« À
ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours
d’autres et d’autres eaux »
Héraclite.
L’art de la poésie JL Borges
.
Contempler le fleuve fait de temps et d’eau
et se souvenir que le temps est un fleuve aussi,
savoir que nous nous perdons comme fait le fleuve
et que les visages passent comme l’eau.
Sentir que la veille est elle aussi un sommeil
qui rêve de ne point rêver, et que la mort
que craint notre chair est cette même mort
qui vient chaque nuit, qu’on appelle sommeil.
Voir dans le jour, dans l’année un symbole
des jours de l’homme et de ses ans ;
convertir l’outrage des ans
en une musique, un bruit, un symbole.
Voir le sommeil dans la mort, dans le couchant
un or triste, telle est la poésie
qui est immortelle et pauvre. La poésie
revient comme l’aurore et le couchant.
Parfois, le soir, un visage
nous regarde du fond d’un miroir :
l’art doit être comme ce miroir
nous dévoilant notre propre visage.
On raconte qu’Ulysse, rassasié de prodiges,
pleura d’amour en retrouvant son Ithaque
verte et humble. L’art est cette Ithaque
riche d’une verte éternité, non de prodiges.
Il est aussi comme le fleuve sans fin
qui passe et qui reste, toujours le cristal d’un seul
inconstant Héraclite, qui est toujours le même
et autre pourtant, comme un fleuve sans fin.
(Excellente traduction trouvée sur Internet, sans nom de traducteur mais elle semble être de Roger Caillois ... légèrement modifiée par moi)
Santiago Rusiñol- El torrent de Fornalutx |
Arte poética Jorge Luis Borges
Mirar el río hecho de tiempo y agua
y recordar que el tiempo es otro río,
saber que nos perdemos como el río
y que los rostros pasan como el agua.
Sentir que la vigilia es otro sueño
que sueña no soñar y que la muerte
que teme nuestra carne es esa muerte
de cada noche, que se llama sueño.
Ver en el día o en el año un símbolo
de los días del hombre y de sus años,
convertir el ultraje de los años
en una música, un rumor y un símbolo,
ver en la muerte el sueño, en el ocaso
un triste oro, tal es la poesía
que es inmortal y pobre. La poesía
vuelve como la aurora y el ocaso.
A veces en las tardes una cara
nos mira desde el fondo de un espejo;
el arte debe ser como ese espejo
que nos revela nuestra propia cara.
Cuentan que Ulises, harto de prodigios,
lloró de amor al divisar su Itaca
verde y humilde. El arte es esa Itaca
de verde eternidad, no de prodigios.
También es como el río interminable
que pasa y queda y es cristal de un mismo
Heráclito inconstante, que es el mismo
y es otro, como el río interminable.
Le thème de ce "printemps" est le Courage.
RépondreSupprimerCourage de regarder le temps en face, et la mort, et la perte. Et ne pas s'en affoler.
Merci Colo.
Le courage, oui, peut-être les fleuves peuvent-ils nous aider, les vagues et la force de la mer.
SupprimerL'amitié aussi, je t'embrasse
Relu en janvier !
RépondreSupprimerDans cette édition
https://www.babelio.com/livres/Borges-Treize-poemes/112181
Quelle coïncidence...Cette traduction te semble-t-elle de Roger Caillois ? je n'y ai changé qu'un seul mot, à la place de dormir j'ai mis rêver.(2º strophe).
SupprimerJe n'ai plus l'ouvrage, rendu à la médiathèque !
SupprimerJ'ai trouvé ici, estampillé Caillois 1965 , il y a des différences
http://www.barapoemes.net/archives/2014/11/08/30916117.html
Ici, estampillé Caillois 1982, cela paraît être ton texte de départ ?
Caillois aurait-il traduit et retraduit ?
Merci d'être revenu. Oui, mon texte de base, que je viens de trouver avec la mention du traducteur, Caillois, est de 1982.
SupprimerLa première traduction est assez libre, moins près du texte.
Il semble donc, comme tu le suggères, qu'il ait fait deux traductions ('65 et '82) du même poème.
Intéressant!
Ah, j'ai oublié de mettre le lien de la version de '82.
Supprimerhttps://www.poemes.co/l-art-de-la-poesie.html
Quelle richesse d'images et de pensées dans ce poème, il est très beau. Je vais le copier pour le relire.
RépondreSupprimerBorges est souvent très hermétique, je le mets rarement sur ce blog mais clarté ici.
SupprimerContente que tu l’apprécies.
Ah c'est vraiment une très belle évocation de la poésie... de la poésie spontanée qu'il y a aussi dans la vie...
RépondreSupprimerJe sais que tu n'es pas fan de poésie, alors cette fois, super.
Supprimerle temps, le sommeil et la mémoire, il a lu Proust, Jorge Luis ;-)
RépondreSupprimerLe temps est certainement un thème qu'ils ont en commun, ce ne sont pas les seuls non plus.
SupprimerCe que je sais c'est que Borges a répondu au questionnaire de Proust, si tu veux le lire c'est ici:
https://borgestodoelanio.blogspot.com/2017/03/jorge-luis-borges-cuestionario-proust.html
magnifique poème, comme toujours
RépondreSupprimerBon week-end Niki!
SupprimerCoucou. Borges hermétique, dis-tu plus haut? J'avais lu en son temps "Fictions" et j'ai eu bien de la peine. Peut-être que je devrais le relire maintenant, que je suis devenue plus sage... :-)
RépondreSupprimerQuant au poème du jour, il coule, comme le fleuve, il se déroule mais il faut le lire à voix haute, ce que je fais régulièrement quand je lis de la poésie.
Borges a une culture immense et un espagnol très pointu, ce qui souvent nous rend ses textes assez compliqués.Je ne me suis jamais attelée à son œuvre entière, comme toi j'ai lu Fictions avec difficulté, je devrais le reprendre!!
SupprimerAh toi aussi tu lis les poèmes à voix haute. Le rythme, les sonorités sont tellement plus intenses.
"Convertir l'outrage des ans en une musique, un bruit, un symbole" voilà qui me parle et de quoi méditer pour la journée et même au delà ! Bon week-end Colo, bises.
RépondreSupprimerMéditons chère Aifelle, voyons si on trouve une musique qui nous convient:-)
SupprimerUn beso, bonne journée.
Les thèmes du temps et de la mort mais aussi de la poésie, de l'art et de sa richesse. Le fleuve qui commence le poème et qui le finit, toujours là mais qui passe sans cesse. La construction du poème épouse le rythme du fleuve.
RépondreSupprimerTu as tout vu, merci Claudialucia. Tant de poètes ont écrit sur la poésie.
SupprimerBonjour Colo, merci pour ce beau poème. Je ne connais pas du tout l'oeuvre Borgès. Ce prélude au printemps débute sous les meilleurs auspices. Bon dimanche.
RépondreSupprimerBonjour Dasola, et merci. J'espère trouver de la poésie sur plus d'un blog en ce mois de mars.
SupprimerBonne semaine.
Dans une période où je ne vais pas bien du tout (ton poême n'aura servi à rien, hélas), lire des poêmes me rend encore plus triste. Je ne sais pas pourquoi. Bisous
RépondreSupprimerOh Val,je suis désolée pour toi. Peut-être la photo de l'entête du blog te fera-t-il plus de bien...
SupprimerJe t'embrasse affectueusement.
J'évoquai l'autre jour Giono qui disait : "Sans le secours du poète...."
RépondreSupprimerMerci pour cette évocation de la poésie, ces siècles et ces continents mêlés, signes de la force de l'Humanité.
Je t'embrasse.
Merci Marie, la poésie est peu lue, c'est si dommage!
SupprimerBonne semaine, un beso.
Puissant et irréfutable Borgès... cela fait plaisir de le relire là. Longtemps que je ne m'étais attardé sur un de ses poèmes
RépondreSupprimerPuissant est le mot juste. Plaisir partagé donc.
Supprimerune petite dose de Borges c'est toujours du plaisir
RépondreSupprimerEn effet, de temps en temps j'y reviens..
SupprimerSublime. Quelquefois j'essaie d'imaginer comment je serai quand je serai morte, j'imagine que c'est un long sommeil qui ne finit jamais.
RépondreSupprimerle calme éternel...
SupprimerSuperbe ...
RépondreSupprimerOuiii!
SupprimerLe thème de ce poème au long cours, comme les fleuves est réaliste et Très imagé. Ne dit-on pas que la vie n'est pas un long fleuve tranquille et les voilà mêlés, eau contre eau.Notre destin commun s'affiche ici.
RépondreSupprimerBelle lecture. Merci.
Avec plaisir Maïté!
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