Parfois
je suis lasse de toutes les injonctions à vivre le moment présent; j’ai
donc fort apprécié ce poème où demain offre de l’espoir, où
demain est coloré et sensuel.
Demain
Pedro Salinas
"Demain"
Le mot allait, délié, vacant,
sans
poids dans le vent,
si
dénué d'âme et de corps,
de
couleur, de baiser,
que
je l'ai laissé passer
près
de moi aujourd'hui.
Mais
soudain toi
tu
as dit : "Moi, demain..."
Et
tout se peuple
de
chair et de bannières.
Sur
moi se précipitaient
les
promesses
aux
six cents couleurs,
avec
des robes à la mode,
nues,
mais toutes
chargées
de caresses.
En
train ou en gazelles
m'arrivaient
-aigus,
sons
de violons-
des
espoirs ténus
de
bouches virginales.
Ou
rapides et grandes
comme
des navires, de loin, comme des baleines
depuis
des mers distantes,
d'immenses
espérances
d'un
amour sans final.
Demain
! Quel mot
vibrant,
tendu
d'âme
et de chair rose,
corde
de l'arc
où
tu posas, si effilée,
arme
de vingt années,
la
flèche la plus sûre
lorsque
tu dis : "Moi...."
Recueil
“La voix qui t'est due”
Traduction
Bernard Sesé
La
tête à l'envers
Mañana
«Mañana».
La palabra
iba suelta, vacante,
ingrávida, en el aire,
tan sin alma y sin cuerpo,
tan sin color ni beso,
que la dejé pasar
por mi lado, en mi hoy.
iba suelta, vacante,
ingrávida, en el aire,
tan sin alma y sin cuerpo,
tan sin color ni beso,
que la dejé pasar
por mi lado, en mi hoy.
Pero de pronto tú
dijiste: «Yo, mañana...»
Y todo se pobló
de carne y de banderas.
Se me precipitaban
encima las promesas
de seiscientos colores,
con vestidos de moda,
desnudas, pero todas
cargadas de caricias.
En trenes o en gacelas
me llegaban -agudas,
sones de violines-
esperanzas delgadas
de bocas virginales.
O veloces y grandes
como buques, de lejos,
como ballenas
desde mares distantes,
inmensas esperanzas
de un amor sin final.
¡Mañana! Qué palabra
toda vibrante, tensa
de alma y carne rosada,
cuerda del arco donde
tú pusiste, agudísima,
arma de veinte años,
la flecha más segura
cuando dijiste: «Yo...»