24 avr. 2015

L'enfance d'Edmée



Extraits de “Une enfance vierviétoise” (clic) Edmée de Xhavée
Extractos de una novela de Edmée de Xhavée (no traducida al español), escritora belga, donde habla de su infancia en la ciudad belga de Verviers.




C'est le chapitre “La magie du cinéma” que j'ai choisi, peut-être parce que chez moi cet art visuel était exclu (ni cinéma, ni TV), mais surtout pour les nombreux sourires que cette écriture si vivante a provoqués.
 

  "Le mercredi après-midi, ma mère nous emmenait au cinéma. 
C'était le summum dans l'échelle des plaisirs du côté de sa famille.
(…) ..elle avait sa collection d'autographes et parfois nous pouvions la regarder ensemble, religieusement. J'aimais particulièrement les photos de Jean Marais, oh combien enjolivées d'une longue et élégante dédicace personnelle où il l'appelait par son prénom et lui demandait des nouvelles de son chien! De là à le considérer comme un oncle lointain, il n'y avait qu'un pas!

(…)

  El miércoles por la tarde, mi madre nos llevaba al cine.
Era el súmmum en la escala de los placeres en su familia.
(…) ...ella tenía una serie de autógrafos y a veces podíamos mirarla juntos, religiosamente. Me gustaban en particular las fotos de Jean Marais, tan embellecidas por una larga y elegante dedicatoria personal donde le llamaba por su nombre y le preguntaba por su perro! De ahí a considerarle como un tío lejano, sólo había un paso!

  Ma mère était disciplinée et implacable pour certaines choses, comme l'heure des repas, le fait qu'on n'ouvrait pas la porte ni ne répondait au téléphone pendant cette heure inviolable, etc...Mais elle s'abandonnait volontiers à une tranquille anarchie pour d'autres aspects de la vie. C'est ainsi que le départ pour le cinéma était un moment flottant dans le temps. L'horaire exact de ce départ était...quand elle était prête. (…)

  Mi madre era disciplinada e implacable para ciertas cosas, como la hora de las comidas, la interdicción de abrir la puerta o contestar al teléfono durante esa hora inviolable, etc...Pero se abandonaba fácilmente a una anarquía tranquila en otros aspectos de su vida. Así la hora de salida para ir al cine era un momento flotante en el tiempo. El horario exacto de esa salida era...cuando ella estaba lista. (…)


Verviers, rue du Collège



(Note de Colo / Nota: “L' anarchie horaire” de sa mère faisait qu'ils arrivaient souvent au milieu, ou aux trois quarts du film. Ils regardaient donc les annonces, les nouvelles, bref y restaient jusqu'à ce qu'ils aient vu le film en entier, avec des pauses, des entractes / La “anarquía horaria” de su madre tenía como consecuencia que a menudo llegaban en medio, o a tres cuartos de la película: Miraban pues los anuncios, las noticias, y se quedaban hasta haber visto las peli entera, con pausas, entreactos)





  Enfin le grand film commençait. Jamais nous n'avons été déçus. Ma mère, qui avait aimé le cinéma bien avant nous, nous avait exercé l’œil aux trucages. Nous étions fiers de reconnaître les découpages, décors, mannequins, faux indiens (“Des Américains avec des fausses dents”, expliquait-elle). Nous savions que Tarzan ne se battait pas avec un vrai lion, mais plutôt avec “une peau de lion descente de lit”. Que Samson retenait un mur de carton-pâte. Que Doris Day faisait semblant de conduire – et c'était tant mieux car elle n'arrêtait pas de parler et ne regardait pas la route bien qu'elle tourne son volant de gauche à droite avec un rythme de métronome. (…)



  Al fin la gran película empezaba. Nunca estuvimos decepcionados. Mi madre, a la que le había gustado el cine mucho antes que a nosotros, nos había acostumbrado a ver los trucajes. Estábamos orgullosos de reconocer el guión técnico, el decorado, los maniquíes, los falsos indios (“Unos Americanos con dientes postizos” explicaba ella). Sabíamos que Tarzán no luchaba en duelo con un león de verdad, sino con “una piel de león alfombra”. Que Sansón aguantaba una pared de cartón piedra. Que Doris Day mimaba conducir – y era mejor así ya que no paraba de hablar y no miraba la carretera aunque daba volantazos a diestra y siniestra con el ritmo de un metrónomo. (...)


  La fin du grand film nous amenait ainsi à un nouvel entracte, plus court – occasion d'analyser le film et de comparer nos subtilités quant à la meilleure interprétation – et le début de complément de choix, avec le mourant de la fin en pleine santé. Le coupable encore nimbé d'innocence, la future jeune épousée en train de jouer à la marelle. Qu'importait. Nous étions contents de savoir, déjà, à quoi nous en tenir à leur sujet! Et nous espérions que ma mère ne se souviendrait plus exactement du moment auquel nous étions entrés. Mais c'était peine perdue et sa rigueur incorruptible nous rappelait à la réalité: elle remettait ses lunettes dans leur étui qui faisait un petit clac oh combien fatal, chuchotait: “C'est ici qu'on était”, et nous nous en allions.

  El final de la gran película nos llevaba a un nuevo entreacto, más corto – ocasión de analizar la película y de comparar nuestras sutilezas en cuanto a la mejor interpretación – y el principio del complemento de excepción, con el moribundo del final en plena salud. El culpable todavía aureolado de inocencia, la futura joven novia jugando a rayuela. No importaba. Estábamos contentos de saber, ya, lo qué había que pensar de ellos! Y esperábamos que mi madre no se acordara exactamente del momento en el cual habíamos entrado. Pero era en vano y su rigor incorruptible nos devolvía a la realidad: colocaba sus gafas en el estuche, lo cerraba con un pequeño clac fatal, y susurraba: “Es aquí donde empezamos”, y nos marchábamos."


Son blog: https://edmeedexhavee.wordpress.com/

Merci Edmée!

43 commentaires:

  1. Merci à toi... très amusant de voir une traduction de mon texte... Un honneur! :)

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    1. Oui, j'imagine que c'est à la fois étrange et intéressant...si pas rigolo par moments!

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  2. très drôle :-) et je reconnais bien les réflexions à propos de Doris Day au volant ;-)
    si vous voulez, Mesdames, je traduis en néerlandais sur mon blog!

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    1. Il y a des passages émouvants, des souvenirs amusants, un peu de tout dans ce roman, et toujours sur ce ton bien à elle, cette écriture qui semble facile...mais qui est oh si difficile à traduire (j'ai mis plus d'une semaine pour ces quelques paragraphes). Tu t'y lances?

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    2. alors si je peux, je le fais pour demain matin, V comme Verviers, ça tombe à pic :-)

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    3. VVVoyons cela, bon travail alors, je te lirai avec plaisir!

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    4. Mince alors! in het nederlands ook! Magnifique, nous allons ouvrir une agence de traductions!

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    5. Héhé, on y a déjà pensé Dame Adrienne et moi lors de certains poèmes...à la retraite peut-être, genre "Poèmes et textes choisis"!!!

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  3. "mais surtout pour les nombreux sourires que cette écriture si vivante a provoqués", j'aime ta remarque !
    Quand un livre nous fait sourire, rire ou parfois pleurer, c'est qu'il a rempli sa mission, nous rejoindre dans notre humanité unique et solitaire, nous laissant un peu moins seul et un peu plus heureux.
    Bisous pour une bonne nuit, Colo !!!

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    1. C'est exactement ça, un livre plein d'émotions qui, oui, rendent heureux.
      Bon week-end Fifi, un beso.

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  4. Bravo c'est un très joli texte que tu as traduit là pour tes amis espagnols...

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    1. C'est un beau roman, des narrations-souvenirs très vivantes. Même s'il est rattaché à sa ville natale, pas besoin de la connaître pour y trouver une saveur unique.
      Alors, oui, pourquoi en priver mes gens d'ici?
      Merci de ta visite Kwarkito.

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  5. C'est surtout toute une époque et une manière de vivre qui ressort, comme une petite madeleine . C'est noté. Bon week-end Colo.

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    1. Tu as raison, des tas de souvenirs reviennent en mémoire au long de ce délicieux roman.
      Excellent week-end à toi aussi Aifelle.

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  6. Bonjour Colo, cette dame a une bien belle plume. Sinon, les sorties cinéma, c'était le dimanche avec ma mère, la dernière bouchée avalée pour aller à la première séance de l'après-midi (on ne faisait jamais la queue) et après, on allait prendre un goûter. J'en ai la nostalgie car à l'époque, j'étais insouciante. C'est ma maman qui m'a donné le virus du cinéma. Bon dimanche.

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    1. Bonjour Dasola, que de jolis souvenirs, merci de les raconter. Comme dit Aifelle plus haut, "c'est toute une époque...qui ressort, comme une petite madeleine".
      Bon dimanche à toi aussi, bien gris le ciel ce matin ici.

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  7. Je me régale!!!! Merci...et pour son site et pour la découverte de ce livre qu'il faut maintenant que je trouve pour le lire en entier...j'ai hâte!
    Belle belle journée à toi!

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  8. Merci Colo pour ce billet très plaisant.
    Tarzan m'a fait repenser aussi aux westerns, allez savoir pourquoi...

    Et
    bravo à Edmée !

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    1. L'endroit et l'envers du décor cher K?

      Bon dimanche à toi.

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  9. Bonjour Colo, je me suis régalée de ces extraits et bien entendu cela a ravivé mes souvenirs où mon père m'emmenait le dimanche après-midi au cinéma. Il existait en ville un cinéma "Le Cinébref". On y voyait l'actualité et de courts métrages. L'entrée n'était pas chère et on pouvait rester aussi longtemps que l'on voulait. La séance tournait en boucle. Ensuite, de l'autre côté de la rue, on allait boire un bon chocolat.
    Merci pour ton billet, ce livre donne envie de le lire.
    Je te souhaite un bon dimanche après-midi.
    Bisous

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    1. J'espère que tu trouveras ce livre, sinon tu peux toujours suivre ses récits tout aussi vivants sur son blog où elle publie chaque semaine un beau billet de... souvenirs, en général.
      Merci de nous raconter ta jeunesse - cinéma!
      Bonne semaine Denise, un beso

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  10. J'ai adoré le livre d'Edmée, je l'ai lu d'une traite, je suis de la même génération et c'était amusant de retrouver ces images du passé enfouies dans ma mémoire et qui reprenait vie au fil des pages ...

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    1. J’imagine bien Marcelle tous les souvenirs que la lecture de son livre te rappellent! Moi j'en ai trouvé dans le chapitre sur "ses" écoles!

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  11. Je lis son blog régulièrement. J'espère que son livre aura le succès qu'il mérite.
    Bonne journée !

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    1. Bonjour Bonheur, il a été édité en 2013, j'espère aussi qu'il a eu et aura beaucoup de lecteurs.
      Excellente semaine.

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  12. j'adore cette histoire, elle me ramène au doux temps de ma jeunesse, moi c'était en pension que j'allais une fois par semaine au ciné, pension de bonnes soeurs, films bien pensant !! Josélité, Sissi et Don Camillo !!

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    1. Le roman est truffé d'histoires, qui nous ramènent...oui!
      Héhé, Don Camilo, qui s'arrangeait si bien avec son Dieu.

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  13. J'ai l'impression de faire un "flash back" fort agréable. A la lecture de tes lignes, les souvenirs et les émotions m'envahissent. Bonne apr'èm

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    1. Un court roman qui se lit d'une traite, vous avez raison, plein d'émotions et qui ressemble tant à Adrienne, au ton de son blog.
      Bonne semaine Chinou!

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  14. Ah le plaisir de lire ces extraits, d'y retrouver le peps d'Edmée - elle a de qui tenir !
    (Tiens, le code de la route maintenant, on n'arrête pas d'inventer...)

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    1. Haha, un code spécial pour Doris Day????
      Une lecture délicieuse, qui lui ressemble tant.
      Bonne journée Tania.

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  15. J'aime beaucoup la façon d'écrire de Edmée de Xhavée. C'est une belle langue, charmante et un peu malicieuse. Beaucoup de nostalgie aussi. Je me souviens moi aussi de ces séances de cinéma d'époque avec entracte et petit spectacle (un artiste venait faire un tour de magie, un numéro de ventriloque…). À la lecture des passages que tu as choisi, j'ai retrouvé une époque et des souvenirs un peu enfouis… L'art de l'écriture est bien là aussi… Si Edmée de Xhavée me lit ici, je la félicite. Merci Colo pour ce partage.

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    1. Une belle plume espiègle, c'est exactement ça. La lire est un vrai plaisir.
      J'imagine qu'elle vient de temps en temps lire les commentaires Obni.

      Tu avais droit à un petit spectacle "live"! Je n'avais jamais entendu ça, ce devait être magique dis donc.
      Bonne semaine , un beso Obni.

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    2. Oui c'était magique pour un jeune enfant… Les yeux écarquillés de voir les paillettes, la magie et l'atmosphère bon enfant de cette époque (dans cette salle de cinéma de quartier marseillais )

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    3. Merci Obni pour ces compliments... Ils font toujours plaisir, et sont un encouragement :)

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  16. Quand je lis " Verviers" j'ai un pincement au cœur en pensant à mon ami trop tôt disparu. Il était de là-bas, tout près, j'ai vérifié.
    Heureusement il y a cette belle écriture...
    Bisous, Colo.

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    1. Oh, un triste souvenir pour toi, désolée Maïté.
      Je t'embrasse

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    2. Désolée... Verviers n'est pas que blanche ou noire, et chaque ville contient ses secrets et surprises...

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  17. Ah mis oui j'ai connu ce cinéma là, avec un film complément parfois aussi bon que le «grand» film. Et j'ai un peu connu les films de doris Day et jean marais. Tout un temps qui remonte, les péplums, les Don Camillo, les westerns... Un cinéma «simple» qui respirait le bon enfant.
    Heusy je ne sais pas, mais Verviers n'est pas une ville qui me plaît beaucoup, triste je trouve, mais je me demande comment je verrais Liège si je n'avais pas le nez dessus...

    Merci pour ce billet aux accents bien de chez nous, joliment mis à l'espagnole, une fois n'est pas coutume.

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    1. Que de changements technologiques survenus en, disons, 60 ans...

      Pour moi le "gâteau de Verviers" fait remonter des tas de souvenirs d'été passés près de Spa chez ma grand-mère.
      Tout le talent d'Edmée, celui d'évoquer des souvenirs...
      Bonne journée à vous.

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    2. Suite du dossier, cinq mois plus tard, voici le commentaire que je poste sur Marque-pages à propos de "L'effet de faits" de Luc Sante :

      Je veux encore ajouter que j'ai toujours eu un a priori négatif sur la ville de Verviers, que je trouvais triste et peu engageante pour toutes sortes de raison. J'avais d'ailleurs, je crois, fais la fine bouche lorsque vous aviez mentionné le livre d'une auteure verviétoise, Edmée de Xhavée, sur votre blog.
      Ce livre-ci (L Sante) a changé mon point de vue. Ce n'est pas mince, quand même !

      Le moment peut-être de revenir à cette enfance verviétoise ;))

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    3. Voilà qui fera bien plaisir à Edmée, je lui envoie ce jour un lien vers votre billet!
      Merci d'être revenu.

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