Chants nouveaux
Federico
Garcia Lorca (Août 1920)
Le
soir dit: j’ai soif d’ombre !
La
lune dit : moi,
d’étoiles brillantes.
La source cristalline veut des
lèvres
et
des soupirs le vent.
Mais
moi, j’ai soif de parfums et de rires,
soif de chants
nouveaux
sans lunes et sans lys
et sans amours mortes,
Soif
d’un chant matinal qui ferait frémir
les eaux dormantes
de
l’avenir, emplissant d’espérance
leurs ondes et leurs
fanges.
Il
serait lumineux et tranquille
plein de riches pensées,
vierge
de mélancolie,
d’angoisse et de rêves.
Un
chant léger qui comblerait
de rires le silence.
(Telle une
volée de colombes aveugles
lâchées dans le mystère.)
Ce
chant toucherait à l’âme des choses,
à l’âme des
vents,
et se reposerait enfin dans la joie
du coeur
éternel.
(Trad: Colo y MA)
Cantos nuevos
de Federico García Lorca
Agosto
de 1920
dice la tarde:
¡tengo sed
de sombra! .
Dice la luna: yo, sed de luceros .
La fuente
cristalina pide labios
y suspiros el viento.
Yo
tengo sed de aromas y de risas.
Sed de cantares nuevos
sin
lunas y sin lirios,
y sin amores muertos.
Un
cantar de mañana que estremezca
a los remansos quietos
del
porvenir. Y llene de esperanza
sus ondas y sus cienos.
Un
cantar luminoso y reposado,
pleno de pensamiento,
virginal
de tristeza y de angustias
y virginal de ensueños.
Cantar
sin carne lírica que llene
de risas el silencio.
(Una
bandada de palomas ciegas
lanzadas al misterio).
Cantar
que vaya al alma de las cosas
y al alma de los vientos
y
que descanse al fin en la alegría
del corazón eterno.
C'est exactement ce qu'il nous faut, les deux dernières strophes ! Merci Colo.
RépondreSupprimerUn chant léger qui comblerait
de rires le silence.
(Tel une volée de colombes aveugles
lâchées dans le mystère.)
Ce chant toucherait à l’âme des choses,
à l’âme des vents,
et se reposerait enfin dans la joie
du coeur éternel.
C'est ce que je me suis dit, oui señor K.
SupprimerEn pensant aux temps si durs en Espagne à l'époque aussi....
Magnifique poème de ce grand poète qui me touche beaucoup. Merci pour ta belle traduction, Colo.
RépondreSupprimerUn baiser, cela s'impose, avec ce délicat dessin de bouches.
Ce dessin, comme c'est écrit, a été réalisé par Lorca pour illustrer un poème étrange de Neruda.
SupprimerWalking Around
Il arrive que je me lasse d'être homme.
Il arrive que j'entre chez les tailleurs et dans les cinémas
fané, impénétrable, comme un cygne de feutre
naviguant sur une eau d'origine et de cendre.
L'odeur des coiffeurs me fait pleurer à cris.
Je ne veux qu'un repos de pierres ou de laine,
je veux seulement ne pas voir d'établissement ni de jardins,
ni de marchandises, ni de lunettes, ni d'ascenseurs.
Il arrive que je me lasse de mes pieds et de mes ongles,
de mes cheveux et de mon ombre.
Il arrive que je me lasse d'être homme.
Il serait cependant délicieux
d'effrayer un notaire avec un lys coupé
ou de donner la mort à une religieuse d'un coup d'oreille.
Il serait beau
d'aller par les rues avec un couteau vert
et en criant jusqu'à mourir de froid.
Je ne veux pas continuer à être une racine dans les ténèbres,
vaccillant, étendu, grelottant de rêve,
en dessous, dans les pisés mouillés de la terre,
absorbant et pensant, mangeant chaque jour.
Je ne veux pas pour moi tant de malheur.
Je ne veux pas continuer avec la racine et la tombe,
avec le souterrain solitaire, avec la cave aux morts
transis, me mourant de chagrin.
Voilà pourquoi le lundi flambe comme le pétrole
lorsqu'il me voit arriver avec ma face de prison,
il aboie dans son parcours comme une roue blessée,
et marche à pas de sang chaud vers la nuit.
Et il me pousse vers certains coins, vers certaines maisons humides,
vers des hôpitaux où les os sortent par la fenêtre,
vers certaines cordonneries à l'odeur de vinaigre,
vers certaines rues effroyables comme des crevasses.
Il y a des oiseaux couleur de soufre et d'horribles intestins
pendant aux portes des maisons que je hais,
il y a des dentiers oubliés dans une cafetière,
il y a des miroirs
qui devraient avoir pleuré de honte et d'épouvante,
il y a de tous côtés des parapluies, et des poisons et des nombrils.
Je me promène paisiblement, avec des yeux, avec des chaussures,
avec fureur, avec oubli,
je passe, je traverse des bureaux et des magasins d'orthopédie
et des cours où il y a des vêtements pendus à un fil de fer:
caleçons, serviettes et chemises qui pleurent
de longues larmes sales.
Etonnant et étrange, en effet. Merci pour ce poème plutôt surréaliste - "des parapluies, et des poisons et des nombrils"!
Supprimer"sed de risas", surtout :-)
RépondreSupprimer(j'essaie de ne rêver qu'à l'accessible ;-))
Loin de Brel et de son "rêver un impossible rêve" alors :-)
SupprimerBonne journée Adrienne
je suis preneur. J'aime beaucoup cette interprétation. Et c'est un bien joli poème pour finir la semaine
RépondreSupprimerUn chant matinal bien agréable, positif....Bon week-end à toi
SupprimerQuel poème magnifique ! Et si joyeux, si plein d'espérance : dans la joie du cœur éternel. Oui, que chaque matin soit un chant.
RépondreSupprimerC'est ça, oui, voyons quel chant joyeux inventer ce matin ?
SupprimerJe suis sûre que tu as une idée, en jaune;-)
La poésie de Garcia Lorca me fait fondre. Elle est si belle. J'ai toujours un pincement au coeur en pensant à son destin. Bon week-end Colo, bises.
RépondreSupprimerElle m’enchante moi aussi sa poésie, elle fait souvent s'envoler l'imagination, les sens !
SupprimerBon week-end à toi aussi Aifelle.
C'est la grâce absolue et ta traduction si délicate est magnifique. Ce n'est jamais évident de traduire en saisissant la finesse du langage poétique, c'est un exercice que tu fais à merveille, particulièrement là, merci Colo. Doux week end, je t'embrasse. brigitte
RépondreSupprimerOh, je rougis, un tout grand merci Brigitte.
SupprimerQuand il s'agit de Lorca, qui semble si simple mais est extrêmement compliqué à traduire, je fais souvent appel à mon compagnon espagnol et, à deux, on finit par trouver des solutions acceptables. Ce n'est jamais parfait pourtant, hélas.
Bon week-end à toi aussi, froid et soleil à travers les fleurs d’amandiers.
J'espère que tu vas mieux. ça me fait plaisir de te lire à nouveau. Gros bisous et bonne soirée
RépondreSupprimerOui, oui, merci, ça va beaucoup mieux et je suis bien contente de retrouver tes recettes quotidiennes!
SupprimerUn beso Val.
Que j'aime ce poème si léger,si lumineux ! Quant au poème de Neruda, je suis touchée par le sens général qui est à l'opposé de celui de Lorca, je sui surprise par certains passages !
RépondreSupprimerContente que tu y voies toute cette légèreté Claudialucia, Lorca est si brillant.
SupprimerLe poème de Neruda, je l'ai découvert à travers le premier, un surréalisme peu courant chez ce poète, il m'a surprise moi aussi.
Douceur et légèreté, ce poème nous gâte !
RépondreSupprimerCelui de Neruda est lui déroutant...
Merci Colo pour ces deux opus si différents de ces deux Grands ! Besos.
Cette "lancée" de Neruda dans le surréalisme est surprenante, en effet!
SupprimerEt certaines images m'ont fait rire...À bientôt, besos