8 mai 2023

Escale / Escala

La poésie des année `80 dont Luis García Montero fait partie, est appelée “poésie de l’expérience”. On pourrait l’appeler poésie de la vie, poésie qui explore la réalité quotidienne avec sa partie merveilleuse, et l’autre qui l’est moins.

Je vais vous traduire quelques poèmes, en plusieurs billets, de ce recueil "Chambres séparées"; poèmes faciles à comprendre, pas évidents à traduire:-))


Escale à Barajas*   Luis García Montero (Granada 1958)

Personnages étranges,

des vieux avec une valise et beaucoup de dignité,

des jeunes qui ont appris

l’impertinence de la séduction

dans des pays et modes différents,

des cadres provinciaux,

une faune nu-pieds et sans pudeur,

qui dort sur les fauteuils

de l’aéroport.

 

Près des fenêtres

les nuages et la piste d’atterrissage versent

sur la modernité un poison romantique

et chacun attend son départ.

Joies, nostalgies, inquiétudes,

une fatigue du monde.

 

Que je lui prête de l’argent pour un taxi

me demande un homme démuni

qui a perdu son bagage ce matin

au retour de Paris.


C’est ce qu’il me dit. 

 

Moi je le vois partir,

traverser la foule des passagers.

Sur les écrans électroniques

se brassent les destinations,

s’agitent les noms de villes étranges. 

 

Il regarde les nuages et s’éloigne enfin

à la recherche de son île

où la chimie et la mort semblent naturelles

et les hauts palmiers sont en plastique.

(Trad: Colo) 

* Barajas est le nom de l'aéroport de Madrid



 
 

Escala en barajas     Luis García Montero (Granada 1958)


Escala en Barajas
Personajes extraños,
ancianos con maletas y mucha dignidad,
jóvenes que aprendieron
la impertinencia de la seducción
en modas y países diferentes,
ejecutivos de provincias,
fauna descalza y sin pudor,
que duerme en los sillones
del aeropuerto.

Junto a los ventanales
las nubes y la pista de aterrizaje vierten
un veneno romántico en la modernidad
y cada cual espera su salida.
Alegrías, nostalgias, inquietudes,
un cansancio de mundo.

Eso me cuenta

Yo lo veo marcharse,
Cruzar entre viajeros.
En las pantallas electrónicas
se baraja el destino,
aletean los nombres de ciudades extrañas.

Mira las nubes y por fin se aleja
en busca de su isla
donde química y muerte resultan naturales
y las altas palmeras son de plástico.

Habitaciones separadas, 1994 Colección Visor de poesía, p29-30.




21 commentaires:

  1. Cc, oui, au prix où sont les choses ici, je me tourne vers des produits que nous offre la nature. Et je découvre de nouvelles saveurs. Bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu fais bien, on fait tous la même chose je pense. Un beso.

      Supprimer
  2. ah oui, les plantes en plastique, c'est pratique ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Dans le poème, le plastique c'est la mort comme tout ce qui est artificiel !

    RépondreSupprimer
  4. Je crois que mon commentaire n'est pas parti : je disais que le plastique représente la mort dans ce poème comme tout ce qui est artificiel. Ce qui touche, c'est la parfaite observation des choses de la vie, la (fausse) banalité de l'observation du réel mais d'où naît la nostalgie et la poésie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu parles bien du poème, de cette halte dans un aéroport, cet oeil assez bienveillant envers les autres, critique aussi.
      Ta newsletter ne m'arrive plus...j'imagine que j'ai un retard fou sur ton blog. Désolée.

      Supprimer
  5. un texte tel un film... sensible

    peu habituée aux aéroports, ce poème me conduit dans les gares d'autrefois... j'aimais à l'âge jeune y regarder en retrait les choses et les gens, leur imaginer des vies... méditer... deviner chaque voyageur et sa singularité...

    la photo aussi est belle... un instantané de sérénité au mitan de la modernité... entre étonnement et mélancolie dans ce monde drôlement bitumé, plastiqué...

    merci dame Colo (et bravo) pour la traduction* et la découverte de ce chouette poète....

    *je ne connais aucun mot d'espagnol fors le prénom de ma fille : Soledad !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Solilouve, ce poète est très connu ici, et le couple qu'il formait avec Almudena Grandes encore plus.
      Les gares, oui, un autre lieu d'observation, les gens dans less wagons. El señor Garcia Montero, dans le même recueil, a écrit un poème sur les gares aussi. Ces endroits où la vie quotidienne se montre sous toutes ses formes.
      Votre fille s'appelle Soledad, joli, vous lui avez légué votre goût pour la solitude...

      Bien d'accord sur le côté visuel du poème qui a, en espagnol, une belle musique que j'espère avoir rendue (un peu) en français.
      Bonne soirée !

      Supprimer
  6. "Une faune nus-pieds et sans pudeur", c'est drôle j'ai pensé tout de suite à un faune farceur, pourtant ce n'est pas le ton du poème .. c'est particulier les ambiances d'aéroport.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, très particulier, surtout quand il y a des retards, des vols annulés, des grèves. Ce peut être l'enfer;-))
      J'ai aimé cette observation mise en poème.

      Supprimer
  7. "...dans son île, ou la chimie et la mort semblent naturelles…" ça me fait froid dans le dos ! Et pourtant !
    Je n'avais pas pris l'avion depuis longtemps et en revenant de Sienne, il nous a fallu traverser l'aéroport Charles de Gaule, quelle mauvaise surprise ! Une foule incroyable avec des gens qui dormaient à même le sol… Des hôtesses qui faisaient rebrousser chemin à tous les passagers d'un avion pour se retrouver nez à nez avec les suivants…
    Un poème qui fait réfléchir à notre monde !
    A bientôt !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Nous n'avons pas le choix ici quand on veut sortir de l'île, bateau ou avion, je m'en passerais bien, héhé. Tu as donc vécu ce qui se passe trop souvent dans les aéroports,hélas.
      À bientôt Enitram, merci de ta visite

      Supprimer
  8. Je n'ai jamais pris l'avion, mon mari et moi on a toujours voyagé en voiture ou en train ou en bateau. Merci pour la découverte de ce poème contemporain. Bonne fin de journée et bises.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Voyager en train est un vrai plaisir je trouve, surtout quand on est retraité et qu'on peut choisir les heures.
      Luis Garcia Montero décrit bien l'atmosphère, on voit presque les gens..Merci de ta visite, un beso

      Supprimer
  9. Evocation qui nous parle, et surtout à toi qui fais souvent "l'expérience" des aéroports, sur ton île ou ailleurs... Un poème d'observation !

    RépondreSupprimer
  10. Bonjour Tania, tous les arts sont basés sur l'observation je crois, que ce soit de la nature, des humains corps et âmes, des constructions...
    Tu as raison, par la force des choses, la plupart du temps en attendant des visiteurs, j'ai eu maintes fois l'occasion d’observer cette "faune" faussement paisible. L.Garcia Montero décrit cette ambiance avec talent je trouve.

    RépondreSupprimer
  11. Un poème qui dessine bien le quotidien des aéroports

    RépondreSupprimer
  12. L'atmosphère des aéroports est très bien rendue. Quelle justesse ! J'espère qu'avec notre planète qui chauffe, ils seront de moins en moins fréquentés. Besos !

    RépondreSupprimer
  13. C'est vraiment intéressant cet auteur. Encore et encore

    RépondreSupprimer