Entre
la dictature de Primo de Rivera et celle de F. Franco,
les huit ans de République furent une époque faste (pour certains!)
mais bien courte, bien trop courte pour A. Machado.
Si,
dès l’arrivée du nouveau dictateur, il met sa plume et son
énergie au service de la République, il connaît une des plus
grandes souffrance de sa vie: son frère Manuel qu’il aime tant et
avec lequel il a écrit, voyagé, prend le parti des nationalistes.
Rupture définitive entre les deux frères.
Cette
guerre civile dura trois ans de ‘36 à ‘39 et les poèmes écrits
par Machado à cette époque ont, vous l’imaginez bien, perdu cette
symbiose avec la nature. On y parle de mort, de morts.
https://www.slideshare.net/100005043120186/el-crimen-fue-en-granada-81190512 | Machado Y Lorca |
Voici
le premier, sur l’exécution de F.Garcia Lorca:
Il
y a eu crime dans Grenade
A
Federico Garcia Lorca
I
Le
crime
On
l’avait vu, cheminant entre des fusilspar une longue rue,
apparaître dans la campagne froide,
encore étoilée, la campagne du matin.
Ils ont tué Frédéric
à l’heure où surgissait la lumière.
Le peloton des bourreaux
n’osait le regarder en face.
Ils ont tous fermé les yeux,
ils ont prié : Dieu lui-même ne te sauverait pas !
Il est tombé mort, Frédéric
- sang au front et aux entrailles. –
…Il y a eu crime dans Grenade !
Vous savez ? – pauvre Grenade ! – sa Grenade !...
Traduit
de l’espagnol par Jean Cassou
(pour
lire la suite, ici
http://www.barapoemes.net/archives/2015/12/08/33039466.html)
A
Federico Garcia Lorca
I
El
crimen
Se
le vio, caminando entre fusiles,por una calle larga,
salir al campo frío,
aún con estrellas, de la madrugada.
Mataron a Federico
cuando la luz asomaba.
El pelotón de verdugos
no osó mirarle la cara.
Todos cerraron los ojos;
rezaron: ¡ni Dios te salva!
Muerto cayó Federico.
-sangre en la frente y plomo en las entrañas-.
...Que fue en Granada el crimen
sabed -¡pobre Granada!-, en su Granada...
Et
puis ces vers qui m’ont toujours tant émue, bouleversée:
“Petit
Espagnol qui viens au monde.
Que
Dieu te garde.
Une
des deux Espagne
Va
te geler le coeur”
“Españolito
que vienes
al mundo te guarde Dios.
una de las dos Españas
ha de helarte el corazón.”
al mundo te guarde Dios.
una de las dos Españas
ha de helarte el corazón.”
Juan
Manuel Serrat a tant chanté les poèmes de Machado:
Ici,
Serrat, jeune:
Puis
il y eût la fuite, Valencia, Barcelona enfin, il
est déjà
en mauvaise santé. Le 2 février 1939, en compagnie de sa mère et
d’un de ses frères, ils entreprennent à pied, dans le froid, le
voyage épuisant vers la France. Et ils
arrivent à Colliure
où ils logent dans une auberge. Il y mourra une vingtaine
de jours plus tard, sa mère ne
lui survivra que quelques jours.
« Machado
dort à Collioure
Trois
pas suffirent hors d'Espagne
Que
le ciel pour lui se fit lourd
Il
s'assit dans cette campagne
Et
ferma les yeux pur toujours” Aragon.
(lire
le poème entier:
Jean
Ferrat l’a chanté:
Voilà,
vie et mort, comme écrivait le poète: “Lo
nuestro es pasar” (Notre destin est de passer)
Sur
sa tombe, ces vers:
«
Et quand viendra le jour du dernier voyage,
quand partira la nef qui jamais ne revient,
vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,
quasiment nu, comme les enfants de la mer ».
quand partira la nef qui jamais ne revient,
vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,
quasiment nu, comme les enfants de la mer ».
PS: Je n'ai pas traduit ces billets sur A.Machado en espagnol parce que les natifs le connaissent fort bien, du moins ils devraient:-)
RépondreSupprimer« Et quand viendra le jour du dernier voyage,
quand partira la nef qui jamais ne revient,
vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,
quasiment nu, comme les enfants de la mer ».
Machado... : nous l'avons lu, à sa demande, le jour des obsèques de mon compagnon. Nous l'avons relu sous le hêtre où nous avons dispersé ses cendres, un jour de neige et de vent.
Ses mots sont tissés en moi à jamais.
Beaucoup d'émotion à te lire Anne. Des vers inoubliables pour toi.
Supprimerje t'embrasse
Que les mots sont beaux ! Ils portent si loin et pourtant ses pas l’ont mené si près de son pays...
RépondreSupprimerBienvenue Mimi, des mots simples et profonds, toujours chez Machado.
SupprimerOui, hélas, la mort l'a emporté avant de pouvoir faire un pas de plus...
pourquoi ces vers les plus tristes sont-ils les plus beaux… ça me touche terriblement.
RépondreSupprimermerci Colo
Ce voyage de 3 semaines avec Machado m'a tour à tour enchantée, séduite, émue comme ce poème-ci:
SupprimerLa mort de l’enfant blessé
À nouveau dans la nuit... C'est le marteau
de la fièvre aux tempes bien bandées
de l'enfant. - Mère, l'oiseau jaune !
Les papillons noirs et mauves !
- Dors, mon enfant. - Auprès du lit,
la mère serre la petite main -. Oh ! Fleur de feu !
Qui te glacera, fleur de sang, dis-moi ?
Dans la pauvre chambre une odeur de lavande;
dehors, la lune ronde qui blanchit
le dôme et la tour de la ville assombrie.
Un avion invisible bourdonne.
- Dors-tu, oh ! Douce fleur de mon sang ?
Un cliquetis de vitre la fenêtre.
- Oh ! froide, froide, froide, froide !
j'aime tout, le poème de Machado, celui d'Aragon même si je n'aime pas l'homme j'aime le poète, et la voix de Ferrat
RépondreSupprimerce que j'aime dans le poème de Machado c'est son universalité, il parle de Frederico oui mais on peut le lire de la même façon en l'honneur de tant de morts injustes : ceux de la Commune ou ceux de la résistance, ceux d'Espagne ou de France ou d'Italie, ceux des prisons Irlandaises
Tout à fait d'accord avec toi sur la portée universelle de ses mots, pensées.
SupprimerJe voulais t'ajouter ces quelques vers qui montrent un autre aspect de lui:
Moi j'ai vu des griffes cruelles
au bout de mains bien élégantes.
Je connais des geais qui jouent de la lyre
et de lyriques porcs…
Le plus fieffé truand
met la main sur son cœur,
le plus grand imbécile se croit plein de raison.
VIII
A demander ce que tu sais
il ne faut pas perdre ton temps…
Et à des questions sans réponses
qui pourrait te répondre ?
Bonne journée Dominique.
Quel beau billet qui m'émeut par la beauté des vers, le drame des frères séparés par la politique, la fuite et la mort du poète, les voix… et les commentaires aussi. Merci de nous avoir si bien présenté Machado, je vais me mettre en quête d'une anthologie bilingue, je suppose qu'il en existe une. Bonne soirée, Colo.
RépondreSupprimerBonjour Tania, oui tu trouveras certainement "Solitudes" et "Champs de Castille" en français, mais j'ignore si ce sont des versions bilingues.
SupprimerBon week-end ma belle.
Merci à nouveau, Colo, pour ce poème plein de douleur et de colère et pour ces vers bouleversants en guise d'épitaphe.
RépondreSupprimerMerci également pour la voix de Jean Ferrat, inoubliable.
Avec grand plaisir Annie, je me suis passionnée au fil des semaines, et attachée à cet homme et à sa poésie simples, humains et profonds.
SupprimerQue ces poèmes sont vibrants, ils vont bien au-delà des mots, ils jettent la chair et le sang et le grand amour sans merci pour la liberté...
RépondreSupprimerTu as raison et malgré tout, tout, 40 ans de dictature; c'était hier et c'est difficile de se l'imaginer ici et maintenant.
SupprimerJe me souviens si bien de la chanson de Ferrat. Je possédais ce 33 t et je l'écoutais en boucle. Les mots de Machado sont poignants ; ce doit être terrible cette rupture entre deux frères pour des raisons aussi graves. Bon week-end Colo.
RépondreSupprimerContente de te retrouver Aifelle.
SupprimerCette rupture lui a fait un mal fou, tu as raison.
À demain chez toi!
Ce ne peut être que bouleversant vu le contexte de l'époque et tant de souffrances qui en ont résulté Je me souviens de la chanson de Ferrat. Merci beaucoup et passe un bon mois d'août, bon week end également. Bises.
RépondreSupprimerMerci Elisabeth, nous restons chez nous ce mois, beaucoup à l'intérieur vu la chaleur. J'ai donc bien le temps de lire et faire des billets puis fouillés.
SupprimerUn beso, bon week-end.
Quelle terrible destinée et quelle fin ! Je garderai en moi ses poèmes sur la nature, sinon, c'est trop triste. Merci Colo, bises aoutiennes. brigitte
RépondreSupprimerTu sais, ces superbes images-mots m'ont donné une folle envie d'aller à Soria, dans les environs voir tout ça!
SupprimerBon dimanche Brigitte.
Il faudrait quand même que j'aille à Collioure me recueillir sur sa tombe...
RépondreSupprimerBonne journée.
C'est une idée d'excursion poétique, de souvenir.
SupprimerPeut-être le sais-tu, mais à côté de la pierre se trouve une boîte aux lettres où des admirateurs, ou nostalgiques ou autres laissent des messages à...à qui?
Bonne journée Marie.
Machado est un cœur pur qui ne dévie jamais de ses idéaux. Comment expliquer le changement de vision de son frère avec lequel il était si proche ? De toute évidence il vécut très mal cet épisode. Dans l'urgence du moment, il n'a effectivement plus contact à la nature qui lui était pourtant si chère. Néanmoins le poème narratif de l'éxécution de Federico Garcia Lorca est d'une précision percutante. Nous sommes tous témoins de "Il y a eu crime dans Grenade"
RépondreSupprimerJe suis bine contente que l'histoire de sa vie, ses poèmes t'aient intéressé Sergio.
SupprimerBonne semaine.
J'aime les mots d'Aragon – "les yeux purs" – pour ce poète dont vous nous avez fait partager le destin jusqu'à son terme. Merci en tous cas, c'étaient des moments émouvants et intéressants.
RépondreSupprimerMerci à vous d'avoir apprécié, bonne semaine Christian.
SupprimerUne page tellement émouvante que je n'ai pas de mots pour commenter
RépondreSupprimerMerci de tout coeur...
J'adore te lire...
Oh merci Marie, ça me fait grand plaisir.
SupprimerTrès beau texte Colo ! Belle chanson de Ferrat que je ne connaissais pas. A l’ecouter Je me disais que ce qui est beau chez Ferrat c’est sa voix, ses textes et les orchestrations toujours peaufinés. Et puis je me disais que de nos jours il y avait bien peu de chanteurs engagés de cette trempe là sauf peut-être pour moi Manu Chao.
RépondreSupprimerBonjour Obni, contente de te faire découvrir cette chanson dont les vers sont d'Aragon.
SupprimerAlors, si je suis d'accord sur la voix, je crois par contre que les engagements existent beaucoup en chanson maintenant, seulement ils sont différents. J'entends des chansons très engagées sur des thèmes de société:féministes, défense de la nature, des homosexuels...ah nous sommes bien d'une autre génération!
Un besito
Tu m’avais fait découvrir Machado il y a …. Oh tellement de temps, et une phrase a rythmé ma vie depuis lors
RépondreSupprimer: "caminante no hay camino se hace camino al andar" Quelle libertés et permissions données... Merci pour cela Colo ( et pour tout le reste également :-) )
Avec plaisir Olivier, contente que tu t'en souviennes toi qui traces ton chemin tous les jours.
SupprimerJe t'embrasse
Bonjour Colo
RépondreSupprimercomment se remettre de la mort de Federico Garcia Lorca? Chose impossible pour Antonio Machado, impossible pour Nous aussi.
La seule fois où nous fûmes à Collioure, je ne savais pas que cette ville abritait la tombe de Machado... Sinon...
Par contre j'ai été souvent bercée par cette chanson de Ferrat, ayant souvent parcouru aussi les vers d'Aragon.
Belle découverte que celle De Juan Manuel Serrat.
Que d'émotion à la lecture de ces vers de Machado.
Merci pour ces moments intenses.
je connaissais peu sa vie, mais je me suis passionnée pour cet homme simple, cohérent, engagé et talentueux.
SupprimerBonne journée Maïté.