Choisir un paragraphe dans “Aussitôt que la vie” de Marie Gillet n’a pas été une mince affaire. Lequel privilégier parmi les arbres, les bleus, le thym, les carnets ?
Celui-ci pose tant de questions sur notre façon de marcher, sur celle de nos libertés, sur “faire autrement” que...le voici.
“Je marchais comme cela parce que je ne m’autorisais pas à penser que marcher autrement était possible, d’autant plus que je n’imaginais pas en avoir le droit. (J’ai longtemps vécu sans savoir que j’avais des droits). J’avais décidé de faire des courses car c’était une façon de me rendre intéressante aux yeux du Chef dont je quémandais l’intérêt. Je voulais lui montrer que moi aussi, j’étais forte. Je devais être plus forte que les sentiers les plus rudes ? J’y arrivais. Je devais être plus forte que les autres marcheurs ? J’avais du mal mais j’avais acquis une place honorable, hélas, pas la première, mais dans un bon classement. Je devais ramener le meilleur des butins ? Là, je m’en sortais bien: mes photographies étaient admirées, mes cailloux exposés. Butin. Le mot-clé avec pouvoir. Car je n’imaginais pas qu’on puisse marcher gratuitement, pour le plaisir, pour la beauté du monde, tranquillement,”
(p.73)
Collines, vent, bleus, plantes....
“Yo andaba así porque no me permitía pensar que andar de otra manera fuera posible, tanto más cuanto que no me imaginaba tener ese derecho. (he vivido mucho tiempo sin saber que tenia derechos). Había decidido correr pues era una forma de volverme interesante a los ojos del Jefe del cual suplicaba su interés. Quería enseñarle que yo también era fuerte. ¿tenía que ser más fuerte que los senderos más escarpados? Lo era. ¿Debía ser más fuerte que los otros caminantes? Me costaba, pero había alcanzado una plaza honrosa, no la primera, pero bien clasificada. ¿Tenía que traer los mejores botines? Eso se me daba bien: mis fotografías eran admiradas, mis guijarros expuestos. Botin. La palabra clave con poderes puesto que yo no imaginaba que se pudiera andar gratuitamente, por placer, por la belleza del mundo, tranquilamente, pararse de trepar porque ya basta, pararse de correr para respirar un poco, simplemente gozar; no, hacía falta que todo eso sirviera de algo.” Trad: MAH, gracias.