23 août 2023

Les petites épines sont petites /Las pequeñas espinas son pequeñas

 Comme beaucoup de poèmes, celui-ci peut s'interpréter de la façon qu'il vous

 plaira. Moi j'y ai vu, à cause de la garde civile, de la faim, de la douleur, des mules,

 venez voir etc, une référence à un/des gitans. Libre cours à vos imaginations...


Compatriotes des forêts

Raquel Lanseros
(Jerez de la Frontera, España, 1973)

 

Comment seras-tu maintenant que personne ne te couvre?

Toi qui craignais tant l’hiver,

les tables sans viande

et la garde civile.

 

Mille fois j’ai pensé t’écrire.

Parfois je ne trouvais pas le mot nostalgie,

d’autres je me trompais en épelant l’adresse.


La douleur fait mal, disais-tu, mais si on est courageux

les petites épines sont petites.

Tu avais raison. La vie

avec ses défense d’entrer et ses venez voir

est belle comme une fiancée à l’aube.

Ce matin j’ai vu les nuages se hérisser

en traversant – allumés – le champ des mules.


Je pense à tes longs yeux, à tout ce qu’ils ont vu.

Des femmes déjà âgées il y a un siècle.

Un gramophone. Le vent

depuis le port de Ceuta.

La Havane avant le Che. Et les sous en argent.


Je pense à tes jours de feu. J’ai besoin que tu saches

que je n’oublie pas le lit de ton silence ouvert.

Sur lui je repose.

Sur lui je vis.

(Trad: Colo)

                              Recueil de poèmes


Compatriota de los bosques


Raquel Lanseros
(Jerez de la Frontera, España, 1973)

¿Cómo estarás ahora sin que nadie te abrigue?
Tú que tanto temías al invierno,
a las mesas sin carne
y a la guardia civil.

He pensado mil veces escribirte.
A veces no encontraba la palabra nostalgia,
otras, me equivocaba al deletrear las señas.

Duele el dolor, decías, pero si uno es valiente
las pequeñas espinas son pequeñas.
Tenías razón. La vida
con sus prohibido-el-paso y sus pasen-y-vean
es hermosa como una novia al alba.
Esta mañana he visto las nubes erizarse
al cruzar -encendidas- el prado de las mulas.

Pienso en tus ojos largos, en todo lo que vieron.
Mujeres que ya eran ancianas hace un siglo.
Un gramófono. El viento
desde el puerto de Ceuta.
La Habana previa al Che. Y los reales de plata.

Pienso en tus días de lumbre. Necesito que sepas
que no olvido la alcoba de tu silencio abierto.
En ella yo reposo.

En ella vivo.



34 commentaires:

  1. c'est magnifique. Et très émouvant aussi. "j'ai besoin que tu saches que je n'oublie p

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  2. que je n'oublie pas le lit de ton silence ouvert, cette phrase est incroyablement belle

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    1. Nous avons ressenti les mêmes choses en lisant ce poème, cette phrase, merci Kwarkito.

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  3. Je pense à tes jours de feu. J’ai besoin que tu saches

    que je n’oublie pas le lit de ton silence ouvert.

    Sur lui je repose.

    Sur lui je vis.

    Une phrase qui est à la source de plein d'émotions!

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    1. En effet Marie, Raquel Lanseros a réussi un magnifique poème là.
      Merci de ta visite

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  4. particulièrement touchant en effet cela me réveille même de ma sieste canicule !

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    1. Oh, le poème t'a fait revenir à la vie, extra Dominique. Rendors-toi maintenant....moi aussi d'ailleurs

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  5. A qui s'adresse la poétesse, à un parent ? A un père tendrement aimé ?

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    1. Je n’ai pas la réponse Fifi.
      Contente de te retrouver!!

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  6. Il est très émouvant, ce poème. Les petites épines qui sont petites... Dans ces vers, je vois un monde qui n'est plus mais qui peut renaître, comme ces forêts et leur faune qui ont disparu dans ces terribles incendies.

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    1. Merci pour cette intéressante interprétation Marie. Bonne journée.

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  7. Souvenir de résistants, de maquisards ? Le titre y fait penser. Comme tu l'écris, l'interprétation du poème est ouverte. Les derniers vers pleins d'émotion pourraient s'adresser à un père, une mère, un ami perdu. C'est beau.

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    1. Les résistants ce serait plus en France ou par là, mais ce pourrait être des "rouges" comme on les appelait pendant la guerre civile, oui.
      Merci Tania.

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  8. C'est très beau en tous les cas même si je ne sais pas ce qu'elle évoque, un peuple qui vivait caché en tous les cas au coeur des forêts, comme tu le dis peut-être des gitans, il faudrait en savoir plus sur sa vie, ce qui la touche de près...en tous les cas son nom ne m'est pas inconnu, elle est traductrice peut-être aussi, car je n'avais jamais lu un de ses poèmes, de cela j'en suis certaine. Merci pour ce partage

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    1. Oui Manou elle est aussi traductrice. Elle semble avoir traduit elle même sur son site officiel de poésie certains de ses poèmes en français: http://www.raquellanseros.com/index.php/2015-11-17-17-47-09/poemas-en-frances
      Bonne journée.

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    2. Merci pour le lien, je vais aller voir ça de plus près ! Entre temps je suis allée voir de plus près sa biographie et j'ai vu qu'elle avait traduit Aragon, Poe et Lewis Carroll ! Voilà sans doute pour cela que son nom me disait quelque chose. Merci en tous les cas de m'avoir fait connaître ses poèmes. Bon dimanche

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  9. Une histoire un peu dure qu'on lit à travers ce poème. Ici, on souffre de la canicule, c'est terrible. Que j'étais bien ds mes montagnes. Et lundi la reprise, beurk! Bisous

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    1. Canicule....tu sembles oublier où je vis quand tu écris "ici", hihihi.
      Beurk, oui, je te souhaite de reprendre avec plaisir quand même! besos

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  10. Impossible de laisser un commentaire sur ton site hier, voyons si c'est mieux aujourd'hui. C'est un très beau poème et j'aimerais bien connaître l'histoire qu'il y a derrière. Mais tu as raison, il vaut mieux laisser courir son imagination ... Bises Colo et je t'envoie un peu de fraîcheur (21 aujourd'hui)

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    1. Désolée Aifelle, en fait si les humains sont sujets à des erreurs, c'est vrai, les machines ont souvent des pannes...
      J'aime aussi beaucoup ce poème.
      Merci, il fera moins torride la semaine prochaine, pas 21 bien sûr, mais on retrouvera un peu d'énergie.
      Un beso

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  11. Première fois que je lis un de ses poèmes et, ce faisant, la vie de Colona me vient à l'esprit.
    Bonne journée en espérant que la bénéfique bruine qui nous fait tant de bien parvienne aussi jusqu'à toi.

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    1. Ouch, j'ai dû me creuser la tête, tu parles d'Yvan Colonna je suppose.
      Je suppose aussi Anonyme que tu es...Chinou?
      Bon week-end.

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  12. la séparation, l’exil, des mots qui hésitent et se risquent mais vivre, très touchant et d’une telle douceur, merci de nous donner à entendre cette voix

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  13. C'est émouvant mais très énigmatique, comme la vie. Ce sont des mots féminins il me semble, cette femme (la poétesse ?) plonge en ses souvenirs et parle à un être aimé... oui, c'est la vie qui s'exprime dans toute sa beauté. Doux week end dame Colo, bises. brigitte

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    1. Hola Brigitte, moi ça ne me gêne pas de ne pas savoir à qui elle s'adresse, une poétesse, oui.
      Un dimanche pluvieux nous attend toi et moi et d'autres au sud. Une joie!

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  14. La vida
    con sus prohibido-el-paso y sus pasen-y-vean
    es hermosa como una novia al alba.
    Que c'est beau !

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    1. Esta parte es más bonita en español, sin duda!

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  15. Bonjour Colo, en lisant ce poème, j'ai l'impression d'entendre la mélodie qui va avec, c'est très beau, moi aussi je pense aux gitans. à tout bientôt. claude

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    1. Bonjour Claude, bien contente que tu lui aies trouvé cette musique. À bientôt, oui!

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  16. C'est un poème triste mais tellement beau. Merci.

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