20 sept. 2018

Temps d'île / Tiempo de isla


Cadeau, superbe cadeau d’une amie ce court et recueil de Pedro Salinas “La mer lumière”. Version bilingue, magnifique traduction.
Bien qu’elle ne vive pas comme moi sur une île, nous partageons la même mer, la même lumière, le même sable...merci!



Temps d’île
Pedro Salinas
1
Qui m’appelle de la voix
d’un oiseau qui crie?


Quel amour m’aime, quel amour
m’invente des caresses,


caché entre deux airs,
simulant la brise?


Le palmier, qui l’a mis
- celui qui me rafraîchit


avec des souffles d’ombres et de soleil -
là où moi je le souhaitais?


Le sable, qui l’a lissé,
si lisse, si lisse,


pour qu’en traits infiniment légers
la main m’écrive,


sur une amante que je n’ai jamais vue,
sur une amante cachée,


parmi la pudeur de l’écume,
messages d’ondines?


Pourquoi me donne-t-on tant de bleu
sans que je le demande,


le ciel qui l’invente,
la mer, qui l’imite?


Quel est le Dieu qui au huitième jour
m’a tracé cette île,


commerce de beautés,
bourse sans cupidité?


Ici, terre, ciel et mer,
vendant


écume. sable, soleil, nuage,
trafiquent allègrement;


sans fraude ils s’enrichissent,
- des gains très purs -,


pour des aurores ils donnent des astres,
ils échangent des merveilles.


Le temps des îles: on le compte
avec des chiffres magiques;


l’heure n’a plus de minutes:
soixante délices;


avril passe tel trente soleils,
et un jour est un jour.


Qui en emportant les angoisses,
a donné forme au bonheur?



Recueil: La mer lumière, Pedro Salinas. PUF Blaise Pascal.
Traduction Bernadette Hidalgo Bachs.

TIEMPO DE ISLA Pedro Salinas
1
¿Quién me llama por la voz
de un ave que pía?


¿Qué amor me quiere, qué amor
me inventa caricias,

escondido entre dos aires,
fingiéndose brisa?

La palmera, ¿quién la ha puesto
la que me abanica

con soplos de sombra y sol—
donde yo quería?

La arena, ¿quién la ha alisado,
tan lisa, tan lisa,

para que en rasgos levísimos
la mano me escriba,

de amante que nunca he visto,
de amante escondida,

entre pudores de espuma,
mensajes de ondina?

¿Por qué me dan tanto azul,
sin que se lo pida,

el cielo que se lo inventa,
el mar, que lo imita?

¿Cuál fue el dios qué un día octavo
me trazó esta isla,

trocadero de hermosuras,
lonja sin codicia?

Aquí tierra, cielo y mar,
en mercaderías

de espuma, arena, sol, nube,
felices trafican;

sin engaño se enriquecen,
ganancias purísimas—,

luceros dan por auroras,
cambian maravillas.

Tiempo de isla: se cuenta
por mágicas cifras;

la hora no tiene minutos:
sesenta delicias;

pasa abril en treinta soles,
y un día es un día.

¿Quién, llevándose congojas,
dio forma a la dicha?

31 commentaires:

  1. oui qui donne forme au bonheur ? un mystère jamais éclairci

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  2. emporter les angoisses, c'est sûr que voilà une condition au bonheur...
    bises, Colo

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    1. Quand un doux vent amical s'ajoute à tout le reste, elles s’éloignent, penaudes:-)
      UN beso

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  3. Extraordinaire ! Merci Colo, et merci à ton amie de ce partage.

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    1. Ce poème me dit tant de choses, contente que tu l’aies apprécié Anne.

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  4. Interrogations d'une vie, Qui ?
    Merci à vous deux ♥♥

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    1. C'est ça. Du coup et pour une fois je n'ai pas mis d'illustration, le poème est très visuel, à chacun(e) d'imaginer...
      Contente de te retrouver Fifi.

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  5. Ah! le temps des îles qui échappe au temps, au lieu et la mer, terre, ciel si généreux à qui sait s'arrêter et en cueillir le rythme. Un plaisir de lire ce poème. Merci à vous deux.
    Algunos besos.

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    1. Oui, et le palmier, le sable qui là pour nous si nous savons nous y arrêter.
      Besos pour toi, pour vous.

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  6. Merci pour ce poème qui va bien avec l'image de mon blog.
    Et qui, dans l'absolu et sans image autre qu'imaginée, est si beau !

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    1. Tu as vu, juste après avoir publié ce billet je suis allée sur ton blog et là...super.
      Bonne journée à toi.

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  7. "L'heure n'a plus de minutes - soixante délices". Qui n'aimerait pas vivre sur une telle île ? C'est magnifiquement dit.

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    1. Bonjour Aifelle, contente qu'il te plaise autant qu'à moi.
      Je n'ai pas voulu vous parler de ce poète, je le ferai dans le prochain billet. C'était un proche de F. Garcia Lorca.
      Bon week-end.

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  8. Réponses
    1. Magnifique découverte ce recueil et ses autres poèmes d’ailleurs.

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  9. C'est souple comme une liane, ce défilé de mots et images... Magnifique! Merci...

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    1. Comme une histoire illustrée joliment racontée.
      Bon week-end Edmée.

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  10. "Tant de bleu", quelle merveille ! On se laisse transporter par la traduction, par le texte. Merci à toutes les deux.

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    1. Ce bleu revenu ici après 20 jours assez gris...un très beau texte, oui.
      Un beso

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  11. j'aime toujourrs beaucoup découvrir les poèmes que tu partages, colo - merci

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  12. Mon compagnonnage avec Pedro Salinas va durer très longtemps, je pense. Toujours, peut-être ?

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  13. Une île, ton île, mon île et tout est dit ! Elle est là !

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    1. Un poème très visuel, c'est vrai Enitram...bon week-end

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  14. Vivre sur une île. J'en rêve parfois, pour la mer tout autour. J'aime celle du sud, comme celles plus au nord dans l'océan. Mais elle demande une âme forgée que je ne suis pas sûre d'avoir.

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    1. Oh il y a île et île isolée, île verte ou rocheuse, volcanique. Ici je n'y pense pas, sauf au moment de voyager où il faut toujours prévoir bien à l'avance réservation de bateau ou avion.
      Mais la mer, oui. Et la montagne aussi, c'est pas grand mais il y a de tout.
      Les îles font rêver, je ne comprends pas vraiment bien pourquoi.

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    2. Peut-êre parce-qu'on s'y sent protégé, à l'abri du vaste monde ?

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    3. Tu as sans doute raison. Et les palmiers...:-)

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  15. Il y a quelques jours, j'imaginais votre île loin au bout de l'horizon :-)
    Quel délice quand l'heure n'a plus de minutes et que tant de bleus nous sont offerts.
    Nous avons un peu parlé avec une hôtesse belge là-bas à Alicante, elle projette de vivre à Alicante : la qualité de vie, le climat disait-elle. On la comprend.

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    1. Oui, tant de cadeaux si appréciés que le poète dit tellement bien aussi,

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