Une
bibliothèque c'est des livres, et puis des humains sans lesquels
elle n'aurait aucun sens.
Je
me souviens, c'était bien avant Internet, de journées passées à
consulter, à étudier dans celle de l’Université.
Aussi
ai-je traduit, avec un immense plaisir et comme un cadeau pour votre
Noël, ce poème qui, je pense, vous emportera ailleurs.
Una
biblioteca son los libros, y los humanos sin los cuales ella no
tendría sentido.
Me
acuerdo, era mucho antes de Internet, haber pasado días consultando,
estudiando, en la de la Universidad.
Así
decidí traducir al francés y publicar, con mucho placer y como si
fuera vuestro regalo de Navidad, este poema que, pienso, os llevará
a otra parte.
La
bibliothèque Roberto Juarroz (Argentina 1925-1995)
(Extrait de "poesía vertical")
L’air
y est différent.
Il
est hérissé par un courant
Qui
ne vient pas de ce texte-ci ou de celui-là,
Mais
il les enlace tous
Comme
un cercle magique.
Le
silence y est différent.
Tout
l’amour réuni, toute la peur réunie,
Toute
la pensée réunie, presque toute la mort,
Presque
toute la vie et de plus tout le rêve
Qui
a pu se dégager de l’arbre de la nuit.
Et
le son y est différent.
Il
faut apprendre à l’entendre
Comme
on entend une musique sans aucun instrument,
Quelque
chose qui se glisse entre les feuilles,
Les
images, l’écriture et le blanc.
Mais
au-delà de la mémoire et des signes qui l’imitent,
Au-delà
des fantasmes et des Anges qui copient la mémoire
Et
estompent les contours du temps,
qui
pourtant
manque
de dessin.
La
bibliothèque
est le lieu qui attend.
Peut-être
est-ce l’attente de tous les hommes,
car
les hommes aussi y sont différents.
Ou
peut-être est-ce l’attente
de
ce
que tout l’écrit
Soit
écrit à nouveau,
Mais
d’une certaine façon, dans un autre monde,
Par
quelqu’un semblable aux hommes,
Quand
les hommes n’existeront plus.
Ou
peut-être est-ce seulement l’attente
Que
tous les livres s’ouvrent soudain,
Comme
une consigne métaphysique,
Pour
que se fasse d’un coup la somme de toute la lecture,
Cette
rencontre majeure qui peut-être sauvera l’homme.
Mais,
surtout, la bibliothèque est une attente
Qui
va au-delà des lettres,
Au-delà
de l’abîme.
L’espoir
concentré d’en finir avec l’attente,
D’être
plus que l’attente,
D’être
plus que les livres,
D’être
plus que la mort.
(Trad:Colo)
|
Carl Spitzweg |
La
biblioteca
El
aire es allí diferente.
Está
erizado todo por una corriente
Que
no viene de este o aquel texto,
Sino
que los enlaza a todos
El
silencio es allí diferente.
Todo
el amor reunido, todo el miedo reunido,
Todo
el pensar reunido, casi toda la muerte,
Casi
toda la vida y además todo el sueño
Que
pudo despejarse del árbol de la noche.
Y
el sonido es allí diferente.
Hay
que aprender a oírlo
Como
se oye una música sin ningún instrumento,
Algo
que se desliza entre las hojas,
Las
imágenes, la escritura y el blanco.
Pero
más allá de la memoria y los signos que la imitan,
Más
allá de los fantasmas y los Ángeles que copian la memoria
Y
desdibujan los contornos del tiempo,
Que
además carece de dibujo,
La
biblioteca es el lugar que espera.
Tal
vez sea la espera de todos los hombres,
porque
también los hombres son allí diferentes.
O
tal vez sea la espera de que todo lo escrito
Vuelva
nuevamente a escribirse,
Pero
de alguna otra forma, en algún otro mundo,
Por
alguien parecido a los hombres,
Cuando
los hombres ya no existan.
O
tal vez sea tan solo la espera
De
que todos los libros se abran de repente,
Como
una metafísica consigna,
Para
que se haga de golpe la suma de toda la lectura,
Ese
encuentro mayor que quizá salve al hombre.
Pero,
sobre todo, la biblioteca es una espera
Que
va más allá de letra,
Más
allá del abismo.
La
espera concentrada de acabar con la espera,
De
ser más que la espera,
De
ser más que los libros,
De
ser más que la muerte.
Juarroz,
Roberto.
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J'ai du plaisir Colo à placer en premier mes mots pour ce superbe poème et traduit tout autant superbement.
RépondreSupprimerJ'ai toujours pour les bibliothèques cette sensation de liberté, même étant enfermé entre quatre murs. j'aime son silence troublé juste par les pages qu'on tourne. Oui c'est un lieu d'attente, une attente qui nous remplit de joie d'aller à la rencontre de personnages peints par des dramaturges, des romanciers, des historiens. Merci pour ce joli cadeau. Joyeux Noël Colo
Merci pour cette belle lecture du poème Bizak, tu y ajoutes la liberté, en effet!
SupprimerBonne semaine, et fêtes si tu en prévois.
voilà un billet qui tombe à pic :-) les bibliothèques ont quelque chose de spécial, c'est vrai pour moi en tout cas, qui ne manque jamais de passer quelques heures dans celle d'Ostende, quand je suis dans cette ville.
RépondreSupprimerun grand merci, Colo, belle journée!
Un endroit hors du temps, on s'y retrouve avec soi-même et tant de mots, non?
SupprimerExcellente journée Adrienne, un beso.
Je garde un merveilleux souvenir de toutes les journées passées à la bibliothèque de la Sorbonne pendant mes années d'étudiante.
RépondreSupprimerDurant mes voyages, j'aime encore en visiter, j'envie les lecteurs penchés sur les tables, j'écoute le silence si particulier du lieu. Merci, Colo pour ce poème si évocateur.
Avec plaisir Annie, je pensais bien que ce poème évoquerait des souvenirs, des émotions, chez la plupart d'entre vous, comme chez moi.
SupprimerAmicalement.
les bibliothèques sont un lieu que j'adore, même si ce n'est pas pour emprunter des livres mais pour simplement en "respirer" l'ambiance
RépondreSupprimerCette ambiance qu'il décrit si bien, dont il fait le tour...Bonne soirée Niki
Supprimermagnifique vraiment !!! je l'ai déjà copier coller dans mon carnet de poésie et je sais que je le relirai bientôt
RépondreSupprimerQuand j'entends bibliothèque j'ai immédiatement un petit frisson de plaisir, ma curiosité est en éveil, je suis en "attente" en effet
les "contours du temps s'estompent" car je sais que je vais passer un moment avec des amis
Ah, je savais qu'il te plairait! Frissons de plaisir...c'est bine ça!
SupprimerJe n'ai pas connu les bibliothèques dans ma jeunesse, je me suis rattrapée depuis ! Je suis irrésistiblement attirée par ce genre d'endroit ; le poème dit tellement bien ce qu'on y éprouve, j'aime Juarroz.
RépondreSupprimerTu as l'air de le connaître; tu sais peut-être qu'il était lui-même "bibliothécologue" (je ne sais si ce mot existe en français) pour L'Unesco et divers pays...
SupprimerCela explique pourquoi le poème rend si bien nos sensations.
Formidable, ton cadeau de Noël, merci Colo. Attendre et entendre, dans tous les sens du terme.
RépondreSupprimerCe beau poème m'a ramenée dans diverses bibliothèques fréquentées ou visitées de l'enfance à aujourd'hui, sans que jamais l'attente soit comblée - et bien sûr à la bibliothèque de l'école dont je me suis occupée pendant des années, en gardienne et hôte des livres, des heures chères à mon coeur.
Si cela t'a plu, me voilà ravie Tania. Toute une bibliothèque, c'est mieux qu'un seul livre comme cadeau!:-))
SupprimerJe t'ai déjà expliqué que je donnais certaines priorités à mes journées reléguant la lecture. En revanche je suis un rat de bibliothèque : les odeurs, les étagères, l'agencement, feuilleter les ouvrages, les toucher etc.....Tes photos à elles seules me procutent déjà un certain plaisir.
RépondreSupprimerTon approche est très sensuelle, je te comprends!
SupprimerBonne semaine Chinou.
C'est amusant, l'illustration que vous postez (l'homme sur l'échelle), je l'avais vue quelque part en couverture de "Bartleby le Scribe" (Melville).
RépondreSupprimerJ'adore me balader dans une bibliothèque, y flâner, y lire, fouiner. Il y a toujours des surprises. À Liège, lorsque l'on quitte la bibliothèque provinciale, on passe dessous car elle forme en partie un pont au-dessus de la route. J'imagine quelquefois la diversité, le poids, l'infinité des histoires, des essais, des poèmes qui me surplombent...
... comme la meilleure des attentes.
PS : le lien associé à "Colette Museur" pointe vers votre profil G+ mais vous ne l'avez pas associé à Espaces&Instants, on ne sait donc pas aller tout de suite vers votre blog depuis cette signature.
SupprimerBonjour Christw, oui, toujours une surprise qui nous attend en bibliothèque.
SupprimerPour le lien, je sais que je ne l'ai pas aaocié....cela changera-t-il quelque chose si je le fais?
D'autre part l'ami commentateur qui n'arrivait pas à mettre des commentaires sur mon blog a découvert (il travaille avec Firefox) que s'il passait par Chrome ça marchait...incompatibilité?
Bonne soirée.
Je veux dire que chez moi, quand vous laissez un com, lorsque je clique sur votre nom, je ne vais pas automatiquement à E&I. Ça ne me gêne pas, je vous connais, mais si vous visitez des personnes qui ne vous connaissent pas, ils ne vous associeront pas à votre blog.
SupprimerAh, je comprends, merci. Je le ferai dorénavant!
SupprimerBonjour Colette,
SupprimerNous sommes touchés par vos vœux qui nos attendaient à notre retour de Paris.
Portez-vous bien, bientôt une nouvelle année de beaux moments, nous en sommes sûrs, pour vous, pour nous. À bientôt.
A part des livres de cuisine, je ne peux rien lire d'autre, hi!!!!!!!!! Bisous
RépondreSupprimerBonjour Val, j'ai chez moi une étagère pleine de livres de cuisine: acheté, reçus, hérités de ma maman qui les collectionnait je crois!
SupprimerFeuilleter ou lire les recettes me détend, et toi tu en fais de si belles et bonnes choses!
Besos!
Bonjour Colo, moi aussi pendant ma thèse j'y ai passé des heures ! j'adorais cela. D'ailleurs, je continue régulièrement. Internet ne peut pas tout remplacer, non pas que je ne m'en serve pas, mais j'y mets des freins. Rien ne peut remplacer un livre.
RépondreSupprimerà bientôt, Claude
Bonjour Claude, je pensais l'autre jour aux encyclopédies....je doute qu'il y ait encore quelqu'un qui en achète. Par contre, ici du moins, on offre facilement un livre en papier, pas pour la liseuse!
SupprimerBonne fin d'Année.
Un poème lumineux à la veille du solstice d'hiver. Merci Colo
RépondreSupprimerCompter les jours qui viennent comme chacun remplissant une page vers plus de lumière.
SupprimerBonne fin d'année Bacchante.
Un lieu, une attente, c'est l'espace-temps...
RépondreSupprimerTout y est possible, et incertain aussi, comme si tout n'était pas ...écrit !
C'est exactement ça K, tout est encore à inventer si l'on veut.
SupprimerUn poème qui résonne en moi...
RépondreSupprimer"Ma" première bibliothèque... J'avais 5 ans, la porte de notre maison se trouvait à deux pas, j'y passais tous mes jeudis après midi !
Un monde, des mondes s'ouvraient en silence devant moi...
Merci !
Joyeuses fêtes ! Besos
Il y a, je trouve, une magie qui s'opère en entrant dans une bibliothèque...
SupprimerBonne fin d'année!
Roberto Juarroz est vraiment un de mes poètes préférés. Ce texte là me fait penser à cette magnifique exposition que j'ai vue cet été qui s'appelait une bibliothèque la nuit et qui avait été conçue par Alberto Manguel qui lui aussi a beaucoup écrit sur les biblliothèques
RépondreSupprimerPour toi alors ce court poème de saison, je crois que tu le comprendras en español:
SupprimerA veces me parece...
A veces me parece
que estamos en el centro
de la fiesta
sin embargo
en el centro de la fiesta
no hay nadie
En el centro de la fiesta
está el vacío
Pero en el centro del vacío
hay otra fiesta.
Formidable ce poème, la bibliothèque devient un sujet de méditation. C'est un lieu de silence où sont déposées les pensées, les idées, les joies, les peines des écrivaines et des écrivains. Dans le silence on écoute leurs paroles, on les reçoit, on y pense et on y repense, on apprend à mieux se connaître... Les meubles, les livres, le papier, les couvertures, sont importants aussi, un peu moins que le contenu des livres mais quand même. J'aime infiniment l'ambiance des bibliothèques, ton poème est un cadeau. Bises étoilées Colette, lumineuses fêtes de fin d'année à toi et aux tiens. brigitte
RépondreSupprimerMerci Brigitte, les bibliothèques ont aussi une lumière particulière...
SupprimerBonne fin d'Année, que les nuages qui passent sur mon île t'apportent sourires et plaisirs.
Vous m'avez fait découvrir ce poète, et je profite de mon passage pour vous en remercier encore une fois. Sa poésie me touche. Ce poème est superbe. Je vais imprimer votre traduction et la mettre dans le volume du Juarroz qui est juste à côté de moi.
RépondreSupprimerOh que cela me fait plaisir! Merci aussi pour la carte ronde et pleine de tendresse, elle vient d'arriver.
SupprimerMerci chère Colo pour la découverte de ce beau poème. Merci pour ce merveilleux cadeau.
RépondreSupprimerJe te souhaite une douce fin d'année et de joyeuses fêtes avec toute mon amitié.
Gros bisous ♥
J'aimerais bien offrir un recueil de poèmes à tous, alors je me suis dit qu'une bibliothèque...:-)
SupprimerBonne fin d'Année Denise, je t'embrasse
Lorsque le monde fera la somme de toute la lecture l'addition a payer sera la Connaissance et la Sagesse de l'humanité !
RépondreSupprimerHier soir je regarderais à la TV la présentation d'une bande dessinée intitulée BUG. L'auteur y imagine notre monde, en 2040 je crois, où tout le système informatique serait en longue panne.
SupprimerLe rôle des bibliothèques y est essentiel dans ce cas!
Merci du message que tu as laissé sur mon blog et qui me touche particulièrement. Gros bisous
RépondreSupprimerAvec plaisir, Joyeux Noël!
SupprimerMerci Colo pour ce beau texte! c'est dans les livres et les bibliothèques que se réfugie l'âme des humains à travers les âges... Bon Noël à toi et à ta famille! Grosses bises!
RépondreSupprimerPassez d'excellents moments, relire peut-être quelques contes de Dickens pour Noël?
SupprimerJe vous embrasse tous!
Voilà un livre que j'ai dans ma bibliothèque... et je ferais bien de le relire! J'ai d'excellents souvenirs dans les bibliothèques depuis mon enfance et j'ai pris beaucoup de plaisir à y emmener des enfants dès leur plus tendre jeunesse.Parce que les livres, c'est du domaine du sacré et que sans eux...
RépondreSupprimerOn voit bien ce qui se passe dans certains pays quand certains s'en prennent au patrimoine des bibliothèques,pendant que d'autres se mobilisent pour sauver les livres.
Merci pour ce poème hautement significatif.
Bonjour Maïté, détruire les bibliothèques est annuler la somme de la mémoire des hommes, tragique, tu as tellement raison d'en parler!
SupprimerLa bibliothèque, c'est l'espoir de passer de très bons moments à la lecture des livres qu'elle offre. Passe un très bon NOEL. Bisous.
RépondreSupprimerMerci Elisabeth, offrir et recevoir des livres qu'on aime, a aimé, magnifique cadeau!
SupprimerJe t'embrasse
Quelle magnifique poésie, quelle richesse découverte, mise à nu, le rôle de la librairie, le plaisir que l'on y trouve, qui s'y cache en attente d'être trouvé et retrouvé!
RépondreSupprimerEn retard pour faute de grippe (pas finie), tous mes voeux pour les fêtes chère Colo!
Oh ma pauvre Edmée, je t'enverrais bien une infusion d'herbes de sorcière;-))
SupprimerSi je peux te recommander un livre à lire au chaud, c'est "la bibliothèque des coeurs cabossés" de Katarina Bivald. Je suis absolument certaine que tu vas l'adorer...comme moi.
Remets-toi vite pour profiter de quelques bulles bientôt.
"La bibliothèque est une attente", c'est sûr... Elle renferme tellement de promesses, elle est en même temps une telle somme de l'humanité ! Bonnes fêtes de fin d'année, Colo !
RépondreSupprimerMerci Danièle, et grands succès pour toi!
SupprimerMerci Colette pour ce magnifique poème, à lire, à relire, à imprimer pour l'avoir sous la main dans un livre aimé.
RépondreSupprimerBelle et Douce Anne 2018 à toi et à tes proches !
Un tout grand merci Fifi, entre (vieux) voisins on dînera ensemble, simplement, demain soir.
SupprimerOui, que l'Année nous soit douce à tous.
Maman effectuait quelques heures de ménage dans la maison d'un couple de personnes âgées. Tout deux, anciens professeurs. une maison qui comportait une pièce où l'on repassait le linge et où on le rangeait. Une grande salle, avec une méridienne en velours lie de vin, et une bibliothèque sur tout un mur. Une bibliothèque aux portes de verre, jusqu'au plafond. Une quantité impressionnante de livres. J'étais déjà une grande lectrice même si jeune enfant. Et d'un rayon, la dame aux cheveux blancs, bouclés, en retira un livre dont elle me conseilla la lecture.
RépondreSupprimerLorsque je fus en âge de décider de mon avenir professionnel, je m'enquis des études nécessaires pour être bibliothécaire. Mais hélas, trop d'embûches, une liste d'attente longue comme un jour sans pain, et je déviais alors vers un autre avenir...
Mais les livres me font toujours autant rêver.
Beau début d'année toute neuve, ma très chère Colo. Besos con luz y amor !
Merci pour ces beaux souvenirs Lou.
SupprimerBesos de libros, de luz!
Touchée par cette belle poésie.... pour ce cadeau... merci pour vos allées et venues chez moi, vos messages.
RépondreSupprimerA mon tour de vous apprécier, et vous présenter mes voeux les plus sincères en ces temps de nouvelle année...
Je vous embrasse.
Den
Merci Den!
SupprimerDes baisers ensoleillés aujourd’hui