Ce
voyage à Paris en avril, rêvé depuis des mois, est tombé à
l’eau, comme les projets de chacun. Pas d’expo Turner ni de
balades le long de la Seine. ni d’amis à y rencontrer. Ce sera
pour une autre fois.
Mais
le rêve peut se prolonger et mon œil est irrémédiablement attiré par les poèmes où
“Paris” apparaît.
Il y a celui-ci, comme une histoire étrange et simple, de Juan
Gelman qui s’est carrément inspiré du titre d’un tango du
même titre de Carlos Gardel. Un poème comme un tango...
Ancré à Paris
Juan Gelman (1930-2014).
Celui
qui me manque c’est le vieux lion du zoo,
on
prenait toujours le café au Bois de Boulogne,
il
me racontait ses aventures en Rhodésie du Sud
mais
il mentait, il était évident qu’il n’était jamais sorti du
Sahara.
Quoi
qu’il en soit j’aimais beaucoup son élégance,
sa
façon de rentrer la tête dans les épaules devant les broutilles de la
vie,
il
regardait les Français par la fenêtre du café
et
disait ”les idiots font des enfants”-
Les
deux ou trois chasseurs anglais qu’il avait mangés
provoquaient
en lui de mauvais souvenirs voire de la mélancolie,
“les
choses qu’on fait pour vivre” pensait-il
en
regardant sa crinière dans le miroir du café.
Oui,
il me manque beaucoup,
il
ne payait jamais l’addition,
mais
indiquait le pourboire à laisser
et
les garçons le saluaient avec une déférence particulière.
Nous
nous séparions à la lisière du crépuscule,
il
retournait à son bureau*, comme
il disait,
non
sans m’avertir avant, une patte sur mon épaule
“fais
attention, mon fils, au Paris nocturne”.
Il
me manque vraiment beaucoup,
ses
yeux s’emplissaient parfois de désert
mais
il savait se taire comme un frère
quand,
ému, ému,
je
lui parlais de Carlitos Gardel.
Trad:
Colo
*En
français dans le texte
Al que extraño es al viejo león del zoo,
siempre tomábamos café en el Bois de Boulogne,
me contaba sus aventuras en Rhodesia del Sur
pero mentía, era evidente que nunca se había movido del Sahara.
De todos modos me encantaba su elegancia,
su manera de encogerse de hombros ante las pequeñeces de la vida,
miraba a los franceses por la ventana del café
y decía “los idiotas hacen hijos”.
Los dos o tres cazadores ingleses que se había comido
le provocaban malos recuerdos y aun melancolía,
“las cosas que uno hace para vivir” reflexionaba
mirándose la melena en el espejo del café.
Sí, lo extraño mucho,
nunca pagaba la cuenta,
pero indicaba la propina a dejar
y los mozos lo saludaban con especial deferencia.
Nos despedíamos a la orilla del crepúsculo,
él regresaba a son bureau, como decía,
no sin antes advertirme con una pata en mi hombro
“ten cuidado, hijo mío, con el París nocturno”.
Lo extraño mucho verdaderamente,
sus ojos se llenaban a veces de desierto
pero sabía callar como un hermano
cuando emocionado, emocionado,
yo le hablaba de Carlitos Gardel.
Juan Gelman (1930-2014).
oh comme c'est mignon :-)
RépondreSupprimerTu trouves? Un attachement étrange quand même:-)
SupprimerAmusante, cette histoire, et la chanson très chouette à écouter.
RépondreSupprimerC'est désolant de devoir renoncer à ce voyage plein de promesses - partie remise. Notre séjour dans le Midi attendra... la fin du confinement
Mais oui, ce sera pour plus tard; rien de dramatique en comparaison de...
SupprimerÉcouter les tangos de Gardel est un vrai plaisir, c'est vrai.
Bonjour Colo, ce poème sur ce vieux lion à Paris. Quant au tango, cela me toujours autant vibrer. Bonne journée.
RépondreSupprimerUn petit pas de danse Dasola?
SupprimerPrends soin de toi, bonne journée.
Paris n'est que partie remise.
RépondreSupprimerVa savoir, tu y croiseras peut être "le vieux lion du zoo",
vous prendrez un café ensemble
et tu devineras ses pensées devant sa mine songeuse.
Et s'il t'invite pour un tango, je t'en supplie
n'oublie pas le selfie :-)
Coup de coeur pour le poème et le tango
Bises ensoleillées, Colo.
Ah, c'est promis et ça risque de ne pas être triste Fifi:-))
SupprimerJe t'embrasse
Merci pour cette chanson/tango. Emotion et nostalgie.
RépondreSupprimerDommage pour Paris, oui.
Bises. Il pleut ici.
Ce n'est pas grave Marie, c'est juste que nous sortons très peu souvent de l'île, et que cette fois...ce sera plus tard dans l'année.
SupprimerIl pleuvra demain ici, les plantes sont bien contentes, temps frais et humide..miam disent-elles.
Je t'entends chanter....
Hélas, j'habite à 800km de Paris. On aurait pu s'y retrouver. Gros bisous et courage.
RépondreSupprimerEn fait, et à vol d'oiseau, tu vis pas si loin de chez moi! Un jour, qui sait...
SupprimerBesos.
Tout n'est que partie remise, il nous faut tous apprendre la patience...
RépondreSupprimerJ'adore ce poème, cette douce et profonde ironie, cette "sagesse" du lion. Que ce confinement nous emmène encore plus loin dans la poésie, c'est mon vœu de ce matin , je te dis merci Colo, bonne pluie et des bises. brigitte
Tu connais ce poème de Celaya, chanté par Paco Ibañez, "La poésie est une arme chargée de futur"
Supprimer" Poésie pour le pauvre, poésie nécessaire
Comme le pain de chaque jour,
Comme l'air que nous exigeons treize fois par minute,
Pour être et tant que nous sommes donner un oui qui
Nous glorifie."
Je t'embrasse Brigitte, bonne soirée.
j'aime cet humour : " les choses qu'on fait pour vivre". Je devrais être à Copenhague en ce moment !
RépondreSupprimerBah, voyager n'est vraiment pas la priorité en ce moment.
SupprimerMais, oui, beaucoup d'ironie dans ce poème... qui peut bien être ce lion?
Oh c'est délicieux, quelle gaieté, quel rêvé éveillé et plein de sottises, de couleurs et d'originalité...
RépondreSupprimerTout ça Edmée!
SupprimerPrends grand soin de toi.
Je vais sans doute moi-même annuler un prochain voyage non sans un pincement, mais dans le contexte actuel on relativise vite. L'essentiel est de sauver le maximum de gens (y compris nous-mêmes !). J'adore Carlos Gardel et le poème est tellement évocateur de Paris ! Merci Colo.
RépondreSupprimerIl est sage en effet de ne pas se déplacer Aifelle. Laissons passer le temps.
SupprimerBonne journée, un beso
J'ai toujours aimé Paris et s'il fallait énumérer les raisons, aucune ne résisterait à ma rationalité. Et pourtant, j'ai Paris dans le cœur. Nous y retournerons, j'espère, quand tout sera normal.
RépondreSupprimerDésolé pour votre voyage, vous le ferez plus tard. Vous proposez un joli texte : “fais attention, mon fils, au Paris nocturne”. Connaissez-vous le film "Minuit à Paris " de Woody Allen ?
Bonjour Christian,
SupprimerNon, je n'ai pas vu ce film, mais j'en aurai le temps...tout le temps!
Bonne journée, bien grise ici.
Très bonne soirée à toi, gros bisous
RépondreSupprimerMerci, bon week-end Val.
SupprimerPartie remise, c'est sûr !
RépondreSupprimerGelman, très bien, mais est-ce une surprise ;-)
Et l'on prend soin de soi, toujours et encore !
Tu as raison, on n'est jamais déçu avec Juan Gelman. Toujours cette fantaisie plutôt ironique ici.
SupprimerJe fais très attention, merci, toi aussi sois très prudent.
Merci pour la découverte de cet auteur.
RépondreSupprimerAvec plaisir, si tu veux, tu vas en haut dans la section Poésie, et à son nom tu trouveras sa vie et d'autres poèmes.
SupprimerUn beso
Colo, j'avais posté plusieurs commentaires mais un seul est passé, aussi excuse-moi, mais je te remercie et te souhaite un très bon week end. Bises.
SupprimerElisabeth, j'en ai vu deux de toi sur le billet précédent et puis celui-ci. Je suis désolée, il y a parfois des bugs, et merci d'avoir insisté.
SupprimerTu n'as pas à t'excuser!!
Bon week-end à toi aussi, ici il fait infect, pluies, froid...nous lisons prés de la cheminée.
je t'embrasse