Un
tigre
MERCEDES
ESCOLANO, Cádiz, España, 1964
Je
pense à un tigre. Il descendra en ville
à
l’heure où s’ouvrent les bars
et
se répand un intense parfum
humain.
La nuit tombe. Assoiffé
il
s’accoudera au bar et boira
quelques
verres les yeux allumés
du
brillant sinistre et métallique,
souple
sa langue, parfumé le local
avec
le va-et-vient continuel des clients.
Du
fond parvient un blues élastique et le hurlement
endiablé
des machines à sous.
Il
observe en silence et trempe ses crocs.
La
griffe que cache sa chemise le trahit.
Personne
ne dirait -à son aspect-
que
c’est un cruel assassin de la jungle,
mais
plutôt un homme peu pressé, indolent,
incapable
de s’inventer
une
autre routine.
Chaque
vendredi, tendre et solitaire,
il
commettra un crime sans autre trace
qu’un
poème oublié sur le bar.
(Trad:Colo et merci à Adrienne)
Juan Gris, 1912, Hombre en el bar |
Un
tigre
MERCEDES
ESCOLANO, Cádiz 1964
Pienso
en un tigre. Bajará a la ciudad
a
la hora en que abren los bares
y
se expande un intenso perfume
humano.
Anochece. Sediento
se
acodará en la barra y beberá
unas
copas con los ojos prendados
del
brillo siniestro y metálico,
dúctil
su lengua, aromado el local
con
un vaivén continuo de clientes.
De
fondo un blues elástico y el rugir
endiablado
de las máquinas tragaperras.
Observa
en silencio y remoja sus fauces.
Le
delata la garra que esconde su camisa.
Nadie
diría —por su aspecto—
que
es un cruel asesino de la selva,
sino
un hombre sin prisas, indolente,
incapaz
de inventar
se
otra rutina.
Cada
viernes, tierno y solitario,
cometerá
un crimen sin más rastro
que
un poema olvidado sobre la barra.
Oh que j'aime ce poème-récit, d'un homme anodin et solitaire qui se veut dangereux, les narines pleines des odeurs du soir, les babines frémissantes, les crocs luisants... et puis il écrit, silencieux!
RépondreSupprimerC'est exactement ce que j'ai aimé moi aussi, on le "voit" presque, dans ce bar de nuit...
SupprimerTigre, mais triste tigre, tout de même. Tendre et solitaire, mais le tigre a laissé un poème!
RépondreSupprimerQuand on te lit, on ne pense pas que c'est traduit.
Merci beaucoup, tu sais toi que traduire requiert beaucoup de travail, alors ça me fait grand plaisir.
SupprimerTriste tigre...difficile à dire vite plusieurs fois de suite!;-))
Bonne semaine.
j'ai bien aimé ce poème et sa chute qui l'enferme dans un cercle :-)
RépondreSupprimerMerci encore, tes petites remarques et corrections en ont fait un texte fluide!
SupprimerBen moi, j'ai envie de le prendre par la main ce p'tit tigre et de l'emmener marcher au bord de la mer ou sur une montagne, il a besoin de nature et de joie il me semble... Ton illustration est très bien choisie ! Bises. brigitte
RépondreSupprimerSûr que cela lui ferait du bien Brigitte!
SupprimerMerci et excellente semaine, un beso.
Bonjour Colo, le tigre est mon animal préféré donc j'ai aimé ce poème. Merci.
RépondreSupprimerUn tigre inspiré est peut-être doublement préféré...
SupprimerBonne semaine Dasola.
des criminels qui laissent des poèmes dans les bars il faut les protéger comme une espèce en voie de disparition
RépondreSupprimerEn effet, peut-être qu'en tous on y arrivera!
SupprimerBien vu qu il laisse des vers au bar...
RépondreSupprimerHé, hé...
SupprimerTu connais sûrement le poème "Le Bar" d'Antonin Artaud
"Salut ô bar qui nous délivres des poisons
Des misères et des douleurs et des alarmes
En nous jetant dans la nudité de nos âmes
Sur des grèves où les tourments n’arrivent pas."
Image un peu polar pour décrire le poète des comptoirs et coins de table qui aiguise les griffes de quelques pieds avec quelques verres d'alcool. Belle illustration de Juan Gris.
RépondreSupprimerOui, c'est bien vu, suspens jusqu'à la fin...
Supprimermerci Christian, bonne semaine.
Très beau poème. très belle illustration.
RépondreSupprimerLa chute du poème est une ouverture inattendue après ce climat si bien créé. Un poème très cinématographique. Une ambiance où tout y est de la gestuelle à la lumière en passant par le fond musical.
C'est félin, c'est carnassier et puis soudain comme le lait sur le feu, ça déborde; ça déborde de tendresse et c'est très agréable à lire et relire.Il y a une "patte d'écriture, une "griffe" en guise de signature.
Bonne semaine, Colo. Je t'embrasse.
Oui, c'est tout ça chère Maïté, tu lis toujours si attentivement!
SupprimerBonne semaine à toi aussi, j'espère qu'il fait aussi beau à Bordeaux qu'ici!
Besos
On le voit ce félin sur son comptoir, qui s'enfuit en laissant son poème ... un beau poème qui a sa part de mystère.
RépondreSupprimerTu as raison, comme un film...je suis contente qu'il t'ait plu.
SupprimerÀ bientôt!
La nostalgie du fauve. J'y vois le rythme lent du temps. Les crocs qui se plantent dans le verre. Lassitude du moment où le fauve ronronne encore un peu.
RépondreSupprimerCher Obni, contente de te lire, lentement.
SupprimerMerci, bonne journée!
Je m'inquiète, est ce un assassin-poète ? Ce qui me rassure c'est qu'il est dit "tendre". J'aime le commentaire de K :-)
RépondreSupprimerBises printanières, Colo !
Oh quand la griffe est un stylo, je crois qu'il ne faut pas trop s'inquiéter Fifi.
SupprimerBesos para ti!
Parfois, lorsque l'inspiration ne vient pas pour un poète, c'est clair qu'il peut sortir ses griffes mais ne fait de mal à personne :-) En fait, c'est un poète qui veut faire plaisir.
RépondreSupprimerMes bisous chère Colo ♥
C'est bien de le voir comme ça Denise!
SupprimerBesos pour toi Denise.
i ilke your blog
RépondreSupprimerThank you!
SupprimerTrès beau, très étrange aussi et un peu inquiétant
RépondreSupprimerOui, une ambiance un peu glauque...
SupprimerVoir au-delà des apparences ...
RépondreSupprimerSerions nous capable de reconnaître le tigre ?
Je me le demande Marcelle!
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