Machado suite
Pour terminer cette époque de la vie d’Antonio Machado à Soria qu’il va quitter, je voudrais vous faire lire ce poème le long du fleuve Douro ou Duero en español, fleuve qui est aussi appelé la colonne vertébrale de Castilla y León, c’est à dire la partie septentrionale de la Castille.
Mais
d’abord jetez un coup d’oeil à ces belles photos du Monastère
de San Juan de Duero prises il y a peu par Sergio:
https://escapadesphoto.fr/monastere-san-juan-de-duero
À
cette époque, l’Espagne qui reste neutre lors de la guerre 14’-18’,
Machado entretient une longue correspondance avec le poète Unamuno
où les préoccupations religieuses tiennent un grand rôle. Machado
plaide pour un christianisme humaniste, un Christ salvateur qu'on retrouve dans “Champs
de Castille”. Il se trouvera bientôt pris, pour des raisons politiques, dans un autre “entre”
dont nous parlions la semaine dernière.
Rives du Douro (Champs de Castille)
comme le songe d’un
bienheureux
d’un pauvre voyageur assoupi de fatigue
au milieu d’une lande infinie! Carré de champ jaunâtre
comme bure grossière de paysanne,
prairie de velours poussiéreux
où paissent de maigres brebis! Petits lopins de terre dure et froide
où pointent le seigle et le blé
qui nous donneront un jour
notre pain noir. Et de nouveau des rocs et des rochers,
des pierres nues, des crêtes dénudées,
le domaine des aigles royaux,
broussailles et cistes,
herbes sauvages, buissons et ronces. Ô terre ingrate et forte, terre mienne !
Castille, tes villes décrépites !
l’âpre mélancolie
qui peuple tes sombres solitudes! Castille virile, terre austère,
Castille du mépris envers le sort,
Castille de la douleur et de la guerre,
terre immortelle, Castille de la mort! C’était un soir, quand les champs
fuyaient le soleil et que dans la stupeur de la planète
comme un globe violet apparaissait
la belle lune, aimée du poète. Dans le ciel mauve et violacé
une étoile claire brillait.
L’air assombri
rafraîchissait mes tempes et rapprochait
le murmure de l’eau à mon oreille. Entre des collines de plomb et de cendre,
parsemées de chênaies rongées
et entre des rocailles chauves de calcaire,
Les huit arches du pont allaient être assaillies
par le fleuve-père
qui sillonne le froid désert de Castille. Oh ! Douro, ton eau coule
et coulera tandis que le soleil de mai
fera couler les neiges blanches de janvier
par les gorges et les ravins,
tant que les montagnes auront
leur turban de neige et d’orage,
et que brillera l’olifant
du soleil, sous la nuée de cendres !…Et le vieux romancero
fut-il près de la rive le songe d’un trouvère ?
Peut-être comme toi et à jamais, Douro,
comme toi vers la mer coulera la Castille ?
d’un pauvre voyageur assoupi de fatigue
au milieu d’une lande infinie! Carré de champ jaunâtre
comme bure grossière de paysanne,
prairie de velours poussiéreux
où paissent de maigres brebis! Petits lopins de terre dure et froide
où pointent le seigle et le blé
qui nous donneront un jour
notre pain noir. Et de nouveau des rocs et des rochers,
des pierres nues, des crêtes dénudées,
le domaine des aigles royaux,
broussailles et cistes,
herbes sauvages, buissons et ronces. Ô terre ingrate et forte, terre mienne !
Castille, tes villes décrépites !
l’âpre mélancolie
qui peuple tes sombres solitudes! Castille virile, terre austère,
Castille du mépris envers le sort,
Castille de la douleur et de la guerre,
terre immortelle, Castille de la mort! C’était un soir, quand les champs
fuyaient le soleil et que dans la stupeur de la planète
comme un globe violet apparaissait
la belle lune, aimée du poète. Dans le ciel mauve et violacé
une étoile claire brillait.
L’air assombri
rafraîchissait mes tempes et rapprochait
le murmure de l’eau à mon oreille. Entre des collines de plomb et de cendre,
parsemées de chênaies rongées
et entre des rocailles chauves de calcaire,
Les huit arches du pont allaient être assaillies
par le fleuve-père
qui sillonne le froid désert de Castille. Oh ! Douro, ton eau coule
et coulera tandis que le soleil de mai
fera couler les neiges blanches de janvier
par les gorges et les ravins,
tant que les montagnes auront
leur turban de neige et d’orage,
et que brillera l’olifant
du soleil, sous la nuée de cendres !…Et le vieux romancero
fut-il près de la rive le songe d’un trouvère ?
Peut-être comme toi et à jamais, Douro,
comme toi vers la mer coulera la Castille ?
(Traduction trouvée sans nom du traducteur)
Orillas
del Duero Campos de Castilla
Certains excellents sites, comme celui-ci (2 parties) racontent en détails la vie de Machado http://jacqueline.baldran.over-blog.com/pages/Antonio_Machado_1-8816808.html alors je vous la raconte à ma façon:-)
Notre
Antonio part à Ségovie où il reste simple professeur de français,
mais cette Espagne qu’il aime tant, à laquelle il souhaite de
sortir de la pauvreté, de l’inculture, va bientôt entrer dans une époque
très noire. En 1923 Primo de Rivera installe la dictature militaire.
Machado fonde une section de la Ligue des Droits de l’homme. Il là
il va s’engager, avec tant d’autres”plumes” amies comme
Albertí et Garcia Lorca. Il publie “Proverbes et chansons” puis
“Nouvelles chansons”, des textes philosophique sous un
pseudo...Et il écrit avec son frère tant aimé, Manuel, des pièces
de théâtre.
Et
voilà, et je terminerai ci pour aujourd’hui, que l’amour revient
dans sa vie. Non, sans un autre “entre” car la dame est
mariée. Pauvre Antonio, si droit dans ses bottes: deux coups de
foudre, d’abord une jeune fille mineure puis une dame mariée qui
est surnommée Guiomar.
comme j'aime ses mot et par la même les tiens, âpre mélancolie, une lande infinie et de sombres solitudes, c'est superbe je vais aller lire le site que tu nous offres
RépondreSupprimerParmi les poèmes de Castille, c'est celui que je trouve le plus beau, là où les mots durs et imagés, correspondent parfaitement à ces paysages et gens forts, secs, aimables aussi.
SupprimerContente de savoir que toi aussi...
Très beau poème "paysager" ! Merci pour tous ces liens et photos qui nous permettent de mieux entrer dans l'univers du poète. Les photos du monastère sont splendides.
RépondreSupprimerOui, Sergio m'a dit quand il y était allé il faisait fort chaud et qu'il avait du mal à imaginer qu'il pouvait y geler à pierre fendre.
SupprimerBonne fin d'après-midi Tania!
magnifiques photos!
RépondreSupprimeret quelle vie, cet homme… il y a matière à tout un roman "Une Vie" sauf que contrairement à celui de Maupassant, les engagements sont beaucoup plus positifs et idéalistes!
Le plus dur de sa vie solitaire commence avec la dictature de Primo de Rivera suivie de celle de Franco. on le verra brièvement dans le prochain et dernier billet. ET une chanson de Serrat, tu le connais sans doute.
Supprimerâpre mélancolie... si bien décrite
RépondreSupprimerTrès, la symbiose entre la nature et les gens qui y habite est si bien décrite. Austères les castillans...d'antan du moins.
SupprimerMerci d'être passé Olivier, bon week-end.
L'amour arrive sans sommation, pas vrai? Après tout, ça ouvre aussi les yeux de ceux qui pensent qu'il est facile de "rester droit dans ses bottes" :)
RépondreSupprimerUn poème comme un long travelling sur de merveilleux paysages...
Un travelling, c'est bien trouvé! Un paysage qui façonne les caractères aussi.
SupprimerMerci pour le lien sur une page de mon site qui présente quelques photos du monastère de San Juan de Duero j'ajoute aussi un lien vers ce billet. Il y a beaucoup de mélancolie ses mots. On sent également l'âpreté des terres où paissent de maigres brebis. Donc si je m'en tiens à sa description les hivers sont froids ici et la neige tient bien le sol du moins dans les années 1920.Malgré cette âpreté, l'attachement aux terres castillanes qu'il décrit précisément est très fort.
RépondreSupprimerEn hiver, actuellement, la température à Soria est de -1º à 6-7º, pas vraiment chaud tu vois.(je viens de regarder les moyennes). Par contre en été elle tourne autour des 30º.
SupprimerJe suis contente que tu aies apprécié ce très beau poème, qui dit bien, oui, l'amour des Castillans pour leur terre.
J'aime beaucoup ce beau poème, comme celui que tu avais publié dans ton précédent billet. Il y a des périodes où il est particulièrement difficile de vivre et si nos coeurs nous poussent de plus vers l'impossible, il faut être bien solide pour supporter le tout !
RépondreSupprimerMerci à Sergio pour ses magnifiques photos et à toi de nous les avoir présentées.
Bonjour Annie, oui, cet homme aux fermes convictions socio-politiques était semble-t-il fragile côté coeur.
SupprimerLes photos de Sergio sont toujours superbes, que ce soit la nature ou les voyages, un régal.
Bon dimanche Annie.
Bonsoir Colo, merci pour ces photos rafraîchissantes par cette période caniculaire (à Paris, cela va mieux depuis hier). Et merci pour ces informations sur Machado, un poète que je ne connaissais que de nom. Bonne soirée.
RépondreSupprimerHola Dasola, aussi connu que Garcia Lorca ici, je suis contente de te le faire connaître un peu mieux.
SupprimerBon dimanche!
On sent à travers les mots du poète, son amour pour la nature sauvage... Comme je partage son sentiment, on se découvre réellement dans ces lieux ! Merci Colo, la poésie est une nourriture de qualité pour l'homme. Bises et doux dimanche. brigitte
RépondreSupprimerBonjour Brigitte, Machado semble faire un avec cette nature rude et belle, tu as raison.
SupprimerIl m'a donné envie d'aller voir tout cela de près aussi.
Bonne semaine, un beso
Quelle vie! Quelles convictions.
RépondreSupprimerUn poème qui me parle, puisqu'une escapade(musicale) au gré du Douro est prévue dans quelques mois.
Je relève ce poème.
Merci Colo pour tous ces liens, ces découvertes, le pont avec Sergio.
Algunos besos;
Oh vous allez aller vous balader par là! Magnifique! Il y a des superbes vidéos de descentes du fleuve Portugal-Espagne du nord sur la Toile.
SupprimerBonne semaine, je t'embrasse
Eh bien voilà un long compte-rendu sur la vie intense de Machado ; comme vous disiez ses poèmes simples parlent à tous. Merci pour tous les liens, l'harmonie des tons des photos du monastère enchante malgré l'austérité des vielles pierres.
RépondreSupprimerVous avez raison, c'est long, je terminerai cette semaine; il faut dire que je me suis passionnée pour cette vie et ses poèmes qui y sont si liés!
SupprimerVous voyez, et verrez que les "entre" sont nombreux.
Bonne semaine, merci d'être passé.
Pas de problème que ce soit long... c'est plutôt ma tendance de m'éterniser (rien de péjoratif) sur des livres/auteurs ou thèmes.
SupprimerMerci. Je viens de commander des poèmes de Machado et j'irai sur les sites que tu conseilles pour poursuivre ma lecture. J'ai l'impression que je vais passer du temps avec Machado !
RépondreSupprimerBonne journée. Ici, la chaleur a nettement baissé.
Quel plaisir de lire que Machado te tient compagnie!
SupprimerCette semaine, dernier billet sur lui, mais on pourrait continuer à l'infini ou presque:-))
Bonne journée Marie, il fait un peu moins chaud ici aussi.