4 févr. 2013

Toute mon oeuvre...pour un peu de beauté / Toda mi obra... por un poco de belleza

 
María Blanchard (1881- 1932), connaissez-vous cette peintre espagnole? 
Sans doute pas. Étrange “l'escamotage” de cette artiste du niveau de Juan Gris...
Elle m'a passionnée, et son art, enchantée.
Je lui consacrerai donc deux billets.

Ce n'est que l'an dernier, juin 2012, que le Musée Reina Sofía de Madrid décida qu'il était temps (plus que temps dirais-je) de parler d'elle, de lui donner cette place si méritée: “María Blanchard est une artiste d'avant-garde, pionnière de toute une future génération de femmes artistes, qui eût, comme Frida Khalo, un parallélisme vital de souffrances dû à ses déformations physiques* auxquelles s'ajouteront, dans le cas de Blanchard, à des moments de grande pénurie économique durant sa brève vie”.
*Suite à une chute de sa mère durant sa grossesse, María était de trop petite taille, bossue, boiteuse et myope. Elle disait: “J'échangerais toute mon œuvre...pour un peu de beauté”. (source)

María Blanchard (1881-1932), conocéis a esta pintora española? 
Probablemente no. Extraño escamoteo de esa artista del nivel de Juan Gris...me apasionó la persona, y su arte me encantó.
Le dedicaré dos entradas.

Fue tan solo el pasado año, en junio 2012, cuando el Museo Reina Sofía de Madrid decidió que era hora (más que hora diría yo) de hablar de ella, de darle un lugar tan merecido: “María Blanchard es una artista de vanguardia, pionera de toda una futura generación de mujeres artistas, que tuvo al igual que Frida Kahlo, un paralelismo vital de sufrimiento por sus deformidades físicas* al que se añadieron, en el caso de Blanchard, momentos de grandes penurias económicas en su breve vida.”
* Consecuencia de una caída de su madre durante su embarazo, María era enana, jorobada, coja y miope. Decía “"cambiaría toda mi obra... por un poco de belleza". (fuente)

Tora Vega Holmström 1921 María Blanchard

C'est pourquoi ce portrait d'elle réalisé en 1921 (merci BOL) par la peintre suédoise Tora Vega Holmström (1880-1967) a tant de valeur à mes yeux. La délicate Tora ne laisse deviner aucune de ces tares physiques, tout au plus les  lunettes  aux verres épais tenues à la main. Nous n'avons pas de détails sur leur relation mais elles se sont plus que probablement rencontrées à Paris où María s'est définitivement installée en 1910.
Por eso este retrato de ella realizado en 1921 por la pintora sueca Tora Vega Holmström (1880-1967) tiene tanto valor a mis ojos. La delicada Tora no deja adivinar ninguna de esas taras físicas, solo sus gafas en la mano. No tenemos detalles sobre su relación pero se encontraron, mas que probablemente, en París donde María se instaló definitivamente en 1910.


Nous commencerons par la fin, c'est à dire après sa mort, avec un article dans le journal l' Intransigeant - Paris qui résume bien sa vie. “ L'artiste espagnole est morte hier soir, après une douloureuse maladie. La place qu'elle occupait dans l'art contemporain était prépondérante. Son art, puissant, fait de mysticisme et d'un amour passionné pour la profession, restera comme celui d'un des artistes authentiques et les plus significatifs de notre époque. Sa vie de recluse et malade avait d'autre part contribué à développer et aiguiser singulièrement une des plus belles intelligences de notre temps.”

Empezaremos por el final, es decir después de su muerte, con un artículo del periódico L'Intransigeant de París que resume bien su vida: "La artista española, ha muerto anoche, después de una dolorosa enfermedad. El sitio que ocupaba en el arte contemporáneo era preponderante. Su arte, poderoso, hecho de misticismo y de un amor apasionado por la profesión, quedará como el de un auténtico artista y uno de los más significativos de nuestra época. Su vida de reclusa y enferma, había por otro lado contribuido a desarrollar y a agudizar singularmente una de las más bellas inteligencias de nuestro tiempo".

Et puis quelques courts extrait de l'Élégie de García Lorca à la mort de María:

He aquí unos cortos extractos de la Elegía de García Lorca a la muerte de María:

“...
La lucha de María Blanchard fue dura, áspera, pinchosa, como rama de encina, y sin embargo no fue nunca una resentida, sino todo lo contrario, dulce, piadosa, y virgen.
...La lutte de María Blanchard fut dure, âpre, épineuse, comme branche de chêne vert, et pourtant elle ne fut jamais rancunière, tout au contraire, douce, pieuse, et vierge.

- Aguantaba la lluvia de risas que causaba, sin querer, su cuerpo de bufón de ópera, y la risa que causaban sus primeras exposiciones, con la misma serenidad que aquel otro gran pintor, Barradas, muerto y ángel, a quien la gente rompía sus cuadros y él contestaba con un silencio recóndito de trébol o de criatura perseguida.


M. Blanchard "La primera comunión"
- Elle supportait la pluie de rires que causait, sans le vouloir, son corps de bouffon d'opéra, et le rire que causèrent ses premières expositions, avec la même sérénité que cet autre grand peintre, Barradas, mort et ange, à qui les gens cassaient les tableaux et auxquels il répondait par un silence abstrus de trèfle ou de créature poursuivie.
- Y a medida que avanzaba el tiempo, su alma se iba purificando y sus actos adquirían mayor trascendencia y responsabilidad. Su pintura llevaba el mismo camino magistral, desde el cuadro famoso de "La primera comunión" hasta sus últimos niños y maternidades, pero atormentada por una moral superior daba sus cuadros por la mitad del precio que le ofrecían, y luego ella misma componía sus zapatos con una bella humildad.

- Au fil du temps, son âme se purifiait et ses actes acquiéraient une plus grande transcendance et responsabilité. Sa peinture prenait le même chemin magistral, depuis le tableau “La première communion” jusqu'à ses derniers enfants et maternité, mais tourmentée par une morale supérieure elle donnait ses tableaux pour la moitié du prix qu'on lui offrait, même si après elle devait confectionner ses propres souliers avec une belle humilité.

Et la fin, si belle.
Y el final, precioso.

Te he llamado jorobada constantemente y no he dicho nada de tus hermosos ojos, que se llenaban de lágrimas, con el mismo ritmo que sube el mercurio por el termómetro, ni he hablado de tus manos magistrales. Pero hablo de tu cabellera y la elogio, y digo aquí que tenías una mata de pelo tan generosa y tan bella que quería cubrir tu cuerpo, (…). Porque eras jorobada, ¿y qué? Los hombres entienden poco las cosas y yo te digo, María Blanchard, como amigo de tu sombra, que tú tenías la mata de pelo más hermosa que ha habido en España."
Je t'ai constamment appelée bossue et je n'ai rien dit de tes beaux yeux, qui s'emplissaient de larmes, au même rythme que monte le mercure dans le thermomètre, rien dit non plus de tes mains magistrales. Mais je parle de ta chevelure et j'en fais l'éloge, et je dis ici que tu avais une masse de cheveux si généreuse et si belle qu'elle voulait couvrir ton corps, (…). Parce que tu étais bossue, et alors? Les hommes comprennent peu les choses et je te dis, María Blanchard, comme ami de ton ombre, que tu avais la masse de cheveux la plus belle qu'il y a eu en Espagne.” (Trad: Colo)

Extrait de la conférence prononcée par F. García Lorca à Madrid en 1932 (texte entier ici)

M. Blanchard La toilette



Dans le prochain billet je vous raconterai sa vie, à travers ses oeuvres, d'abord cubistes puis plus expresionnistes. Je vous parlerai de ses rencontres aussi.
La próxima vez os contaré su vida, a través de sus obras, primero cubistas luego más expresionistas. Os hablaré también de sus encuentros.

42 commentaires:

  1. je ne connaissais pas, je découvre donc une artiste
    d 'une extraordinaire puissance ce qui est souvent le cas quand la vie ne leur a pas fait de cadeau...pas de comparaison mais Frida Kahlo aussi avait beaucoup de puissance.Une magnifique façon de prendre une revanche sur le destin.

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    1. Bonjour Danielle, tu as raison. Sa revanche artistique est étonnante...tant d'obstacles de tout genre, je vous raconterai ça.
      Belle semaine!

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  2. Une artiste à découvrir dont je n'avais même jamais lu le nom
    j'aime beaucoup sa communiante et son art est tout à fait impressionnant , parfois on ne comprend pas pourquoi un ou une artiste ne passe pas la frontière ...

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    1. Hello Dominique, dans ce cas-ci, ce n'est pas les frontières car elle peignait en France, à Paris, ce serait plutôt un boycott dû à....? Plusieurs hypothèse, certaines idiotes, mais on peut affirmer que la féminitude n'y est pas étrangère...

      J'espère que tu aimeras ses œuvres dans le prochain billet aussi!
      Bonne fin de journée.

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  3. Tu me fais découvrir cette artiste méconnue, absente du "Dictionnaire de la peinture moderne" et même de "Femmes artistes" de Simona Bartolena, un comble. Très beau, son portrait par Tora Vega Holmström (que je ne connais pas non plus). Magnifique sensibilité dans l'hommage de Garcia Lorca.
    J'attends avec impatience la suite. Trouvé tout de même dans "L'aventure de l'art au XXe siècle" une brève d'exposition au Petit Palais en 1937, consacrée aux "maîtres de l'art indépendant" : "Le mérite de l'exposition est surtout d'attirer l'attention sur des artistes disparus récemment avant d'avoir pu atteindre la célébrité, ainsi Emmanuel Gondouin et Maria Blanchard, morts l'un en 1934, l'autre en 1932 à l'âge de cinquante et un ans. Issus tous deux du cubisme, ils avaient atteint chacun à sa façon un style original avant que la maladie les emporte."
    Trop indépendante, Maria Blanchard ? Que l'histoire de l'art se taise - encore au XXe siècle - sur des femmes artistes est une sorte d'escamotage qui ressemble fort à du sexisme.

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  4. Je cherche....et trouve qu'elle a exposé une vingtaine d’œuvres dans la Galerie Centaure de Bruxelles en 1923. les critiques ont été si élogieuses que cela lui ouvre un important marché à Bruxelles.
    Une autre expo plus tard au même endroit où le critique Waldemar Georges réalise une magnifique étude de son œuvre.

    Merci pour tes recherches, c'est fou tout ces vides...
    Bonne soirée, un beso fuerte.

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  5. Encore une artiste couverte d'éloges de son vivant ainsi qu'au moment de sa mort puis vite jetée aux oubliettes parce que femme. Juste parce que femme.
    C'est indécent.
    Merci Colo de l'avoir exhumée et de nous la révéler. Je suis impatiente de lire la suite !
    Elle me fait penser à Jeanne de France, cette reine répudiée parce que difforme qui avait une âme remarquable et créa l'ordre religieux de l'Annonciade puisque la seule place au monde que l'on accordait à une femme disgrâciée physiquement au XVe siècle était le cloître. Si elle était née au XXe siècle, peut-être aurait-elle été peintre ?

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    1. Bonjour Euterpe, imagine-toi que certains se sont demandé si sa difformité était la cause de sa "disparition" des l'histoire de l'art! Qu'en est-il de Toulouse-Lautrec alors...? Enfin, nous connaissons la réponse.

      Jeanne de France, oui, je m'en souviens.
      Ressuscitons donc à tour de bras ces talents enterrés, chose que tu fais sans cesse.
      Bonne journée à toi.

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  6. Je ne connaissais évidemment pas cette artiste. Ton récit est très intéressant. Merci Colo.

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    1. Merci à toi Obni.
      Il n'y a pas 100 ans de sa mort, elle était née la même année que Picasso, a vécu et exposé à Paris, Bruxelles et...nada.
      Belle journée, soleil et bleu ici.

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  7. De bien touchantes présentations de cette artiste que j'ai hâte de découvrir davantage.

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    1. La courte vie et l'oeuvre de María m'ont touchée, c'est vrai Danièle. A travers les thèmes de ses tableaux, ont devine tant de cjoses.
      Belle semaine.

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  8. Le cubisme était déjà présent dans le portrait de La toilette.
    Je ne connaissais pas du tout l'artiste, ce qui s'explique encore mieux si elle a été escamotée.

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    1. Vous avez tout à fait raison, j'ai lu, sans pouvoir le prouver, que c'est elle qui a introduit le portrait dans le cubisme...j'en reparlerai bien sûr.
      Bonne semaine!

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  9. Magnifique ! Un grand merci pour ce portrait touchant. J'aimais bien cette idée de sérénité en face de la cruauté. Bonne semaine, Colo.

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    1. Bonjour Ren, tu as bien vu cette dualité violence/douceur. L'art était douceur pour elle, tout le reste...
      Belle semaine à toi aussi.

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  10. Maria Blanchard exposa à Bruxelles en 1920. Dans le cadre du "Cubisme et Néo-cubisme". Avec notamment Picasso et Braque...

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    1. Vous me l'apprenez JEA, merci. J'ai bien lu qu'elle avait participé à plusieurs expositions à Bruxelles, mais nulle part que c'était avec Picasso et Braque! La piste belge semble être intéressante.
      Bonne journée, très froide j'entends chez vous.

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    2. millefeuilles de neige...

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    3. Parsemée de pommes et de noix peut-être...

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  11. Merci pour cette belle et émouvante découverte. Quelle vie ! Quelle oeuvre ! Je reviendrai pour lire la suite. Bonne soirée.

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    1. Bonjour Bonheur, les informations sur elle sont à la fois nombreuses et rares sur la toile. Nombreuses biographies qui, toutes racontent la même chose, puis, ci et là, des détails plus personnels sur elle. Depuis 1 mois je traque...
      Belle journée!

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  12. Merci beaucoup pour toutes ces enrichissantes indications. Je ne connaissais pas son existence. Je serai un peu paresseux et je n'irai pas fureter sur la toile pour en savoir un peu plus, mais j'attends avec impatience que ce soit toi qui me raconte la suite :-) Merci beaucoup bonne nuit

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    1. Bonjour Kwarkito, oui, je vous raconterai ce que j'ai lu d'intéressant, quelques détails découverts....à chacun son boulot, non? :-)
      Je me disais que tu décryptes si bien les images que tu aurais peut-être envie de le faire avec un des tableaux de mon prochain billet. Juste une idée...
      Bonne journée, à bientôt.

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  13. J'aime bien le portrait que tu traces de cette artiste méconnue. Sa difformité a du être une longue épreuve, qu'elle a peu à peu transcendée par ses qualités de coeur et son art. Bravo ! J'attends la suite Colo ...

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    1. Merci Lily, j'attends moi aussi la suite :-)
      En ce moment, après avoir tant (trop?) lu sur elle, je me demande bien comment organiser le tout...Mais je sais que, comme toujours, l'inspiration viendra.

      L'art ne peut pas tout, malheureusement...
      Bonne journée, merci de ta visite.

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  14. Moi non plus je ne connaissais pas. Merci Colo.A suivre au plus vite.

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    1. J'espère ne pas te décevoir chère Bacchante!
      Belle journée.

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  15. Oui j´ai vu cette exposition. Passionnante cette femme, cette artiste.

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  16. Merci pour cette découverte... une femme courageuse et pleine d'énergie.
    J'aime bcp la première communion, un étrange tableau.

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    1. Bonsoir MH, je pensais bien que ce tableau te plairait, je l'aime beaucoup aussi; oui, il est étrange, à commencer par la fille au visage jeune mais qui me semble tassée, vieille...
      Bonne fin de semaine, si venteuse ici!

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  17. Comme beaucoup, j'ignorais son existence, et te remercie de me "cultiver" J'aime beaucoup "La toilette" et me demande évidemment s'il y a beaucoup de "Maria Blanchard" ? Merci Colo!!

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    1. Oh, oui, il y en a trop pour tous te les montrer ici, j'en mettrai plusieurs la prochaine fois et si tu en veux plus, je t'en enverrai.
      Bonne soirée hermano, je t'embrasse.

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  18. La grâce n'est pas seulement une affaire physique et la beauté intérieure ne peut pas servir de monnaie d'échange ! Très joli texte d'une artiste méconnue !

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    1. Une beauté et une grande force intérieures, vous le dites si bien.
      Merci Serge, belle journée.

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  19. J'arrive après la pluie, ou plutôt la neige brrr !, et tout a été dit de fort belle façon. Alors, moi aussi, j'attends la suite avec impatience !
    Merci Mageta, bonne journée et plein de bisous en boules de neige ...

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    1. Ici c'est un vent furibond qui pousse le froid dans les os, grrrrrrr.
      Patience, j'y travaille, ce sera pour la semaine prochaine...
      Belle journée à toi, baisers sans boules enneigées mais avec bourrasques.

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  20. Merci pour cette belle découverte Colo! Je m'en vais de ce pas découvrir le texte de Garcia Lorca en entier.

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    1. Avec plaisir! Tu comprends l'español Terre Indienne...ah, je l'ignorais, muy bien!
      Beau weekend à toi!

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  21. Prenant le blog par la fin, j'arrive fatalement au début et je lis le bel hommage de Federico Garcia Lorca.
    Pas facile d'être femme fragilisée.
    Une belle découverte.

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    1. Étonnant en effet que cette femme ait été connue et louée de son vivant puis...nada!

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