10 juil. 2024

Déguisements / Disfraces


 Elvira Sastre (Segovia 1992) est une jeune femme brillante. Écrivaine, poétesse, philologue, 
 
traductrice, que j'ai lue souvent mais jamais jusqu'à aujourd'hui je n'avais assez accroché à sa
 
poésie pour décider des passer des heures à traduire un poème. 
 
 
 
L'amour dans un bocal    
                                      
                                                 Elvira Sastre 
 
 

La solitude c’est regarder des yeux qui ne vous regardent pas.

 

Elle arrive alors, déguisée

en oiseau, arbre et vent,

elle arrive alors, déguisée,

attrape une larme avec le doigt

et la met dans un bocal.

 

La mer me manque,

j’arrive à dire.


Il ne restera aucun espace dans le monde sans toi,

tu sais,

aucun endroit où

je ne te regarderai.

Montagnes, saules, toile d’araignée,

partout je tisse ton nom,

partout je place ton corps face à la blessure.


Je t’emmènerai, peut-être,

devant le précipice,

je devrai te pousser et te prendre la main

pour que tu me croies.

 

Et seulement alors, si je détourne le regard

vers le fond,

inquiète pour ce qui t’attend là,

je te dirai que je ne peux partager ma douleur,

que le vent me porte ailleurs,

que le silence est l’unique endroit

où il me reste des mots,

que je dois te lâcher

pour pouvoir me prendre,

que je pars, amour,

que je t’aime et je pars en t’aimant

pour ne plus jamais t’aimer

et oublier les montagnes,

et les saules,

et les toiles d’araignées,

et ton corps face à la douleur

qui m’attend maintenant en d’autres lieux.

 
 

Et ainsi, avec la peine de l’inévitable,

tu recueilleras du doigt la même larme

qu’aujourd’hui tu m’ôtes

et tu la déposeras à nouveau sur mon visage,

cette fois

sur l’autre joue.


La solitude c’est regarder des yeux qui ne vous regardent pas. 

 

(Trad: Colo)


José Perdomo
Precipicio
1988
República Dominicana

 

 



 
 
 
 

Elvira Sastre - El amor en un bote de cristal

 

La soledad es mirar a unos ojos que no te miran.

Llega entonces ella, disfrazada
de pájaro, árbol y viento,
llega entonces ella, disfrazada,
atrapa una lágrima con el dedo
y la mete en un bote de cristal.

Añoro el mar,
alcanzo a decir.

No quedara hueco en el mundo en el que no existas,
me dice,
no existirá lugar alguno en el que
no te mire.
Montañas, sauces, telas de araña,
en todos tejo tu nombre,
en todos coloco tu cuerpo frente al daño.

Te llevaré, acaso,
ante el precipicio,
habré de empujarte y cogerte la mano
para que me creas.

Y solo entonces si desvío la mirada
hacia el fondo,
inquieta por lo que allí te espera,
te diré que no puedo compartir mi dolor,
que el viento me lleva a otro sitio,
que el silencio es el único lugar
en el que me quedan palabras,
que he de soltarte
para poder cogerme,
que me voy, amor,
que te quiero y que me voy queriéndote
para no quererte nunca más
y olvidar las montañas,
y los sauces,
y las telas de araña
y tu cuerpo frente al daño
que me espera ahora en otros lugares.

Y así, con el dolor de lo inevitable,
recogerás con el dedo la misma lágrima
que hoy me quitas
y volverás a dejarla sobre mi rostro,
esta vez
en la otra mejilla.

La soledad es mirar a unos ojos que no te miran.

26 commentaires:

  1. Chère Colo, ce poème me bouleverse.
    Merci pour ta belle traduction. Je l'ai copié dans mon fichier de poèmes à relire.

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  2. ouh un poème qui demande a être lu et relu pour s'en imprégner
    j'ai été particulièrement touchée par cette larme que l'on recueille du bout du doigt et que l'on met dans un bocal.
    Le silence seul endroit où il reste des mots, et le dernier vers surtout : La solitude c’est regarder des yeux qui ne vous regardent pas.
    C'est tellement vrai et j'ajoute que c'est aussi parler à quelqu'un qui ne vous entend pas

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  3. Bouleversant... Emotions à chaque mot... "La solitude c’est regarder des yeux qui ne vous regardent pas." c'est si vrai... J'ai relu ce poème plusieurs fois tant il est intense ...

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    1. Plus je le traduisais, plus je ressentais cette émotion, oui.

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  4. c'esr vraiment poignant colo, et très beau

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  5. Comme c'est poignant de lire ce texte... j'en suis bouleversée, c'est tellement bien écrit. Merci ! bon après midi, bises.

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    1. Très vivant et profond, je te comprends Élisabeth.

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  6. C'est terrible de regarder des yeux qui t'ignorent, et si c'est la personne qu'on aime, c'est désespérant ! Poème bouleversant.

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  7. Ah oui c'est très émouvant, bouleversant même. J'aime beaucoup la somme de détails qui désignent le manque l'absence la perte.

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    1. Les toiles d'araignées...une liste de symboles très réussie, oui.
      Merci d'être passé.

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  8. Quel talent de traductrice tu as ! Tu réussis à nous faire ressentir de l'émotion à chacun de ces mots comme s'ils avaient été écrits en français. Cette larme récoltée du bout des doigts, ce silence, cette solitude et le ver final tout est bouleversant de vérité (La solitude c’est regarder des yeux qui ne vous regardent pas). Que c'est beau ! Merci pour ce partage. Comme tu t'en doutes je ne connaissais pas cet auteur.

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    1. Je rougis Manou, merci beaucoup, ça me fait grand plaisir.
      Le poème est très vivant en espagnol, il fallait rendre ça. Vivant, intime et profond. Contente que tu l'aies apprécié.

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  9. Texte très émouvant que vous avez parfaitement rendu. C'est terrible, ces yeux qui ne regardent plus, ni moi ni rien.

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    1. Merci Christian.
      Je me disais qu'en fermant les yeux on pouvait parfois sentir le regard sur soi de ceux qui ne regardent plus.

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  10. En effet , c'est çà la solitude et c'est bien cela qui fait mal même lorsque c'esst oliment écrit et tradut.

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  11. Cc, effectivement, 14 juillet aujourd'hui et fête nationale. Mais ici, on l'a célébrée hier, comme ds bp de villes, par spectacle pyrotechnique et déambulations sur l'eau. Bisous et bon dimanche

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  12. C'est avec émotion que j'ai lu ce merveilleux texte. Je reviendrai le relire tant il est beau et profond.
    Gros bisous Colo, merci.

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    1. Bonjour Denise, oui, c'est un poème à relire plusieurs fois, je t'embrasse, à bientôt

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  13. Quelle délicatesse dans ce poème, les mots sont comme suspendus dans un espace improbable, une fente, une brisure du temps, on retient son souffle, c'est vraiment magnifique, bravo à toi d'avoir su rendre cette émotion. Bisous dame Colo, à bientôt. brigitte

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    1. Merci Brigitte, il y a une grande force vitale dans ce poème.
      Je t'embrasse dame Plumes, je passerai chez toi très bientôt.

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