El
País, 30 julio 2017
"Peut-être,
dans des années, des enfants qui jouent maintenant dans le jardin de
la maison près de la mer, garderont en mémoire cet été 2017, ces
vacances, comme celles où des hirondelles avaient fait leur nid dans
une poutre de la terrasse.
Elles
arrivèrent en avril, la femelle choisit un mâle à son goût pour
s’accoupler et ensemble ils commencèrent à coller avec leurs becs
de petites mottes de boue; et une fois l’œuvre terminée, elle
pondit cinq œufs blancs avec de petites taches noires et les deux
les couvèrent à tour de rôle. C’était leur seconde couvée.
Il
fallut mettre quelques fauteuils de côté et poser un journal ouvert
par terre.
Que
se passait-il dans le monde entre-temps? De petits excréments
d’hirondelles tombaient sur une page où on pouvait lire:
bombardement à Alep, un suicide cause une autre boucherie en Irak.
Au bout de trois semaines apparurent au bord du nid cinq oisillons,
la bouche toujours ouverte, et que les parents essayaient de
rassasier faisant au moins 300 voyages par jour, amenant des insectes
qu’ils chassaient en vol. Un des oisillons, le plus faible, lors
d’une lutte féroce pour la nourriture, fut expulsé du nid par ses
frères.
Il
apparut mort un matin sur le titre du journal qui annonçait le
naufrage d’une autre barque et d’une centaine de migrants noyés
dans la mer d’Alboran.
Les
enfants l’enterrèrent avec des larmes, sous le citronnier, mais la
lutte fratricide pour la vie continuait. Quelques jours plus tard un
autre oisillon tomba du nid et mourut sur la nouvelle d’une tuerie
en Afghanistan. Et dans le jardin il y eut un autre enterrement.
Les
trois frères plus costauds grandirent, un jour ils abandonnèrent le
foyer, les parents continuèrent à les alimenter, posés sur un fil;
ils leur apprirent à voler, à chasser et quand ils eurent appris la
leçon, ils disparurent.
Dans
des années de ces vacances les enfants ne se rappelleront que de cet
événement; ce sera cet été 2017 où ils enterrèrent deux
oisillons d’hirondelles sous un citronnier."
(Trad:
Colo)
"Tal
vez dentro de muchos años para unos niños que ahora juegan en el
jardín de la casa junto al mar este verano de 2017 será recordado
como el de aquellas vacaciones en que unas golondrinas habían hecho
su nido en una viga de la terraza. Llegaron en abril, la hembra
eligió un macho de su gusto para aparearse y juntos comenzaron a
pegar con el pico pequeñas cargas de barro y terminada la obra, ella
puso cinco huevos blancos con motas negras y los dos por turno los
incubaron. Esta era su segunda nidada. Hubo que apartar algunos
sillones y poner un periódico abierto en el suelo. ¿Qué pasaba en
el mundo mientras tanto? Pequeños excrementos de golondrina caían
sobre una página en la que se podía leer: bombardeo en Alepo, un
suicida causa otra carnicería en Irak. A las tres semanas asomaron
por el filo del nido cinco polluelos con la boca siempre abierta que
los padres trataban de saciar con al menos 300 viajes al día
trayendo insectos que cazaban en el aire. A uno de los polluelos, al
más débil, en la pelea feroz por la comida lo expulsaron del nido
sus hermanos. Una mañana apareció muerto sobre el titular del
periódico que daba el naufragio de otra patera con un centenar de
inmigrantes ahogados en el mar de Alborán. Los niños lo enterraron
con lágrimas bajo el limonero, pero la lucha fratricida por la vida
continuaba. Días después otro polluelo cayó del nido y expiró
sobre la noticia de una matanza en Afganistán y en el jardín hubo
otro entierro. Los tres hermanos más fuertes crecieron, un día
abandonaron el hogar, los padres los siguieron alimentando posados en
un hilo; los enseñaron a volar, a cazar y cuando aprendieron la
lección, desaparecieron. Dentro de muchos años de estas vacaciones
los niños no recordarán otro acontecimiento; será aquel verano de
2017 en que enterraron dos polluelos de golondrina bajo el limonero."
Manuel Vicent
El País, 30 julio 2017
C'est si merveilleux à observer, l'école de la nature, et les hirondelles en particulier.
RépondreSupprimerBelle journée, Colo, en cet été de fortes chaleurs sur ton île. Un baiser.
Tout à fait. Tous les matins, très tôt, je me balade dans le village où il est rare de voir une soupente sans nid, un fil sans hirondelles...ce texte m'a "appelée" bien sûr.
SupprimerBonne journée aussi belle dame, je t'embrasse (et merci)
j'aime ce rapprochement avec l'actualité...
RépondreSupprimerl'une d'entre elles reviendra bien l'an prochain, espérons :-)
L’actualité si différente pour chacun. Les enfants ont les larmes de leur âge.
SupprimerAh mais bien sûr qu'elles reviendront les hirondelles, les nids restent là, à leur disposition!
Bonne journée Adrienne
Pendant des années il y a eu un nid d'hirondelles dans la maison de ma mère ; c'était un bonheur de les voir revenir, couver, suivre toutes les étapes décrites et finir par s'envoler.
RépondreSupprimerLeur retour est toujours un moment spécial, oui.
SupprimerUne fidélité aux lieux, et qui sait, aux habitants aussi...
Les hirondelles sont si proches des enfants qui lèvent la tête...
RépondreSupprimerCela me fait penser à un passage de 'Jeux interdits' et les petites croix...
Bonne soirée ! Bises
Bonjour Enitram, je n'ai aucun souvenir de ce passage, j'y ferai attention, merci.
SupprimerBonne fin de semaine.
Je pense que ce beau texte est traduit de l'espagnol vers le français, mais c'est une belle traduction en tout cas. L'histoire est émouvante, en faisant la relation entre la mort des petits oisillons et les terribles guerres menées en Irak, en Afghanistan, avec en sus , des migrants qui font naufrage. Mais pour les enfants, l’événement le plus marquant, ce sont ces malheureux oisillons morts en 2017. Oui pour un enfant, même la mort d'un oiseau, c'est triste.Belle soirée Colo
RépondreSupprimerMerci Brizak, c'est en effet une traduction, comme tout ce qui est publié sur ce blog.
SupprimerLa façon dont on voit le monde est souvent liée à l'âge et, oui le monde des enfants est affecté par un oiseau mort plus que par les guerres, et c'est bien comme ça.
Bonne fin de semaine, merci de ta visite.
J'adore ce double tempo, ce qui compte ici, ce qui compte là, ce qui est la vie ici, ce qui est la vie et la mort là, et tout compte et est important mais dans une vie à la fois... L'été des hirondelles, oui...
RépondreSupprimerManuel Vicent est romancier, et chroniqueur et journaliste et...ses textes sont toujours extrêmement bien construits, fins, mordants souvent.
SupprimerCette chronique estivale, faussement légère, m'a également beaucoup plu.
Bonne fin de semaine Edmée.
C'est une histoire émouvante avec en parallèle les articles du journal. C'est original mais nous sommes tristes de la mort de 2 oisillons. Merci beaucoup pour la découverte. Bon après midi et bon mois d'août.
RépondreSupprimerBonjour Elisabeth, on s'émeut plus facilement de ce qui nous est proche, et pour nous ce sont des barques de migrants arrivées sur une des îles Baléares, récemment.
SupprimerBon mois d'août à toi aussi.
Bonjour chère Colo, une histoire émouvante dont les enfants se souviendront. Lors de vacances en Camargue, je me souviens avoir vu sous un toit une grande quantité de nids avec des oisillons. C'était trop joli.
RépondreSupprimerBel après-midi et mes bisous ♥
Bonjour Denise, c'est passionnant mais aussi, je trouve, angoissant ces becs ouverts à réclamer sans cesse, haut et fort, de la nourriture!
SupprimerPour nous, relax, le spectacle est joli!
Merci pour ce souvenir.
Oh, nous nous rappelons bien de l'enterrement d'un papillon au pied d'un arbre rouennais. Nous étions, alors,enfants : cousin et cousines...
RépondreSupprimerChaque année, ma soeur me signale par sms l'arrivée des hirondelles éclaireuses. Et depuis des années, nous sommes heureuses de cette belle nouvelle. <3
Souvenirs....les éclaireuses qui annoncent, hum, le printemps???
Supprimerbesos Lou.
Dualité de la nature: naissance et mort. Dualité ; amour et guerre. Dualité: partage et égoïsme. Ton texte est une magnifique leçon pour celui qui sait le lire au second degré
RépondreSupprimerIl y a tout ça, oui Chinou. Les écrits de Manuel Vicent sont toujours à lire dans une perspective très large.
SupprimerBonne fin de semaine.
whoaw ! c'est puissant. quel article ! quelle mise en perspective ! merci pour ceci. tu es une pourvoyeuse de pépites.
RépondreSupprimerOn aimerait l'avoir écrit...Merci à toi de tant apprécier.
Supprimertoujours aussi beau l'espingouin!
RépondreSupprimerPar chance il y a des choses qui ne changent pas, ou peu!
SupprimerJ'ai agrandi ton image, je la trouve fabuleuse avec ses cinq becs grands ouverts qui traduisent une faim "géante". Une image que j'aurais bien aimé faire :-)
RépondreSupprimerLe texte traduit s'élargit aux dimensions du monde, de la vie et de la mort...Les enfants se souviendront et nous sommes là, la boule au ventre quant à toutes ces morts qui défilent sur l'écran de nos télés
Merci Colo pour le texte et pour cette belle photo.
Comme je l’écrivais plus haut, cette faim géante et bruyante fiche un peu la trouille, du moins à moi. Si insatiables...
SupprimerLa photo, je l'ai trouvée sur la Toile, sans aucune référence, mais c'était exactement ce que je cherchais.
Merci à toi Fifi.
En rapportant cette histoire de vie et de mort des hirondelles, tu comprendras pourquoi (je te l'ai peut-être déjà dit) mon grand-père maternel octogénaire sortait toujours la grande échelle au printemps pour aller tout là-haut, au faîte de l'étable à vaches saluer un nouveau nid d'hirondelles.
RépondreSupprimerLes hirondelles sont un signe de "bonne santé" du lieu car souvent par-ici elles ont disparu avec la pollution, les pesticides...
Il y a quelques années que je n'en vois plus.
Je trouve cet article remarquable avec ses parallèles établis et tous ces conflits mondiaux banalisés. Ici, ils reviennent à la réalité. La lutte pour la vie n'a pas le même prix partout.
La photo, c'est toujours ce que l'on retient des oisillons: des becs affamés impressionnants!
Je t'embrasse, Colo.
Cette année encore, je ne verrai pas les hirondelles sur les fils, se préparant, à la fin de l'été au grand départ.
Merci pour ce long commentaire, si juste Maïté.
SupprimerPas mal de gens me disent qu'il n'y a plus d'hirondelles (ni de moineaux), les pesticides et autres crases, bien sûr. Dans mon coin on cultive peu,....
J'aime beaucoup l'histoire de ton grand-père qui, au risque de sa vie, allait surveiller les nids.
Besos
C'est bien , les enfants aiment à se souvenir des jolies choses, vive les hirondelles de l'été 2017 !!!
RépondreSupprimerVive!ou Viva comme on dit ici!
SupprimerC'est une belle histoire que se devait d'écrire qu'un écrivain... journaliste. C'est bien de l'avoir reprise ici, je la retiens.
RépondreSupprimerDans les étables d'Ardenne, il y a beaucoup de ces nids d'hirondelles.
Contente de vous retrouver Christian, il semble qu'elles ont disparu de certains endroits mais sont multitude en d'autres...
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