Poursuivons
avec François Cheng et ses interrogations sur la beauté.
Sigamos
con François Cheng y sus preguntas sobre la belleza.
"Envisager,
dévisager, est-ce à dire que nous sommes condamnés à rester
éternellement à l'extérieur, face à l'univers vivant et sa
beauté?
Une
ultime interrogation, inévitablement, nous assaille: nous sommes
sensibles à la beauté, mais l'univers, lui, reste apparemment
indifférent, comme expliquer ce paradoxe?
"Contemplar,
escrutar, ¿significa eso que estamos condenados a quedarnos
eternamente al exterior, frente al universo vivo y su belleza?
Una
última interrogación nos invade inevitablemente: somos sensibles a
la belleza, pero el universo queda aparentemente indiferente, ¿cómo
explicar esa paradoja?
Nous
tombons en extase devant tel paysage, tel arbre, telle fleur, alors
qu'eux-mêmes s'ignorent et nous ignorent. Sommes-nous enfermés dans
notre subjectivisme bien vain, pour ne pas dire ridicule?
Nos
extasiamos delante de tal paisaje, tal árbol, tal flor, mientras
ellos mismos se ignoran y nos ignoran. ¿Estamos nosotros encerrados
en nuestro subjetivismo vano, por no decir ridículo?
Il
y a peut-être une autre compréhension possible. Pour la cerner, il
me faudrait faire un détour par la peinture chinoise. On connaît
plus ou moins cette peinture pour l'avoir vue par-ci par-là, dans
des expositions ou à travers des reproductions. On y admire de
grands rouleaux représentant d'immenses paysages, dans lesquels
figurent toujours un ou plusieurs petits personnages.
Pour
un œil occidental habitué à la peinture classique où les
personnages sont campés au premier plan et le paysage relégué à
l’arrière fond, le petit personnage dans le tableau chinois paraît
complètement perdu, noyé dans la brume du Grand Tout.
Tal
vez haya otra comprensión posible. Para delinearla, tendría que
desviarme por la pintura china. Conocemos más o menos esa pintura
por haberla visto aquí y allá en exposiciones o en reproducciones.
Admiramos grandes rollos con inmensos paisajes, en los cuales siempre
figuran uno o varios pequeños personajes.
Para
un ojo occidental acostumbrado a la pintura clásica donde los
personajes están esbozados en primer plano y el paisaje relegado al
trasfondo, el pequeño personaje del cuadro chino parece
completamente perdido, anegado en la bruma del Gran Todo.
Mais
si, avec un peu de patience et d'abandon, l'on consent à contempler
ce paysage mû par le souffle de l'infini, jusqu'à y pénétrer en
profondeur, on finit par prêter attention à ce petit personnage, à
s'identifier à cet être sensible qui, placé à un point
privilégié, est en train de jouir du paysage. On s'aperçoit qu'il
en est le point névralgique, qu'il est l’œil éveillé et le cœur
battant d'un grand corps. Il est pour ainsi dire le pivot autour
duquel se déploie le paysage, de sorte que celui-ci peu à peu
devient son paysage intérieur. (...)”
En Europe parfois aussi...A. Sisley 1899, Courbe de la Seine à Saint-Cloud |
Pero
si, con un poco de paciencia y de abandono, consentimos en contemplar
ese paisaje movido por el soplo del infinito, hasta penetrarle,
acabamos por prestar atención a ese pequeño personaje, a
identificarnos con ese ser sensible que, situado en un punto
privilegiado, está disfrutando del paisaje. Notamos que es él el
punto neurálgico, que es el ojo despierto y el corazón batiente de
un gran cuerpo. Es, por así decir, el eje alrededor del cual se
despliega el paisaje, de tal forma que este se convierte en su
paisaje interior.(...)”
si tu viens en Belgique cet hiver, tu pourras aller voir l'expo d'estampes japonaises!
RépondreSupprimerhttp://www.kmkg-mrah.be/fr/expositions/ukiyo-e
Cela va être superbe dis donc!
SupprimerSi l'automne me redonne santé, j'irai sans aucun doute en Belgqiue cet hiver, merci!
Superbe texte, qui me donne fort envie de lire cet essai de François Cheng.
RépondreSupprimerJe mettrai ton billet en lien dans celui que je prépare pour l'instant, cela s'impose. Bonne soirée, dame Colo.
Surtout ne l'achète pas, je te l'envoie la semaine prochaine.
SupprimerSi cela s'impose..merci!
Bonne soirée dame Tania, un beso.
La réflexion est intéressante... Et amène à réaliser une fois de plus combien le fait d'être né et dépendant d'une culture et pas d'une autre nous ouvre des univers en nous en fermant d'autres, lesquels sont fermés ou ouverts dans d'autres cultures...
RépondreSupprimerC'est si vrai! Cet extrait m'a semblé lumineux, et je me suis demandé comment les personnes d'autres cultures percevaient nos peintures. Certaines, c'est sûr, doivent les choquer.
SupprimerBon week-end Edmée.
Cette différence dans la manière de regarder le monde autour de nous est fascinante ; dommage que nous ne cherchions pas davantage à nous enrichir les uns les autres. Des hommes comme François Cheng sont précieux pour mettre le doigt sur l'essentiel.
RépondreSupprimerEn effet. Peut-être sommes-nous tellement et si faussement convaincus que notre façon de voir est la bonne, que nous ne cherchons pas plus loin aussi...
SupprimerBonne journée Aifelle
J'avais quelques billets de retard, Colo. je viens de les lire. Je repars en me disant que oui, habiter chaque espace chaque instant poétiquement, là est le véritable défi. Passe un bon week-end.
RépondreSupprimerContente de te voir par ici, un beso.
SupprimerIl en est de la lecture comme de la peinture : savoir indiquer aux yeux le chemin qui mène aux sentiments, et à l'émotion en particulier. Tout est dit dans ce tableau de Sisley
RépondreSupprimerIl est bien dommage qu'on ne nous apprenne pas à "voir" ni comprendre les cultures si différentes de la nôtre...Pour moi ce texte a été un vrai éveil.
SupprimerLa beauté est autour de nous, paysages, fleurs, ciels et chaque personne, je pense, s'émerveille à sa façon et pour d'autres sujets.
RépondreSupprimerLa toile de Sisley me plaît infiniment. J'aime la profondeur du paysage, l'harmonie des verts et le ciel d'une grande douceur. Tout est beau.
Merci chère Colo pour ton billet et les mots de François Cheng.
Doux week-end et mes bisous ♥
Merci Denise, bon week-end à toi aussi, un beso.
RépondreSupprimerQuelle magnifique analyse de François Cheng. Je regarderai autrement les petits personnages du fond de la toile. Merci et bon dimanche.
RépondreSupprimerPartager ce genre de texte est un vrai plaisir, bon dimanche à vous aussi!
SupprimerUn auteur cher à mon coeur, tout comme la beauté comme interrogation. Qu'est ce qui nous touche dans ce que nous considérons comme beau ?
RépondreSupprimerMerci pour ton billet que j'ai parcouru plusieurs fois :-)
Bonne semaine chère Fifi.
SupprimerJe suis moins sensible à ce passage ( nous sommes sensibles à la beauté, mais l'univers, lui, reste apparemment indifférent, comme expliquer ce paradoxe?) que je ressens plus "capillotracté"...mais les petits personnages emportent l'adhésion !
RépondreSupprimerJe suis d'accord, certaines phrases sont...enfin, comme celle qui suit l'extrait:" Si nous pouvons penser l'univers, c'est que l'univers pense en nous".
SupprimerLes personnages, nous, une sorte de leçon d'humilité que leur taille.
On aurait bien envie d'être à sa place au milieu de cette oeuvre! Bisous
RépondreSupprimerTu parles!
Supprimerpetit problème informatique qui viens de se résoudre ouf
RépondreSupprimerje poursuis avec toi le chemin de la beauté, des chinois aux impressionnistes voilà un beau parcours
Oh, c'est la peste quand ça arrive et tu es douée si tu arrives à arranger ces trucs!
SupprimerUn itinéraire avec Cheng : le paysage intérieur y gagne en beauté.
RépondreSupprimerChanger de point de vue...
RépondreSupprimerExactement!
SupprimerJ'aime beaucoup écouter François Cheng et le lire. C'est profond et pousse à la réflexion sur le changement de points de vue et les codes.
RépondreSupprimerSi tu t'intéresse à l'analyse des tableaux, à l'évolution des codes de la peinture occidentale, au rôle de la construction de la connaissance par le spectateur, lis Daniel Arasse. On y apprend beaucoup de choses.
Mais l'itinéraire philosophique et poétique de François cheng est un vrai bonheur.
Daniel Arasse, je note.
SupprimerGrand merci Maïté, tu es une source d'infos magnifique!
De quoi se poser des questions sur notre place dans le paysage. Merci beaucoup.
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