J’ignore à quel moment de sa vie J.R Wilcock, homme culte s’il en était, écrivit ce poème, ou plutôt ces réflexions. Mais, pour une raison ou une autre, il devait être en pétard contre les idée reçues. Bienvenu donc !
HORS DES LIMBES PAS D’ÉLYSÉE*
Juan Rodolfo Wilcock
La société t’enseigne: ceci est beau,
est bon, est vrai, et tu ne dois pas faire cela.
À chaque homme elle offre, déjà bien établies, l’éthique,
la métaphysique, la logique et l’esthétique.
Mais, de temps en temps, apparaît un voyant
qui explique aux autres que rien n’est vrai.
Ensuite il disparaît et la société s’emploie
à déformer le sens de son œuvre.
Il est vraiment curieux, alors qu’elle est nous-mêmes,
qu’elle s’obstine tant à nous rendre idiots.
Quelle communauté du monde animal
enseigne aux siens l’art de se faire du tort?
Mais les animaux ne possèdent pas, c’est vrai,
la faculté d’exprimer la pensée.
L’homme, par contre, est un être extraordinaire,
il ne peut se réjouir que s'il jouit du vocabulaire..
Prenons, par exemple, le mot heureux:
s’il n’existait pas, qui serait malheureux?
Il en va de même avec le mot honneur,
avec l’histoire, avec Dieu et avec l’amour.
Essayez de renoncer aux concepts abstraits
et de vivre en ne prêtant attention qu’aux faits.
On vous expulsera immédiatement de la société
et vous retournerez aux limbes des premiers âges.
(Trad:Colo)
* L'Élysée ou les champs Élysées, dans la mythologie grecque, font partie des Enfers.
(Note: Peinant à trouver une illustration pour ce billet, j'ai tapé Eliseo, et voilà qu'est apparu un peintre catalan intéressant, Eliseo Meifrén Roig)
Mallorca, noche de luna, Eliseo Meifren Roig
FUERA DEL LIMBO NO HAY ELISEO
Juan Rodolfo Wilcock
La
sociedad te enseña: esto es bello,
es bueno, es verdadero, y no
debes hacer aquello.
A cada
hombre le ofrece, ya establecidas, la ética,
la metafísica, la
lógica y la estética.
Mas, de
vez en cuando, surge un vidente
que explica a los demás que
nada es verdadero.
Luego
desaparece y la sociedad se dedica
a tergiversar el sentido de
su obra.
Es en
verdad curioso que siendo ella nosotros mismos
tanto se empeñe
en volvernos tontos.
¿Qué
comunidad del mundo animal
enseña a los suyos el arte de
hacerse daño?
Pero
los animales no poseen, es cierto,
la facultad de expresar el
pensamiento.
El
hombre, en cambio, es un ser extraordinario,
sólo goza si goza
el vocabulario.
Tomemos,
por ejemplo, la palabra feliz:
si no existiera, ¿quién sería
infeliz?
Lo
mismo ocurre con la palabra honor,
con la historia, con Dios y
con el amor.
Tratad
de renunciar a los conceptos abstractos
y de vivir atendiendo
solamente a los hechos.
Os
expulsarán de inmediato de la sociedad
y
regresaréis al limbo de la primera edad.
Ha ha, tu as dû bien t'amuser en traduisant ce poème impertinent qui ne manque pas de pertinence.
RépondreSupprimerDans son Dictionnaire des idées reçues, Flaubert écrit : "POETE - synonyme de rêveur et nigaud".
Pas mal, ce bleu lunaire. Bonne journée, Colo.
Tu l'as dit ! J'ai même évité, grâce à une amie, un contresens dû à de faux amis: tergiversar n'a pas le même sens qu'en français.
SupprimerRêveur et nigaud, voyez-vous ça, on peut rire aussi.
Bonne journée Tania.
jouir du vocabulaire voilà bien une proposition pour me plaire
RépondreSupprimerLe mot jouir est souvent délicat en français, mais là il est parfait, yes.
SupprimerJe me rends compte, de pus en plus, qu'à force de vivre en espagnol, je "perds" du vocabulaire en français...lire, encore et encore.
Je ne sais pas si wilcock a continué à écrire des poèmes et des textes en espagnol après être arrivé en italie. Celui-ci est très amusant en même temps que pertinent. Merci, un wilcock ça fait toujours plaisir
RépondreSupprimerJe l'ignore aussi, ce que je sais c'est qu'il s'est installé définitivement en Italie en 1957 et qu'il a réécrit pas mal de ses propres textes et poèmes en italien. Merci à toi.
SupprimerJ'aimerais les entendre en italien.
RépondreSupprimerDésolée Caro, je n'ai rien trouvé en italien récité sur YT ...Mais ce poème-ci a été écrit en espagnol.
SupprimerBonne journée.
Je vois l'idée mais honnêtement j'ai du mal à rentrer dans le propos, si vaste et si vague à la fois, ...
RépondreSupprimerBonjour K, le vague, l'imprécis, comme la vie elle-même selon lui.
Supprimer"...las historias de Wilcock son confusas como confusa es la vida que sólo un Demiurgo impreciso, inconstante, indescriptible, parece conocer. Descifrar."
En traduction cela donne: " les histoires de Wilcock sont confuses comme confuse est la vie que seul un Démiurge imprécis, inconstant, indescriptible, semble connaître. Déchiffrer."
Je pense qu'ici on peut le prendre aussi avec humour...vague:-))
Voilà un poème au coeur de la réalité qui nous ouvre, si besoin était, les yeux sur notre façon d'agir , de réfléchir, d'aborder la vie selon une certaine terminologie
RépondreSupprimerEt voilà une intéressante façon de le lire Chinou !
SupprimerUn texte touffu qui semble nous indiquer essentiellement les faillites et les limites du langage.
RépondreSupprimerJe vais en retenir :
"de temps en temps, apparaît un voyant
qui explique aux autres que rien n’est vrai.
Ensuite il disparaît et la société s’emploie
à déformer le sens de son œuvre."
Que de belles idées généreuses au départ finissent par des guerres, à commencer par les religions.
Si le langage est ce qui constitue l'humain, l'humain malheureusement va aussi s'en servir comme instrument de pouvoir et de destruction, alors que le règne animal semble doté d'une "intelligence" instinctive et beaucoup moins nocive.
Sans la convention des mots pour signifier les choses, serions nous moins méchants ? :-)
Bonne après-midi, Colo ! Merci !
Plein de questions, c'est vrai Fifi.
SupprimerMoi je me suis demandé si le mot-concept peur n'existait pas et que ne nous tenions compte que des faits, comme dit el señor Wilcock, nous serions sans appréhension pour de possibles choses futures. S'angoisser pour quelque chose qui pourrait arriver serait inutile...et ce l'est certainement.
Méchant, pour aller dans ton sens, serait uniquement le loup-garou?
Bonne soirée Fifi et grand merci à toi.
Un poème-réflexion, qu'il a su transcrire. Chose que je ne sais pas faire.... merci beaucoup, on peut disserter sur ce texte. Bonne fin de journée. Bises.
RépondreSupprimerÀ chacun son talent Élisabeth, de là l'intérêt de la diversité !
SupprimerMerci de ta visite, bonne journée.
tu offres toujours de beaux poèmes, colo - celui-ci est fait réfléchir sur le devenir de l'homme
RépondreSupprimerEn effet et sur l'éducation au "beau", et sur qui dicte toutes ces règles...
SupprimerBonne journée Niki.
Un ami sage me disait il y a peu, "ce n'est pas le fait lui même qui fait mal, c'est l'interprétation que l'on en fait". Ce texte a de nombreuses entrées..."quelle communauté animale enseigne aux siens l'art de faire du tort"," ..de temps en temps apparait un voyant"...
RépondreSupprimerIl y a matière à discussions avec ce texte...mais alors on va interpréter des mots, des concepts !
Merci pour ce texte pirouette Colo ! Je t'embrasse .
Bonjour Claudie, ton ami est dans le vrai, bien sûr.
SupprimerIl y a aussi matière à réflexions, n’interprétons rien sur le champ,!!
Un peu d'humour aussi, très bonne journée, un beso
J'aime beaucoup ! Plein de bon sens. Je ne connaissais pas du tout... Un rappel à ne pas constamment couper les cheveux en quatre. Merci et bonne journée !
RépondreSupprimerÇa me fait plaisir Marie, bonne soirée.
SupprimerOh, Colo, quel élan dans ces mots !
RépondreSupprimerCe poème impertinent est d'une joyeuse profondeur.
En plus d'être beau.
Wilcock est un cadeau. Merci, merci mille fois.
Bonne soirée,
Geontran.
Merci pour votre enthousiasme Geontran! Passez une bonne journée.
SupprimerC’est pour moi une découverte ! Je me suis fait prêter les jours heureux, que je lis avec la joie féroce de celui qui a encore tant à découvrir d’un auteur. Mon espagnol est poussiéreux, mais je trouve là une belle occasion de le rafraîchir.
SupprimerBonne journée !
Comme vous le dites, Wilcock, peu connu je crois en France, est un cadeau...Vous le lisez en espagnol ou en traduction?
SupprimerBon week-end, il fait si doux ici...
Bonjour,
SupprimerL’édition est bilingue : je récite en espagnol pour la musique, et je lis en français, notamment lorsque je ne suis pas sûr du sens. Il y a beaucoup de subtilité, de nuances, de dérision dans sa plume. Quel plaisir de lecture !
Ici, doux et venteux ; les feuilles font la fête dans les airs.
Bon dimanche,
Geontran.
Fête des mots et dans l'air, feuilles de papier et d'arbres.
SupprimerBon lundi Geontran.
Bien dit et bien trouvé (l'oeuvre)
RépondreSupprimerBravo d'avoir traduit ce poème, dans le contexte actuel il prend une autre dimension. Merci Colo,doux après-midi à toi. brigitte
RépondreSupprimerCe poême ouvre à la réflexion. Bisous
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