JoanMargarit, grand poète catalan né en 1938 à Lerida, écrivit en espagnol du temps de Franco puis peu à peu en catalan et il traduisit lui-même ses poèmes dans cette langue.
Pas grand chose de traduit en français si ce n’est, publié en 2016 ,“Leçons de vertige”, un bel article à lire ici.
Cette semaine et la suivante, deux poèmes traitant du même sujet: les lettres d’amour…ces lettres qu’on relit cent fois, qu’on garde parfois toute la vie. Pas vous ?
Voilà le premier.
La lettre
Tu regardais toujours vers l’avant
comme si la mer s’y trouvait. Tu créais
ainsi un mouvement de vagues
étrange et mythique sur une plage.
Nous unissait la force dangereuse
qui donne à l’amour la solitude.
Tremble encore entre mes doigts,
de façon imperceptible, ce papier.
Chemin abandonné entre toi et moi,
couvert de lettres, feuilles mortes.
Mais je sais que le chemin perdure.
Si j’abandonne la main sur le petit tas,
je la sens reposer sur ton dos.
Tu regardais souvent vers l’avant
comme si la mer y était, déjà transformée
en une voix fatiguée, rauque et chaude.
Peu nous unit encore: seul le tremblement
de ce papier si fin entre les doigts.
(Trad: Colo)
La carta de Joan Margarit
Mirabas
siempre hacia adelante
como si allí estuviese el mar.
Creabas
de esta manera un movimiento de olas
ajeno y mítico
en alguna playa.
Nos unía la fuerza peligrosa
que da al
amor la soledad.
Aún hace temblar entre mis dedos,
de
forma imperceptible este papel.
Camino abandonado entre tú y
yo,
cubierto por las cartas, hojas muertas.
Pero sé que el
camino persiste.
Si abandono la mano sobre el pequeño fajo,
la
siento descansar sobre tu espalda.
Solías escuchar hacia
adelante
como si allí estuviese el mar, ya transformado
en
una voz cansada, ronca y cálida.
Poco nos une aún: sólo el
temblor
de este papel tan fino entre los dedos.
Un poème que je trouve puissant et qui me parle beaucoup. Je trouve exceptionnellement belle cette métaphore des vagues de l'écriture... oh la la ! mais quel cadeau en ce samedi matin ! D'autant que justement je voulais en parler, des lettres, sur mon blog, ces lettres qu'on garde dans des boîtes, liées par un ruban, ou pour une ou deux, dans le portefeuille...
RépondreSupprimerDe l'émotion par ici ce matin, vraiment.
Ces vagues m'ont fait penser, toi peut-être aussi, aux arrivées régulières (ou pas) du facteur qui apporte ces missives tant attendues et qui provoquent ces houles d'émotions...
SupprimerOui, c'est ça aussi. Guetter le passage du facteur...
Supprimercomme Marie je suis sensible à ces lettres, un temps que l'on ne reverra pas hélas, plus personne n'écrit aujourd'hui, plus de traces plus de douceur et émotion à déplier une lettre mille fois lue avec des plis tellement marqués que l'on a peur qu'elle s'effrite
RépondreSupprimerce poème est splendide et j'attends le deuxième impatiemment
Parfois, pour le 1º janvier, on reçoit encore quelques cartes, mais ce n'est pas du niveau de cette douceur dont tu parles...
SupprimerUn poème qui me semble plein de nostalgie et si beau à propos du toucher "Peu nous unit encore: seul le tremblement de ce papier si fin entre les doigts." On a l'impression de l'avoir entre les mains. Bon dimanche Colo, bises.
RépondreSupprimerBonjour Aifelle, oui le toucher m'a frappée aussi dans "Si j’abandonne la main sur le petit tas,
Supprimerje la sens reposer sur ton dos.". Si sensuel et romantique. Bon dimanche à toi aussi.
J'aime ce poème, un parmi d'autres, qui me parlent! Bisous
RépondreSupprimerPeut-être, toi aussi, grades-tu des lettres anciennes...bonne semaine Val, un beso
SupprimerLes doigts, la main sur le papier, le contact avec une lettre qui a été touchée de même par l'autre qui y a promené sa main, oui, cela peut faire trembler d'émotion, d'amour, d'amitié. Merci pour ce beau poème, Colo.
RépondreSupprimerLien direct entre l'écrit et le corps...Bonne journée Tania.
SupprimerNostalgie d'un temps pratiquement révolu, poser l'acte d'écrire, ce n'était pas rien !
RépondreSupprimerLettre... l'Être... Il y avait du dévoilement sur les fines feuilles de papier, merci Colo pour ce très beau billet. Bises, à bientôt. brigitte
Souvenirs aussi, émouvants, souvent...Bonne semaine Brigitte, douceur du temps ici, chez toi aussi j'imagine !
SupprimerMagnifique et magnétique si j'ose ! Merci.
RépondreSupprimerA un moment où nous semblons redécouvrir certaines choses que nous avions - pour certains peut-être - imprudemment ou négligemment remisées, au nom notamment d'un prétendu progrès, qui sait si cette belle pratique ne va-t-elle pas retrouver quelque place dans nos vies ?
Qui sait ? Ce serait bien de recommencer à prendre le temps d'écrire, de chercher un timbre et une boîte aux lettres et d'attendre, patiemment, la réponse. D'avoir plus qu'une adresse-mail...
Supprimer....Tu me diras si le plat t'a plu. Gros bisous et bonne régalade
RépondreSupprimerJe t'ai dit, super miam !
SupprimerDes traces sur le papier...émotions d'une vie...
RépondreSupprimerOui, c'est exactement ça, bonne journée Marie.
SupprimerMerci Colo pour ce poème si sensuel !
RépondreSupprimerIl est riche de caresses, de tremblements, de nostalgie...
Belle soirée !
C'est bien comme ça que je l'ai lu moi aussi chère Claudie.
SupprimerBonne journée, soleil ici.
Un immense merci de ton commentaire sous ma recette, et ce retour. Gros bisous
RépondreSupprimerHa, mais c'était délicieux, merci à toi.
SupprimerMagnifique poème ♥♥♥ Merci Colo !
RépondreSupprimer"Si j’abandonne la main sur le petit tas,
je la sens reposer sur ton dos"
Quand la nostalgie prend corps ! Quelle image forte, tout comme :
"Peu nous unit encore: seul le tremblement de ce papier si fin entre les doigts."
Nos mails aussi peuvent traduire des sentiments mais l'écriture d'une personne est bien la plus belle traces d'un être. Et puis l'enveloppe avec le timbre choisi. Quoi de plus beau.
Bises automnales et nostalgiques :-)
Toute cela donne envie de réécrire de vraies belles lettres...
SupprimerMerci Fifi, un beso, bonne semaine
Je n'ai jamais trouvé les lettres d'amour de mes parents, ils ne s'écrivaient pas puisqu'ils travaillaient ensemble, ce doit être la raison. Par contre, j'ai une lettre d'amour du père de mon père, écrite à la mère de mon père, quand ils étaient fiancés, mais la guerre 14-18 les a séparés un bon moment. Merci pour le partage de ce poème magnifique.
RépondreSupprimerÀ garder précieusement, c'est très émouvant, un témoignage aussi.
SupprimerMerci à toi Élisabeth.