19 nov. 2018

Dire sa chance / Decir su fortuna





Vitale, ce nom lui va si bien! À 95 ans elle vient de recevoir un prix de plus, le Cervantes 2018. Cette poétesse Uruguayenne, vive d’esprit, a plus de 50 ans de « métier » derrière elle et, si elle a traduit Pirandelllo et Molière, Boris Vian, Simone de Beauvoir et Gaston Bachelard en espagnol, elle est avant tout poète.
Une dame qu’on aimerait rencontrer, qui a connu l’exil, s’y est bien adaptée, a vécu longtemps au Mexique, au Texas puis est retournée dans son pays.
(article en français ici).

Acaban de darle el premio Cervantes. Tradujo a Pirandello y D’Annunzio, a Molière y Boris Vian, a Simone de Beauvoir y Gaston Bachelard. Escribió ensayos, prologó libros, publicó prosas . Pero Ida Vitale es, ante todo, poeta

Chance

Pendant des années, profiter de l’erreur
et de sa correction,
avoir pu parler, marcher libre,
ne pas exister mutilée,
entrer ou pas dans des églises,
lire, écouter la musique chérie,
être, de nuit comme de jour, un être.
Ne pas être négociée en mariage,
ni mesurée en chèvres,
ni souffrir le contrôle de la famille
ou la lapidation légale.
Ne plus jamais défiler
et ne pas admettre des mots
qui mettent dans le sang
des limailles de fer.
Découvrir par toi-même
un autre être imprévu
dans le pont du regard.
Être humain et femme, ni plus ni moins.
(Trad:Colo) 
Petrona Viera El cuentito
Nous avions déjà rencontré cette intéressante artiste Uruguayenne  dans ce billet au sujet du Planismo.


Fortuna

Por años, disfrutar del error
y de su enmienda,
haber podido hablar, caminar libre,
no existir mutilada,
no entrar o sí en iglesias,
leer, oír la música querida,
ser en la noche un ser como en el día.
No ser casada en un negocio,
medida en cabras,
sufrir gobierno de parientes
o legal lapidación.
No desfilar ya nunca
y no admitir palabras
que pongan en la sangre
limaduras de hierro.
Descubrir por ti misma
otro ser no previsto
en el puente de la mirada.
Ser humano y mujer, ni más ni menos.

36 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce poème et l'image est tout à fait délicate et charmante avec ses couleurs orangées.

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  2. Oh ! oui, je pense souvent à cette "fortuna" que nous avons, nous autres...

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    1. Il est important, tellement, de ne jamais l'oublier Anne.

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  3. Effectivement, ce nom, Vitale, lui va comme un gant ! J'admire les gens qui sont aussi forts et aussi libres.

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    1. Parfois je me demande Marie si les grands malheurs, les guerres, les exils ne rendent pas plus fort(e)s.
      Mais c'est une femme d'exception, aucun doute.

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  4. Magnifique distinction pour cette poétesse que tu nous avais présentée avec un autre beau poème. Celui-ci est un magnifique bilan de vie, on a envie de l'applaudir.
    Belle illustration pour "le pont du regard" !

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    1. L'applaudir en effet. J'ai lu qu’elle disait que le plus gros travail est celui d'élaguer encore et encore pour arriver, oui, à dire en peu de mots. Elle y arrive si bien!
      Merci Tania, bonne soirée.

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  5. Une pensée pour toutes les femmes du monde qui ne peuvent pas avoir ce souffle de liberté vitale. Tout est élégamment dit à travers ce poème déterminé et plein d'humanité. J'ai lu la présentation de Ida Vitale, ce qui me permet de mieux comprendre sa force positivement déterminée. Puisse les femmes opprimées s'en inspirer pour le plus grand bien de l'humanité.

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    1. On pense à toutes en lisant le poème, un tour du monde de toutes les conditions de non-liberté, tu as raison.
      Si un poème pouvait aider, on le traduirait dans toutes les langues, encore et encore.
      Bonne soirée Sergio.

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  6. quel beau résumé d'une condition féminine qui pourrait être vécue en toute sérénité... je crois bien que tout y est!
    merci Colo

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  7. Remarquable poème et qui en dit tant .. C'est heureux qu'elle ait reçu un prix. Bonne journée Colo. Bises.

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    1. Elle en avait reçu beaucoup avant mais celui-ci consacre l'ensemble de son œuvre.
      Ses poèmes sont concis et donc difficiles (pour moi du moins) à traduire. Mais je m'y réessayerai.
      Bonne journée Aifelle.

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  8. J’étais venu hier mais n'ai pas eu le temps de laisser un commentaire, je reviens aujourd'hui, cette femme est formidable, quelle énergie ! Sommes-nous tous porteur d'une telle force, ou bien faut-il en avoir la volonté ? Je ne sais mais cette femme est merveilleuse, elle mérite son prix, longue vie à elle. Merci Colo, lumineuse journée à toi. brigitte

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    1. Bonjour Brigitte, une combinaison de nécessité et volonté peut-être?
      Merci pour tes mots, un beso

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  9. J'aime tellement le "Ni plus ni moins", de la fin. Je crois que c'est ce que nous demandons toutes en fait : être reconnue, ni plus ni moins.

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    1. Exactement ça Annie, ni traitement de faveur ni son contraire.

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  10. C'est bien en accord avec un article et commentaires lus ce matin... On se plaint, on se plaint, mais on pourrait surtout compter les bienfaits de nos existence

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    1. Tout à fait d’accord bien sûr, Edmée. En général plus on est favorisé, plus on se plaint.

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  11. L'interview (Elmundo) m'a plu : "Je retourne à Apollinaire, à Juan Ramón, à Machado, à Neruda ... et à Vallejo", dit-elle. Puis "Trump es un pequeño monstruo".

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    1. Oh bravo pour la lecture en espagnol! "Pequeño monstruo" oui, oui, après un Obama parfait.
      Dans cet entretien on sent toute sa vitalité aussi.

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  12. un poème splendide qui touche toutes les femmes qui fait mesurer sa chance par delà toute adversité

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    1. Tout à fait Dominique, elle y montre toute son empathie.

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  13. Quel profond regard et quelle force de vie. Les choses qu'elle dit semblent d'un pays lointain, mais c'est partout dans le monde et autour de nous. 95ans, talentueuse et comblée, bientôt un siècle de vie ! Admirable!

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    1. Tu as raison An, le monde est si petit que toutes ces choses se passent autour de nous...et beaucoup font semblant de ne pas les voir.
      Bonne après-midi.

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  14. grâce à ton blog, colo, je découvre bien des choses que je ne connais pas :-)

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    1. Bonjour Niki, c'est bien le plaisir et l'intérêt des blogs je trouve. Je suis forcément en contact avec le monde hispano-américain, toi avec, et cela m'enchante, la vie en Belgique!
      Bonne journée.

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  15. Elle écrit tjs? à son âge, tu penses? Bisous

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    1. C'est ce qu'elle dit, mais lentement bien sûr. En tout cas elle a toute sa tête!
      Bon week-end Val.

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  16. Une voix pour le combat des femmes nécessaire encore et toujours. Un haut pouvoir de suggestion dans ses mots.
    Admirable de longévité.
    Bon we, chère Colo.

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    1. Bon week-end à toi aussi Maïté, des manifestations pour les femmes chez vous aussi?
      Je t'embrasse

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  17. C'est justement ce qui est beau et même poignant dans ce poème, c'est qu'il y a une pensée pour toutes , de toutes conditions. Belle découverte, merci.

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    1. Elle ne semble avoir oublié personne en effet K. Bonne semaine.

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  18. Un poème très émouvant ! Merci pour ta traduction, Colo !
    "Découvrir par toi-même
    un autre être imprévu
    dans le pont du regard" : on ne peut pas mieux traduire la rencontre, une vraie rencontre humaine.
    Magnifique illustration du "pont" !
    Bonne semaine, Colo !

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    1. Merci pour cet enthousiasme Fifi!
      Bonne semaine à toi aussi.

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