21 juil. 2020

Lieux propices à l'amour / Lugares propicios al amor


Aucun doute en lisant ce poème, il a été écrit pendant l’époque franquiste: pour s’embrasser, il fallait se cacher, même les baisers dans les films furent, pendant un temps, censurés.


Ninguna duda al leer este poema, fue escrito durante la época franquista: para besarse había que esconderse, incluso en las películas, los besos fueron, durante algún tiempo, censurados.



Inventaire de lieux propices à l’amour
Ángel González (1922-2008, Espagne)

Ils sont peu.
Le printemps est très prestigieux, mais
l’été est meilleur.
Et aussi ces fissures que l’automne
forme en intercédant avec les dimanches
dans certaines villes
elles-mêmes jaunes comme des bananes.
L’hiver élimine beaucoup d’endroits:
seuils de portes orientées au nord,
berges des rivières,
bancs publics.
Les contreforts extérieurs
des vieilles églises
laissent parfois des renfoncements
utilisables même s’il neige.
Mais ouvrons les yeux: les basses
températures et les vents humides
rendent tout difficile.
Les ordonnances, de plus, interdisent
la caresse (avec exemptions
pour certaines zones épidermiques
- sans aucun intérêt -
des enfants, chiens et autres animaux)
et le “pas toucher, danger d’ignominie”
peut se lire dans mille regards.
Où fuir, alors?
Partout des yeux qui louchent,
des cornées tortueuses,
d’implacables pupilles,
des rétines réticentes,
surveillent, se méfient, menacent.
Il reste peut-être le recours de marcher seul,
de vider l’âme de tendresse
et de la remplir de lassitude et d'indifférence,
en ces temps hostiles, propices à la haine.
(Trad:Colo)


Foto: Cuartoscuro/Archivo


Inventario de lugares propicios al amor

Ángel González (Oviedo 1922- Madrid 2008)

Son pocos.
La primavera está muy prestigiada, pero
es mejor el verano.
Y también esas grietas que el otoño
forma al interceder con los domingos
en algunas ciudades
ya de por sí amarillas como plátanos.
El invierno elimina muchos sitios:
quicios de puertas orientadas al norte,
orillas de los ríos,
bancos públicos.
Los contrafuertes exteriores
de las viejas iglesias
dejan a veces huecos
utilizables aunque caiga nieve.
Pero desengañémonos: las bajas
temperaturas y los vientos húmedos
lo dificultan todo.
Las ordenanzas, además, proscriben
la caricia ( con exenciones
para determinadas zonas epidérmicas
-sin interés alguno-
en niños, perros y otros animales)
y el «no tocar, peligro de ignominia»
puede leerse en miles de miradas.
¿Adónde huir, entonces?
Por todas partes ojos bizcos,
córneas torturadas,
implacables pupilas,
retinas reticentes,
vigilan, desconfían, amenazan.
Queda quizá el recurso de andar solo,
de vaciar el alma de ternura
y llenarla de hastío e indiferencia,
en este tiempo hostil, propicio al odio.



22 commentaires:

  1. oh c'est joli ! la poésie espagnole me rappelle mes années lycée.

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    1. Bonjour et bienvenue Violette. J'espère que tu as pu lire le poème en espagnol alors!

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  2. Ah ! j'aime beaucoup ! Et les bancs publics ?

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    1. Ah, il en parle, infréquentables en hiver dit-il. Mais on pense inévitablement à Brassens, tu as raison!

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  3. Magnifique poème Colo, ah! la censure!
    Belle journée, bisous ♥

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    1. Et oui, chère Denise, le plus petit baiser était coupé.
      Bonne soirée, besos

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  4. j'aime cet inventaire émouvant et un rien farfelu
    quant aux baisers interdits ils me ramènent à Cinéma Paradiso et le fameux montage si touchant à la fin du film

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    1. Grand film Cine Paraiso, je le reverrais bien volontiers.

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  5. pour les baisers dans les films, tu m'apprends quelque chose - mais il n'y a pas que l'époque franquiste qui pénalisait ceux qui s'embrassaient en public - jusqu'à un certain temps, les gens étaient choqués par des personnes jeunes qui s'embrassaient en public, certaines personnes se permettaient même d'en faire la remarque bien haut, pour les embarrasser

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    1. Oh oui, tu as tout à fait raison et en traduisant le poème j'ai repensé aux endroits où, ados, je me suis cachée pour embrasser des garçons!

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  6. Du temps de notre jeunesse ce n'était pas si admis que cela les baisers en public, n'est-ce-pas .. et il fallait ruser pour un peu tout. Mais c'est vrai que sous le régime de Franco, c'était encore une autre dimension. J'aime bien ce poème un peu "foutraque". Bonne journée Colo. Bises.

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    1. C'est ça, ruser Aifelle!
      Bonne fin de journée à toi aussi, un beso

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  7. Triste de remplir son âme "de lassitude et d’indifférence". Il reste quand même le plaisir de l'interdit :-) Trêve de plaisanterie, époque malsaine et triste !

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    1. L'époque était lugubre et endeuillée, la jeunesse trépignait devant autant d'interdictions, alors de doux baisers et caresses...

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  8. Un inventaire inattendu ! J'ai lu la fin en pensant qu'elle pouvait s'appliquer aussi à notre drôle d'actualité, brrr.

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    1. Oh tu penses qu'il y a de l'hostilité dans l'air?
      Mais tu fais sans doute allusions à tous ces baisers interdits, hélas.

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    1. Me alegro que te guste, Tilk. Buen fin de semana.

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  10. Beaucoup d'humour aussi dans ce poème pour contrecarrer un peu la tristesse terrible de cette époque !
    Merci beaucoup Colo, je me suis remémorée aussi avec un sourire "Cinéma Paradiso".
    Je t'embrasse, Claudie.

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    1. Mais oui, tu sembles la seule à l'avoir perçu cet humour, bon, avec moi!
      Bonne semaine, caniculaire ici, je t'embrasse

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  11. J'ai lu ce poème en pensant à notre actualité, c'est terrible la censure, c'est terrible de vivre dans un monde où quelques uns interdisent la tendresse, les caresses, ils sapent les besoins vitaux de l'humain... Souhaitant que le monde actuel change vite, bises et douce journée Colo. brigitte

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    1. Dans la littérature de l'époque franquiste on trouve des histoires fort amusantes aussi qui montrent l'ingéniosité des espagnols pour trouver quand même des endroits où s'aimer...
      Notre présent est différent, pauvres jeunes!
      Un beso très chaud:-)

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