’excréments, de brisures.
Tu es mon amoureuse,
je suis ton désirant.
Le pain que nous cuisons
dans les nuits avenantes,
tel un vieux roi s’avance
en ouvrant ses deux bras.

Allons de toutes parts,
le rire dans nos mains,
jamais isolément.
Corbeille aux coins tortus,
nous offrons tes ressources.
Nous avons du marteau
la langue aventureuse.
Nous sommes des croyants
pour chemins muletiers.

Moins la clarté se courbe
plus le roseau se troue
sous les doigts pressentis.
(illustration: Le noeud noir, Seurat)

El nudo negro René Char (Chant de la Balandrane 1977)

Me repito, Belleza,
lo que ya sé,
Belleza tiznada
de excrementos, hecha trizas.
Eres mi enamorada,
soy tu suspirante.
El pan que cocemos
en las acogedoras noches,
cual rey anciano se adelanta
abiertos los dos brazos.

Vámonos por todas partes,
con la risa en las manos,
nunca separados.
Cesta con picos tuertos,
ofrecemos tus recursos.
Tenemos del martillo
la lengua aventurera.
Somos creyentes
para caminos muleros.

Cuanto menos se dobla la claridad,
más se ahueca la caña
bajo los dedos presentidos. (trad. Colo)

(ilustración: el enigma del deseo, Salvador Dali)

Déjame sueltas las manos Pablo Neruda

Déjame sueltas las manos
y el corazón, déjame libre!
Deja que mis dedos corran
por los caminos de tu cuerpo.
La pasión – sangre, fuego, besos
- me incendia a llamaradas trémulas.
Ay, tú no sabes lo que es esto!

Es la tempestad de mis sentidos
doblegando la selva sensible de mis nervios.
Es la carne que grita con sus ardientes lenguas!
Es el incendio!
Y estás aquí, mujer, como un madero intacto
ahora que vuela toda mi vida hecha cenizas
hacia tu cuerpo lleno, como la noche, de astros!


Déjame libre las manos
y el corazón, déjame libre!
Yo sólo te deseo, yo sólo te deseo!
No es amor, es deseo que se agosta y se extingue,
es precipitación de furias,
acercamiento de lo imposible,
pero estás tú,
estás para dármelo todo,
y a darme lo que tienes a la tierra viniste-
como yo para contenerte,
y desearte,y recibirte!



Laisse mes mains dénouées Pablo Neruda


Laisse mes mains dénouées
et le cœur, laisse-moi libre!
Laisse courir mes doigts
sur les chemins de ton corps.
La passion – sang, feu, baisers –
m’incendie de flammes tremblantes.
Aïe, tu ignores ce que c’est!

C’est la tempête de mes sens
gagnant la jungle sensible de mes nerfs.
C’est la chair qui crie de ses langues ardentes!
C’est l’incendie!
Tu es ici, femme, comme une bûche intacte
maintenant que toute ma vie faite cendres vole
vers ton corps plein d’astres, comme la nuit!

Laisse mes mains dénouées
et le cœur , laisse-moi libre!
Je ne fais que te désirer,
je ne fais que te désirer!
Ce n’est pas de l’amour, c’est du désir qui se flétrit et s’éteint,
pagaille de furies,
approche de l’impossible,
mais tu es là,
là pour tout me donner
et pour tout me donner tu es venue sur terre–
comme moi pour te contenir,
et te désirer,
et te recevoir!

(Trad. Colo)


18 nov. 2010

Ennuyeux le gris? ¿Aburrido el gris?

Il n’est pas facile d’avouer son attirance pour le gris, il a mauvaise réputation : ennui, manque de caractère, mauvaise mine...Mais il me plaît depuis ma jeunesse ; je me souviens que toujours je voulais que les pulls que me tricotait ma mère soient de cette couleur.

No resulta fácil confesar su gusto por el gris, tiene mala fama: aburrimiento, falta de carácter, mala cara…Pero me agrada desde mi juventud; me acuerdo que siempre quería que los jerséis que mi madre tejía fueran de ese color.

Le gris, s’il n’est pas une couleur, est une « valeur d’intensité lumineuse dont la perception par l’oeil humain se situe entre le blanc et le noir » (Wikipedia) qui possède une variété infinie de nuances. Voilà bien tout son intérêt !

El gris, si bien no es un color, es un “valor de intensidad luminosa cuya percepción por el ojo humano se sitúa entre el blanco y el negro” (Wikipedia) que tiene una variedad infinita de facetas. ¡De ahí todo su interés!

« Quelle est la couleur de la France? Non pas la couleur politique - je la connais - mais sa vraie couleur? le gris… C’est beau le gris. Mais il existe une multitude de gris. Gris des toits de Paris, le gris historique de la guerre, le gris lavande de la Provence. Les gens qui n’aiment pas le gris sont des imbéciles…” F. Mitterrand (Le promeneur du Champ de Mars-film)

“¿Cuál es el color de Francia? No hablo del color político – lo conozco – sino de su verdadero color. El gris… El gris es bonito. Pero existen multitudes de grises. Gris de los tejados de París, el gris histórico de las guerras, el gris lavanda de la Provenza. No son muy listos los que no aprecian el gris”. F. Mitterrand. (película- Le promeneur du Champ de Mars )

Tristes ou monotones la femme-fleur de Picasso ou ce ciel gris?

Mirad la mujer-flor de Picasso, esta foto de un cielo gris. ¿Son acaso tristes? ¿Monótonos?

On remarque souvent en peinture que le gris sert de fond, il donne du relief aux autres couleurs. La couleur que Cézanne choisit pour les murs de son atelier est un gris qu'il a conçu à base de noir, de blanc, d'ocres et de bleus. Il disait : « On n'est pas un peintre tant qu'on n'a pas fait un gris ». Et ce gris, il l'avait observé en plein air, lorsqu'il allait peindre ses paysages. Il avait constaté que pour qu'une séance de peinture soit bonne, il fallait que le ciel soit gris clair.

Con frecuencia vemos en pintura que el gris sirve de trasfondo, pone de relieve los otros colores. El color que Cézanne escoge para las paredes de su taller es un gris elaborado a partir del negro, el blanco, ocre y azul. Cézanne decía:”No se es pintor mientras no se ha hecho un gris”. Y este gris, lo había observado al aire libre, pintando paisajes. Había constatado que hacía falta que el cielo sea gris claro para que una sesión de pintura fuera buena.

Enfin, en navigant entre le noir et le blanc, le gris permet à la pensée d’éviter le manichéisme et laisse place au doute, à la subtilité. Comme dit Michel Pastoureau dans « Le petit livre des couleurs » (un beau cadeau à faire), « Pour nous, il (le gris, sa couleur préférée) évoque la tristesse, la mélancolie, l'ennui, la vieillesse; mais, à une époque où la vieillesse n'était pas si dévalorisée, il renvoyait au contraire à la sagesse, à la plénitude, à la connaissance. Il en a gardé l'idée d'intelligence (la matière grise) ».

Para terminar, navegando entre el negro y el blanco, el gris permite al pensamiento evitar el maniqueísmo y deja espacio para la duda, la sutilidad. Como dice Michel Pastoureau en “El pequeño libro de los colores” (un bonito regalo para ofrecer), “Para nosotros, el gris (su color preferido) evoca la tristeza, la melancolía, el aburrimiento, la vejez; pero, en una época en que la vejez no estaba tan desvalorizada, significaba sabiduría, plenitud, conocimiento. Ese color ha guardado la idea de inteligencia (la materia gris)”

Oh, ce billet est un peu décousu... comme les nuages aux nuances gris-tourterelle et fumée qui se poursuivent derrière ma vitre.

Oh, esta nota es un poco descosida….como las nubes de matices gris-tórtola y humo que se persiguen tras mi cristal.

Merci Sable du temps, ton océan est grisant!



(Clic pour agrandir les photos)

11 nov. 2010

Une berceuse de Lorca /Una canción de cuna de Lorca

Joan Cardona Llados 1877-1957 (soliloquiosflamencos.blogspot.com)

García Lorca avait observé que, contrairement aux berceuses européennes qui sont douces et tendres, les « chansons de berceau » espagnoles, du nord au sud (excepté au Pays Basque) étaient tristes :
Gracía Lorca había observado que al contrario que las nanas europeas, que son dulces y tiernas, las canciones de cuna españolas, del norte al sur (excepto en el País Vasco), eran tristes:
“Il y a quelques années, me promenant dans les alentours de Granada, j’entendis chanter une femme du village qui endormait son enfant. J’avais toujours remarqué la tristesse aiguë des berceuses de notre pays ; mais jamais je n’avais ressenti cette vérité si concrète comme ce jour-là. En m’approchant de la chanteuse pour noter la chanson j’ai observé que c’était une belle andalouse, gaie et sans le moindre tic de mélancolie ; mais une tradition vive travaillait en elle et elle exécutait fidèlement l’ordre, comme si elle écoutait les vieilles voix impérieuses qui glissaient dans son sang. Depuis lors j’ai essayé de recueillir des berceuses de partout en Espagne ; j’ai voulu savoir comment les femmes de mon pays endormaient leurs enfants, et après un temps j’ai eu l’impression que l’Espagne emploie ses mélodies pour imprégner le premier sommeil de ses enfants. »

"Hace unos años, paseando por las inmediaciones de Granada, oí cantar a una mujer del pueblo mientras dormía a su niño. Siempre había notado la aguda tristeza de las canciones de cuna de nuestro país; pero nunca como entonces sentí esta verdad tan concreta. Al acercarme a la cantora para anotar la canción observé que era una andaluza guapa, alegre sin el menor tic de melancolía; pero una tradición viva obraba en ella y ejecutaba el mandado fielmente, como si escuchara las viejas voces imperiosas que patinaban por su sangre. Desde entonces he procurado recoger canciones de cuna de todos los sitios de España; quise saber de qué modo dormían a sus hijos las mujeres de mi país, y al cabo de un tiempo recibí la impresión de que España usa sus melodías para teñir el primer sueño de sus niños"
Federico García Lorca -Conferencias
Las nanas infantiles Año 1930.


Avec Lorca au piano! En voici les paroles. "Galapaguito" que j'ai traduit par "petite tortue" est
ici, un terme affectueux.

Berceuse de Séville (F.G. Lorca)
Cette petite tortue
n’a pas de mère ;
l’a enfanté une gitane,
l’a jeté à la rue.
N’a pas de mère, oui,
n’a pas de mère, non ;
n’a pas de mère,
l’a jeté à la rue.

Ce petit enfant
n’a pas de berceau ;
son père est menuisier
et lui en fera un.


Nana de Sevilla (F.G. Lorca)
Este galapaguito
no tiene mare;

lo parió una gitana,

lo echó a la calle.

No tiene mare, sí,

no tiene mare, no;

no tiene mare,
lo echó a la calle.


Este niño chiquito

no tiene cuna;

su padre es carpintero
y le hará una.

5 nov. 2010

Souvenirs / Recuerdos

Court le billet de cette semaine car, et pour la première fois depuis les 35 ans que je vis en Espagne, mes deux sœurs sont venues me voir, ensemble et sans leur famille.

Le soleil brille, la nature est superbe, les émotions fusent ; on se voit si peu.

Nos souvenirs sont bien souvent contradictoires : « mais non, ce n’était pas Tante Yoyo, c´était tante Minou ou tante Poucette qui était tombée dans une poubelle ! »… (Oui, nos tantes avaient des surnoms évocateurs).

Nous tombons pourtant d’accord sur certains sujets comme les repas dominicaux de notre jeunesse : poulet rôti-frites-salades, gâteau, souvent un quatre-quart.À l’époque, un passé pas si, si lointain quand même, le poulet était un met de fête chez nous ; quant aux frites, ah ces frites belges, uniques, les meilleures ! (ici une recette possible pour les non belges avides de connaître leur secret ! )

Corta la nota de esta semana ya que por primera vez en los 35 años que llevo viviendo en España, han venido a verme, juntas y sin su familia, mis dos hermanas.

Brilla el sol, la naturaleza es magnífica, las emociones estallan; nos vemos tan poco.

Nuestros recuerdos son por supuesto contradictorios:” no, no era la tía Yoyo, era la tía Minou o la tía Poucette que se había caído en una basura”… (sí, nuestras tías tenían apodos evocadores).

Nos ponemos de acuerdo sobre algunos temas como el de las comidas dominicales de nuestra juventud: pollo asado-patatas fritas-ensalada, pastel, a menudo bizcocho.

En aquellos tiempos (no tan, tan lejanos) el pollo era un plato de fiesta en casa, en cuanto a las patatas fritas, ¡ah, esas patatas fritas belgas, únicas, las mejores! (para los no-belgas ávidos de conocer nuestro secreto, se fríen dos veces)

La patate vient bien sûr d’Amérique du Sud et au Chili il en existe 200 variétés, ils les appellent papas ; leur préparation a inspiré Pablo Neruda, voici des « papas » poétiques.

Ode à la papa frite Pablo Neruda

Elle grésille
dans l’huile
bouillante
la joie
du monde :
les papas
frites
entrent
dans la poêle
telles d’enneigées
plumes
de cygne
matinal
et en sortent
semi dorées par le crépitant
ambre des olives.

L’ail
leur ajoute
sa fragrance terrienne,
le poivre,
pollen qui traversa les récifs,
et
vêtues
à nouveau
d’un costume d’ivoire, elles emplissent l’assiette
de leur abondante répétition
et de leur savoureuse simplicité de terre. (Trad. Colo)

Oda a la papa frita Pablo Neruda

Chisporrea
en el aceite
hirviendo
la alegría
del mundo:
las papas
fritas
entran
en la sartén
como nevadas
plumas
de cisne
matutino
y salen
semidoradas por el crepitante
ámbar de las olivas.

El ajo
les añade
su terrenal fragancia,
la pimienta,
polen que atravesó los arrecifes,
y
vestidas
de nuevo
con traje de marfil, llenan el plato
con la repetición de su abundancia
y su sabrosa sencillez de tierra.

(Photos de ma terrasse et des variétés de papas chiliennes)