Nous avons laissé le poète lors de son inscription au parti communiste et de son engagement républicain pendant la Guerre civile. Les choses empirent, son ami Federica Garcia Lorca est assassiné. Il écrit plusieurs poèmes en son hommage. En voici un.
A Federico Garcia Lorca
Poète de Grenade.
Automne 1924
Cette nuit où le poignard du vent
sabre le cadavre de l’été,
j’ai vu dans ma chambre se dessiner
ton visage brun au profil gitan.
La plaine fleurie. Les fleuves, cimeterres
rougis par le sang virginal des fleurs.
Lauriers-roses. Cabanes. Prairies.
Dans la sierra, quarante brigands.
Tu t’es réveillé à l’ombre d’un olivier,
avec près de toi la fleur des comptines.
Ton âme de terre et brise, captive…
Abandonnant, très doux, ses autels,
l’ange des chants populaires a brûlé
devant toi une anémone votive.
(Trad: Colo)
(Trad: Colo)
Rafel Aberti et F. Garcia Lorca |
A FEDERICO GARCÍA LORCA,
POETA DE GRANADA
(1924)
1
(OTOÑO)
En esta noche en que el puñal del viento
acuchilla el cadáver del verano,
yo he visto dibujarse en mi aposento
tu rostro oscuro de perfil gitano.
Vega florida. Alfanjes de los ríos,
tintos en sangre pura de las flores.
Adelfares. Cabañas. Praderíos.
Por la sierra, cuarenta salteadores.
Despertaste a la sombra de una oliva,
junto a la pitiflor de los cantares.
Tu alma de tierra y aire fue cautiva…
Abandonando, dulce, sus altares,
quemó ante ti una anémona votiva
el ángel de los cantos populares.
Paloma, dessin de R. Alberti |
C’est
pour lui et sa femme le moment de s’exiler; Pablo Neruda l’invite
dans sa maison Parisienne, Quai de l’Horloge. Picasso leur trouve
du travail. Mais très vite, nous sommes en '39-'40, la Guerre Mondiale
s’annonce, le Gouvernement de Pétain, allégeant leur affiliation
au parti communiste, leur refuse le permis de travail.
Nouvel
exil. Ils partent en Argentine où ils resteront une vingtaine
d’années. Toujours actif, militantisme et surtout l’écriture de
poèmes.
La souffrance énorme aussi. Et cette amitié profonde avec Neruda.
La souffrance énorme aussi. Et cette amitié profonde avec Neruda.
« Rafael
et moi nous sommes ce que j’appellerai simplement des frères. La
vie a enchevêtré nos existences, bouleversé nos poésies et nos
destinées. »
(Neruda)
Parfois un brin d'humour dans ses poèmes de l’époque.
A cinquante ans, aujourd'hui j'ai ma bicyclette.
Beaucoup ont un yacht
et beaucoup plus encore ont une automobile ;
il en est même beaucoup qui ont déjà un avion.
Mais moi,
à cinquante ans tout juste, je n'ai qu'une bicyclette (...)
A
los cincuenta años, hoy, tengo una bicicleta.
Muchos tienen un yate
y muchos más un automóvil
y hay muchos que también tienen ya un avión.
Pero yo,
a mis cincuenta años justos, tengo sólo una bicicleta(…)
Muchos tienen un yate
y muchos más un automóvil
y hay muchos que también tienen ya un avión.
Pero yo,
a mis cincuenta años justos, tengo sólo una bicicleta(…)
Arrive
Juan Perón au pouvoir, nouvel exil, à Rome cette fois car Franco est
toujours en place. Ce n’est qu’en 1977 qu’il rentre finalement
dans son pays natal où il croit que tout le monde l’a oublié. Pas
du tout, il est reçu très chaleureusement.
Voilà.
Rafael Albert meurt chez lui, dans son village, en 1999. Il avait 97
ans, avait toujours écrit et tant vécu que vous comprendrez que
cette biographie soit très incomplète.
Il
disait que les poèmes sont faits pour être lus à voix haute,
alors, rien que pour les sonorités, écoutez ce très court poème
dédié à Picasso et lu par lui-même mais intraduisible car les
rimes et assonances en sont le bijou.
Lien intéressant:
https://next.liberation.fr/culture/1999/10/29/il-est-mort-le-poete-andaloule-populaire-rafael-alberti-avait-ete-l-ami-de-bunuel-et-de-lorca_287512
Une vie vagabonde pour ce poète qui semble très accessible (en traduction ;-), merci Colo.
RépondreSupprimerTu as raison, j'espère que tu uras l'occasion de lire d'autres poèmes de lui.
SupprimerBonne soirée.
quelle vie! quelle époque!
RépondreSupprimer(ça fait un peu peur aussi)
merci Colo
Une vie des plus difficiles, compliquées...c'était il n'y a pas longtemps, poursuivi pour ses idées. Rien de tranquillisant ne se passe à ce sujet dans le monde actuel, tu as raison.
Supprimerl'ange des chants populaires ! le gitan magnifique
RépondreSupprimerL'image est forte, juste. Merci de l'avoir relevée
Supprimerquel bel hommage, colo, je suis très émue - merci pour ce partage
RépondreSupprimerBonjour Niki, je connaissais certains de ses poèmes, mais peu sur sa vie qui m'a, moi aussi, bouleversée. Il dit que c'est la poésie, sa femme et ses amis qui lui ont permis de garder un certain équilibre dans tous ces exils politiques.
SupprimerBonne journée.
Comment ne pas être complètement remuée par ce poème. C'était une époque tellement violente et tragique et tu as raison de souligner qu'aujourd'hui hélas, il n'y a pas de quoi nous réconforter. Je vais suivre tes liens, merci.
RépondreSupprimerBonnes découvertes chère Aifelle.
SupprimerIl ne possédait qu'une bicyclette mais tant d'autres choses que la plupart n'auront jamais ! Quel émouvant destin que celui de tous ses dissidents !
RépondreSupprimerDes vies à toujours recommencer, ailleurs. A pied ou à vélo...:-)
SupprimerQue de rudesse dans cette existence, l'exil me semble terrible, et pourtant le poète écrit encore et toujours. Est-ce la souffrance qui lui souffle les mots de la survie, sont-ce ces mêmes mots qui lui donnent la force de continuer le chemin ? La vie est un mystère, merci Colo, douce journée à toi. brigitte
RépondreSupprimerSes poèmes reflètent parfois ces grande difficultés comme dans cet extrait:
SupprimerJe suis si seul parfois, je suis si seul
et même si pauvre et si triste ! Si oublié !
Voilà comment j'aimerais demander l'aumône
sur mes plages natales, au long de mes campagnes.
Donnez à celui qui revient un petit bout
de lumière tranquille, un ciel paisible. S'il vous plaît,
la charité ! Vous ne savez plus qui je suis...
Et je vous demande si peu... Donnez-moi quelque chose
Terrible comme tu dis. Mais les mots..
Bonne fin de semaine Brigitte.
Et bien, à l'heure du développement durable, c'est très bien de rouler en bicyclette! ;-) Quel destin que le sien, toujours la souffrance en toile de fond, les privations et les incompréhensions. Mais cela n'arrête pas la plume et c'est très beau. Bises alpines.
RépondreSupprimerLà tu n'as pas tort. Mais c'était dans les années '60, on ne parlait pas encore de développement durable...
SupprimerContente que tu apprécies, un beso.
Federico Garcia Lorca
RépondreSupprimerQue te dirais-je de la poésie ? Que dirais-je de ces nuages, de ce ciel ? Les voir, les voir, les voir... et rien de plus. Tu comprendras qu'un poète ne peux rien dire de la Poésie. Laissons cette tâche aux critiques et aux professeurs. Mais ni toi, ni moi, ni aucun poète, nous ne savons ce qu'est la Poésie.
La voici ; regarde. je porte le feu dans mes mains. je le comprends et je travaille parfaitement avec lui, mais je ne peux en parler sans littérature.
Dialogue avec Gerardo Diego.
Le feu dans les mains...merci beaucoup Marie, le poète n'a pas la distance pour en parler, il la vit, c'est ça!
SupprimerChérir sa bicyclette à 50 ans est un privilège, c'est ne pas avoir été intoxiqué par "l'exemple superficiel"...
RépondreSupprimerProbablement, oui Edmée.
SupprimerJe ne peux pas lire l'espagnol mais j'aime beaucoup ta traduction. Je trouve émouvant le moment de son retour, après la mort de Franco, où il est attendu à l'aéroport alors qu'il ne s'y attend pas et qu'il revient dans son pays après tant d'années d'errance. Un peu comme Victor Hugo...
RépondreSupprimerMerci beaucoup Claudia.
SupprimerLa joie de se retrouver chez lui après tant d'années, si bien accueilli a adouci le reste de sa vie, un chance de terminer ainsi.
merci, tu auras ta place dans notre prochaine revue de blogs
RépondreSupprimerOh merci!
SupprimerBonjour chère Colo, ton billet est magnifique et émouvant. A chaque exil, le poète a continué d'aller de l'avant entouré des siens et j'admire sa force d'avoir écrit et encore écrit. Merci pour les deux liens que je viens de voir.
RépondreSupprimerBon week-end Colo, mes bisous ♥
Merci à toi Denise, la situation d'exilé est si difficile, tragique souvent aussi.
SupprimerJe t'embrasse
Les amis sont là, heureusement. Mais que de luttes, que d'exils dans sa vie. Il a été aimé de son vivant, c'est une bonne chose pour lui. Une juste reconnaissance. Merci beaucoup et bon week end.
RépondreSupprimerUne vie passée à s'adapter, à se refaire ...une vie.
SupprimerBonne semaine Elisabeth.
Bonsoir Colo, je ne connaissais pas ce poète, Rafael Alberti. C'est émouvant d'écouter ses vers avec sa voix. Merci. Bonne soirée.
RépondreSupprimerBonjour Dasola, tu es bien la seule qui me parle de sa voix, merci de l'avoir écoutée.
SupprimerBonne journée!
Le poète mais aussi peintre et musicien a bercé ma jeunesse grâce à ma prof d'espagnol qui lui vouait une profonde admiration et nous apprenait à aimer la poésie.
RépondreSupprimerWoops, hors sujet, je parlais de Frederico Garcia Lorca
RépondreSupprimerPas de problème, parler de Lorca est toujours un plaisir!
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