Sollicitée par Aifelle,
voici ma contribution...un peu en retard mais ni les poètes ni le
printemps ne m'en tiendront rigueur je pense.
Une poétesse espagnole, Gloria
Fuertes García (Madrid, 28 juillet 1917 - 27 novembre 1998)
Una contribución
al movimiento francés “La primavera de los poetas”. Este año el
tema era “La insurrección poética”.
NO PERDAMOS EL
TIEMPO
Ne perdons pas de temps
Gloria Fuertes
Si
el mar es infinito y tiene redes,
si
su música sale de la ola,
si
el alba es roja y el ocaso verde,
si
la selva es lujuria y la luna caricia,
si
la rosa se abre y perfuma la casa,
si
la niña se ríe y perfuma la vida,
si
el amor va y me besa y me deja temblando...
Si
la mer est infinie et a des filets,
si
sa musique sort de la vague,
si
l'aube est rouge et le crépuscule vert,
si
la jungle est luxure et la lune caresse,
si
la rose s'ouvre et parfume la maison,
si
la fillette rit et parfume la vie,
si
l'amour va et me baise et me laisse tremblante....
¿Qué
importancia tiene todo eso,
mientras
haya en mi barrio una mesa sin patas,
un
niño sin zapatos o un contable tosiendo,
un
banquete de cáscaras,
un
concierto de perros,
una
ópera de sarna?
Quelle
importance revêt tout cela,
tant
qu'il y aura dans mon quartier une table sans pattes,
un
enfant sans souliers ou un comptable qui tousse,
un
banquet de déchets,
un
concert de chiens,
un
opéra de gale?
Debemos
inquietarnos por curar las simientes,
por
vendar corazones y escribir el poema
que
a todos nos contagie.
Y
crear esa frase que abrace todo el mundo;
los
poetas debiéramos arrancar las espadas,
inventar
más colores y escribir padrenuestros.
Ir
dejando las risas en la boca del túnel
y
no decir lo íntimo, sino cantar al corro;
no
cantar a la luna, no cantar a la novia,
no
escribir unas décimas, no fabricar sonetos.
Il
faut nous en soucier et guérir les semences,
panser
les cœurs et écrire le poème
qui
nous contamine tous.
Et
créer cette phrase qui embrasse le monde entier;
nous
les poètes nous devrions arracher les épées,
inventer
plus de couleurs et écrire des Notre Père.
Laisser
les rires à l'entrée du tunnel
et
ne pas dire l'intime, mais chanter en chœur;
ne
pas chanter la lune, ni la fiancée,
ne
pas écrire des dizains, ni fabriquer des sonnets.
Debemos,
pues sabemos, gritar al poderoso,
gritar
eso que digo, que hay bastantes viviendo
debajo
de las latas con lo puesto y aullando
y
madres que a sus hijos no peinan a diario,
y
padres que madrugan y no van al teatro.
Nous
devons, car nous savons, huer le puissant,
crier
ce que je dis, car il y en a assez qui vivent
sous
des tôles et mal vêtus et hurlant
et
des mères qui ne peignent pas leurs enfants tous les jours
et
des pères qui se lèvent tôt et ne vont pas au théâtre.
Adornar
al humilde poniéndole en el hombro nuestro verso;
cantar
al que no canta y ayudarle es lo sano.
Asediar
usureros y con rara paciencia convencerles sin asco.
Trillar
en la labranza, bajar a alguna mina;
ser
buzo una semana, visitar los asilos,
las
cárceles, las ruinas; jugar con los párvulos,
danzar
en las leproserías.
Poetas,
no perdamos el tiempo, trabajemos,
que
al corazón le llega poca sangre.
Orner
l'humble d'un de nos vers sur l'épaule;
chanter
pour celui qui ne chante pas et l'aider est bien.
Assiéger
les usuriers et avec une patience infinie, les convaincre sans
dégoût.
Battre
le grain dans les champs, descendre dans une mine;
être
plongeur une semaine, visiter les asiles,
les
prisons, les ruines; jouer avec les enfants,
danser
dans les lazarets.
Poètes,
ne perdons pas de temps, travaillons,
car
peu de sang arrive au cœur.
(Trad:Colo)
voilà une réponse à la question de savoir si l'écrivain, le poète, doivent "s'engager" ;-)
RépondreSupprimermessage clair, en effet Adrienne
SupprimerUn très beau texte.... Merci beaucoup.... Bises
RépondreSupprimerAvec plaisir, besos para ti.
SupprimerNe perdons pas de temps... C'est vrai, c'est beau.
RépondreSupprimerEn ces années si dures, chaque minute compte, c'est si vrai.
SupprimerUne dernière strophe saisissante ; ce poème est très beau, merci Colo, je l'ajoute au billet de la semaine dernière.
RépondreSupprimerGrâce à toi, à ce printemps, j'ai lu des tas de nouveaux poèmes, merci Aifelle!
SupprimerNe pas perdre de temps, en donner, belle injonction à "travailler" à plus de justice sociale. Merci, Colo.
RépondreSupprimerBien nécessaire cette remise en ordre sociale!
SupprimerBonne journée Tania!
C'est très beau et plein d'empathie, merci. Bon weel end, Colo.
RépondreSupprimerAvec plaisir Savarati, bonne fin de semaine à toi aussi.
SupprimerCette femme se résume au prologue de son premier livre " Île Ignoré ":
RépondreSupprimer" Ma poésie est ici née sans les vêtements de la rhétorique
Pieds nus, nue, rebelle, sans déguisement.
Ma poésie se souvient et me ressemble."
Oh, merci pour ces vers!
SupprimerOui, elle ne se cache pas...elle a beaucoup écrit pour les enfants et disait ceci:
...Un niño con un libro de poesía en las manos nunca tendrá de mayor un arma entre ellas…”
...Un enfant avec un livre de poésie dans les mains n'aura jamais, adulte, un fusil entre elles..."
Oui, chantons tous en chœur, et que chacun aide celui qui ne chante pas ! Pas de solo sans un chœur !!!!
RépondreSupprimerUn texte très fort ! A chanter haut et fort !!!
Merci Colo !
Le monde serait bien différent alors Enitram!
SupprimerMerci à toi, bon week-end
et ben mazette elle vaut la peine d'être connue cette dame ! elle ne mâche pas ses mots et elle est tout à fait dans l'esprit de ce printemps des poètes
RépondreSupprimer"La poésie est une arme chargée de futur.." tu te souviens sans doute de ce vers de Celaya chanté par Paco Ibañez.
SupprimerJe me demande bien si ses romans pour adultes et enfants, pas seulement sa poésie, sont traduits en français...
Bonne journée ma belle.
Des échos par ici :
RépondreSupprimer"Le cri qui gonfle la poitrine
De Lorca à Maïakovski
Des poètes qu'on assassine
Ou qui se tuent pourquoi pour qui
Je ne chante pas pour passer le temps"
Faire taire les poètes...merci K.
SupprimerTant en Espagne qu'en Amérique latine, de nombreuses voix poétiques et rebelles. je poursuivrai un temps cette piste.
À bientôt.
Une belle insurrection poétique avec des mots qui portent. Et des commentaires qui vont dans le bon sens entre Celaya relaté par Ibanez et Jean Ferrat.
RépondreSupprimerJe t'embrasse , Colo.
Le thème de cette année était si tentant Maïté, j'ai eu le choix en espagnol d'ici ou des "Amériques"!
SupprimerBonne journée à toi, un beso
Et bien cette Gloria n'y va pas avec le dos de la cuillère !
RépondreSupprimerElle est directe, c'est son style.
Sûr qu'il faudrait remettre des pattes
à toutes les tables de la terre
et chausser tous les va-nu-pieds ...
Mais quelqu'un disait aussi :
Des roses et du pain ! Dans cet ordre-là.
Une poétesse en colère ce jour-là, aucun doute.
SupprimerLa famine, la pauvreté extrême engendrées par la guerre civile ont mis plus d'un artiste au travail.
Des roses pour l'âme, du pain pour le corps...merci Lily.
"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent", on ne peut rêver plus parfaite adéquation du poème que tu as choisi au thème de ce 17e printemps des poètes !
RépondreSupprimerMerci Colo pour la traduction de ce texte magnifique !!!
Avec plaisir Fifi, excellente journée!
SupprimerLes poètes ne pourront vous en vouloir, vous qui, plus que de les aimer et les diffuser, les traduisez. Et quel beau texte pour illustrer un printemps de la poésie que j'entends résonner de blog en blog, que nous entendrons tant que notre "peu de sang arrivera au cœur".
RépondreSupprimerRetour sur Roberto Bolaño : j'ai emprunté "Entre parenthèses" (Christian Bourgeois, près de 500 pages) (des chroniques publiées au Chili, discours sur la littérature) considéré comme une sorte de journal intime. Je ne sais par où commencer; par la présentation de I. Echevarria, certainement; puis je verrai. Il qualifie l'ouvrage de "substance autobiographique pour cet auteur de fiction" dont l'influence sur la narration en langue espagnole, prépondérante, "n'en est qu'à des débuts".
Je n'ai pas encore lu "Entre paréntesis" mais l'envie me presse de le faire! Je connais bien, pour en avoir avoir lu des critiques et avis, tous si favorables.
RépondreSupprimerDe là à arriver à écrire un ou plusieurs billets me semble une gageure mais vous êtes très doué pour ce genre d'exercice.
Son influence est indubitable, oh oui!
Je vais commencer par le lire, pour un (des) billets(s), on verra bien plus tard.
SupprimerBonne fin de journée.
Pourquoi faire taire tous ceux qui font de l'art avec l'encre, le fusain, la couleur, les mots, parfois dans le sang ?
RépondreSupprimerPoésie engagée de l'époque, la guerre civile, la dictature qui a duré 40 ans et a fait s'exiler tant d'artistes, écrivains, penseurs, chanteurs...ou alors rester et crier.
SupprimerLe pays manquait cruellement de couleurs, je suis certaine que tes aquarelles auraient mis du baume au coeur de plus d'un(e)!