11 juil. 2023

En Bretagne / En Bretaña

 Si Oliveiro Girondo est Argentin, il a passé énormément de temps en Europe. 

Audacieux dans ses images, ironique, une poésie d’avant-garde de son pays. 

Ici nous sommes dans une commune française, dans le Finistère, Douarnenez, vous connaissez peut-être, moi pas.




Paysage Breton

Oliveiro Girondo ( Buenos Aires 1891-1967)

Douarnenez,

d’un coup de gobelet

s’embourbe

entre ses maisons-dés

un bout de mer,

avec une odeur de sexe à s’en pâmer.



Barques blessées, au sec, les ailes pliées !

Des tavernes qui chantent avec une voix d’orang-outan !

Sur les quais,

mercurisés par la pêche,

des marins qui se tiennent les bras

pour apprendre à marcher,

et vont s’éclater

avec un élan de vague

sur les murs;

des femmes saumâtres,

iodées

aux yeux aquatiques, aux cheveux d’algue,

qui révisent les filets pendus du toit

tels des voiles nuptiaux.



Le clocher de l’église

est un escamotage de prestidigitation,

il sort de sa cloche

une nuée de pigeons.

Tandis que les petites vieilles

avec leurs bonnets de nuit,

entrent dans la nef

pour se saouler de prières,

et pour que le silence

arrête de ronger un instant

les nez de pierre de saints. 

(Trad: Colo)

 


Paisaje bretón

Oliverio Girondo

Douarnenez,
en un golpe de cubilete,
empantana
entre sus casas como dados,
un pedazo de mar,
con un olor a sexo que desmaya.


¡Barcas heridas, en seco, con las alas plegadas!
¡tabernas que cantan con una voz de orangután!
sobre los muelles,
mercurizados por la pesca,
marineros que se agarran de los brazos
para aprender a caminar,
y van a estrellarse
con un envión de ola
en las paredes;
mujeres salobres,
enyodadas,
de ojos acuáticos, de cabelleras de alga,
que repasan las redes colgadas de los techos
como velos nupciales.


El campanario de la iglesia,
es un escamoteo de prestidigitación,
saca de su campana
una bandada de palomas.
Mientras las viejecitas,
con sus gorritos de
dormir,
entran a la nave
para emborracharse de oraciones,
y para que el silencio

 

26 commentaires:

  1. Superbe poème... J'aime beaucoup cette ville...

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    1. Ah, tu connais ! Je suis allée regarder des photos et cartes, Dournenez semble fort joli!

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  2. Je suis passée tout près de Douarnenez, mais je n'y suis pas allée. Le poème évoque bien l'ambiance bretonne.

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    1. Oui, j'ai trouvé qu'il y avait mis, à sa façon, tous les ingrédients de la région. Bonne journée Aifelle.

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  3. j'aime les clochers disparaissant d'un coup de baguette, et pour se souler de prières la Bretagne est l'endroit parfait

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    1. On "voit" parfaitement la nuée de pigeons cachant le clocher, tu l'as vu aussi!

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  4. A mon grand désespoir, je ne connais pas plus Douarnenez que le reste de la bretagne mais le poète en parle si bien que je vais garder les images, l'ambiance qu'il en évoque.

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    1. Bonjour Chinou, c'est vrai, on a l'impression de connaître un peu ce village maritime, ses habitants, après la lecture du poème. Bonne journée

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  5. On ferme les yeux et on imagine le tableau. Bisous

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  6. Bonjour Colo, très beau poème. J'aime la Bretagne, je suis passée tout près de Douarnenez mais j'ai visité d'autres lieux. J'apprécie ce poème.
    Bisous et belle journée

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    1. J’espère pouvoir y retourner un jour, j’avais 20 ans la dernière fois 😀😀

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  7. Encore un beau poème en partage ! Je connais un peu la Bretagne et je suis allée à Douarnenez quand j'étais enfant mais ce poème donne envie d'y retourner très vite (hors saison si possible !). Une très belle journée

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  8. Bonjour Manou, peut-être rêves tu toi aussi de fraîcheur en ce moment. C’est en partie ce qui m’a motivée à traduire ce poème: voyager volets fermés est fort agréable 😀.
    Ce poème évoque tant de choses!
    À bientôt

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  9. un poème très imagé évoquant la Bretagne d'une autre époque , ses habitants, leurs habitudes, les odeurs et parfums ....on est transporté dans un ailleurs !

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    1. C'est amusant, intéressant, de lire comment un Argentin a perçu ce village breton, avec ses 5 sens, oui: Bonne journée.

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  10. Une évocation étonnante, toute en sensations. Avec le succès de la Bretagne au climat plus vif que dans le Midi en été, cette ville y ressemble-t-elle encore ? Bonne soirée, Colo.

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    1. Bonjour Tania, toute la sensualité sud-américaine que nous retrouvons si souvent en poésie, appliquée à la Bretagne, c'est intéressant et plaisant, non?
      Il faudrait aller vois, hors-saison comme écrit Manou, à quoi ressemble Dournenez maintenant....Bonne journée!

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  11. Pour commencer un peu d'éthymologie : DOUARNENEZ terme francisé vient de Douar (la terre) et de an Enez l'île. En clair Douarnenez veut dire presqu'île en breton. Le regard porté par Oliveiro Girondo me semble un peu daté. Je serais donc curieux d'en connaître la date d'écriture car ses impressions laissent un sentiment années 30 . Alors je ne sais pas si ça colle avec sa biographie. Son poême me semble surréaliste vu les termes impressionnistes utilisés : "un bout de mer,avec une odeur de sexe à s’en pâmer" Je pense qu'il parle de l'odeur de poisson qui y régnait car Douarnenez était dans la première moitié du XXe siècle un grand port sardinier. "Des marins qui se tiennent les bras pour apprendre à marcher " poétique les marins voguent plus qu'ils ne marchent. Peut être évoquait-il le sortir des tavernes qui à l'époque foisonnaient. Intéressant AUSSI ce regard extérieur sur les femmes qui ravaudaient les filets "des femmes saumâtres, iodées aux yeux aquatiques, aux cheveux d’algue qui révisent les filets pendus du toit" . Ma traduction sur l'impression reçue par le poète : Femmes saumâtres (marines) iodées aux yeux aquatiques (en Bretagne beaucoup de personnes ont les yeux bleu gris - ceci ne lui a pas échappé. D'autre part les femmes et les hommes d'un certaine âge ont souvent les cheveux gris. Intéressante et amusante allégorie sur le clocher (pour l'auteur, tout est décalage culturel ce qui pour les autochtones est l'ordinaire...). Les petites vieilles qui entrent à l'église est une image typique de la Bretagne traditionnelle avec la particularité de la coiffe de Douarnenez qui s'appelle la "penn sardine" ou tête de sardine. La dernière strophe est sublime, elle relate bien la tradition chrétienne fortement ancrée dans la population bretonne (surtout féminine) jusqu'aux débuts du XXe siècle. Douarnenez est un très joli port breton. Belle journée à toi

    ,



    tels des voiles nuptiaux.

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    1. Un tout grand merci Sergio pour l'origine du nom Douarnenez, et tu as raison bien sûr pour le début du XXº s ( d'où le choix de vieilles cartes postales pour illustrer le poème).
      Tout ce qu'il y a vu est transformé en métaphores, en images qui te font peut-être sourire mais qui sont assez justes, oui.
      Bonne journée

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  12. En m'informant sur l'auteur j'ai trouvé un lien avec un très beau poème : le voici http://dormirajamais.org/girondo/

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    1. Ah oui, il est superbe, je ne l'avais jamais lu en traduction, je vais en faire mon prochain billet, merci!!!

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  13. Je suis juste passée à Douarnenez où je me suis régalée de poissons, crustacés et d'où j'ai ramené une kirielle de sardines en boîtes toutes plus savoureuses les unes des autres (la spécialité du port) ! Un grand bol d'air frais en se baladant sur les quais ! Oui, ça sent le poisson !!!!
    Je ne me souviens plus du clocher, il faudrait que je retrouve mes photos, ça fait longtemps...
    Le poème , très bien écrit nous renvoie une certaine image !

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  14. Un endroit où j'aimerais bien aller, c'est sûr!

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  15. Les cartes illustrent à merveille le propos. Merci

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