Le grand poète du premier romantisme en Espagne est, sans l’ombre d’un doute, José de Espronceda.
Né en 1808 en Estrémadure, son idée de liberté a toujours été en contradiction avec la politique espagnole. D’où de nombreux exils dont un à Londres et sa poésie a été influencée par Lord Byron.
Je vous propose le poème “La chanson du pirate”, un poème long mais qui, comme toutes les chansons, a un refrain et que tous les écoliers d’antan connaissaient par cœur, du moins en partie.
““La Chanson du Pirate” est la plus célèbre. À la fin du poème, on retrouve l’exaltation du héros romantique, de ce pirate qui veut seulement vivre librement, sans se soumettre. Le pirate représente le héros individuel, un personnage que nous pouvons retrouver dans la tradition romantique européenne. Étant donné qu’il n’aime pas les valeurs du monde, il s’élance en mer, vers la liberté la plus absolue qui soit.
Ses héros (…) représentent des symboles de la rébellion individuelle face à une bourgeoisie qui manque de sensibilité. (source : https://nospensees.fr/jose-de-espronceda-poete-romantique/)
La chanson du pirate José de Espronceda
Avec dix canons de chaque côté
vent en poupe, à toute voile,
ne coupe pas la mer, mais vole
un voilier brigantin.
Le bateau pirate, nommé
pour sa bravoure « Le Redouté »,
connu sur toute mer
de l'un à l'autre confins.
Sur la mer la lune brille
dans la voile gémit le vent,
et soulève d'un doux mouvement
des vagues bleues et argentées;
Et voilà le capitaine pirate,
Joyeux et chantant sur la poupe,
l’Asie d’un côté, l'Europe de l'autre,
et là-bas, devant, Istanbul.
Navigue, mon voilier
sans crainte, ni navire ennemi
ni orage, ni calme
ne détourneront ton cap
ni ne soumettront ton courage
Vingt prises avons-nous faites
en dépit de l’anglais
et ont baissé leurs bannières
cent nations à mes pieds.
Car mon bateau est mon trésor,
mon Dieu, c’est la liberté ;
ma loi, la force et le vent ;
mon unique patrie, la mer.
Au loin ; menez de féroces guerres
rois aveugles,
pour un empan de terre.
Ici j'ai à moi
tout ce que contient la mer sauvage,
à qui personne n’imposa de lois.
Et il n’y a plage
où que ce soit
ni drapeau,
qui ne s’incline devant mon droit
et mon courage.
Car mon bateau est mon trésor,
mon Dieu, c’est la liberté ;
ma loi, la force et le vent ;
mon unique patrie, la mer.
Au cri « Navire en vue ! »
il faut voir comme il vire et se prépare
à échapper à toute voile;
je suis le roi de la mer
et ma furie est à craindre.
Mon butin
équitablement
je le partage
je ne désire pour seule richesse
que la beauté
sans rival.
Car mon bateau est mon trésor,
mon Dieu, c’est la liberté ;
ma loi, la force et le vent ;
mon unique patrie, la mer.
Je suis condamné à mort !
Oh je ris
et si la chance me sourit
celui qui me condamne
pendu sera à une poutre
à bord de son propre bateau.
Et si je meurs
Qu'est-ce la vie ?
Je l’avais déjà donnée
pour perdue
quand du joug de l'esclave
comme un brave,
je me suis débarrassé.
Car mon bateau est mon trésor,
mon Dieu, c’est la liberté ;
ma loi, la force et le vent ;
mon unique patrie, la mer.
Ma musique préférée
sont les aquilons,
le fracas et le tremblement
des câbles secoués
les mugissements de la mer noire
et les rugissement de mes canons.
Et au violent son du tonnerre
et du vent hurlant
je m'endors apaisé,
par la mer bercé
Car mon bateau est mon trésor,
mon Dieu, c’est la liberté ;
ma loi, la force et le vent ;
mon unique patrie, la mer.
Traduction: Colo
La Canción del Pirata
Con diez cañones por banda,
viento en popa, a toda vela,
no corta el mar, sino vuela
un velero bergantín.
Bajel pirata que llaman,
por su bravura, El Temido,
en todo mar conocido
del uno al otro confín.
La luna en el mar riela
en la lona gime el viento,
y alza en blando movimiento
olas de plata y azul;
y va el capitán pirata,
cantando alegre en la popa,
Asia a un lado, al otro Europa,
y allá a su frente Istambul,
Navega, velero mío
sin temor, que ni enemigo navío
ni tormenta, ni bonanza
tu rumbo a torcer alcanza,
ni a sujetar tu valor.
Veinte presas hemos hecho
A despecho del inglés
y han rendido sus pendones
cien naciones a mis pies.
Que es mi barco mi tesoro,
que es mi dios la libertad,
mi ley, la fuerza y el viento,
mi única patria, la mar.
Allá; muevan feroz guerra
ciegos reyes
por un palmo más de tierra;
que yo aquí; tengo por mío
cuanto abarca el mar bravío,
a quien nadie impuso leyes.
Y no hay playa,
sea cualquiera,
ni bandera de esplendor,
que no sienta mi derecho
y dé pechos mi valor.
Que es mi barco mi tesoro,
que es mi dios la libertad,
mi ley, la fuerza y el viento,
mi única patria, la mar.
A la voz de "¡barco viene!"
es de ver cómo vira y se previene
a todo trapo a escapar;
que yo soy el rey del mar,
y mi furia es de temer.
En las presas yo divido
lo cogido por igual;
sólo quiero
por riqueza
la belleza
sin rival.
Que es mi barco mi tesoro,
que es mi dios la libertad,
mi ley, la fuerza y el viento,
mi única patria, la mar.
¡Sentenciado estoy a muerte!
Yo me río
no me abandone la suerte,
y al mismo que me condena,
colgaré de alguna antena,
quizá; en su propio navío.
Y si caigo,
¿qué es la vida?
Por perdida
ya la di,
cuando el yugo del esclavo,
como un bravo,
sacudí.
Que es mi barco mi tesoro,
que es mi dios la libertad,
mi ley, la fuerza y el viento,
mi única patria, la mar.
Son mi música mejor
aquilones,
el estrépito y temblor
de los cables sacudidos,
del negro mar los bramidos
y el rugir de mis cañones.
Y del trueno al son violento,
y del viento al rebramar,
yo me duermo sosegado,
arrullado por el mar.
Que es mi barco mi tesoro,
que es mi dios la libertad,
mi ley, la fuerza y el viento,
mi única patria, la mar.
JOSE DE ESPRONCEDA
le pirate comme idéal vertueux, et qui en plus n'aime pas les Anglais ;-)
RépondreSupprimerHé hé, ce n'était pas une question de désamour, mais les guerres maritimes avec les Anglais étaient fréquentes, ;-)
Supprimerje voulais dire qu'il adopte le point de vue du nationalisme espagnol, alors qu'il a dû s'exiler... chez les Anglais!
Supprimer(tu vois que j'ai bien lu ton intro ;-))
Ah, oui, oui, merci d'avoir tout lu !
SupprimerQuel travail de traduction ! brigands et pirates et bouter les anglais voilà un joli programme plein de flamme
RépondreSupprimerAh oui, la traduction m'a pris plus d'une semaine, c'était en effet très compliqué et il fallait essayer de garder le rythme de l'original, mais j'ai vraiment été prise par ce poème plein d'énergie, d'illusions.
SupprimerLes pirates font-ils encore tant rêver, je me le demande.
RépondreSupprimerMerci de nous faire connaître ce poète romantique espagnol, Colo.
Peut-être quelqu’un a-t-il la réponse....on verra!
SupprimerAvec plaisir Tania.
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour cette chanson, et bravo.
Je suis très impressionné par la qualité, la subtilité et la justesse de la traduction, qui a dû demander un travail considérable.
En plus de la beauté des mots, il me semble qu'il y avait ici un rythme délicat à capturer.
Vraiment, c'est un art difficile, alliant création et fidélité - mélangées à la goutte d'encre près.
Pour toutes tes traductions, chère Colo : merci, merci, merci !
Bonne soirée,
Pierre.
C'est vraiment très gentil Pierre, gracias. S'il est vrai que la langue et la forme m'ont posé beaucoup de problèmes et que j'ai dû en discuter longuement avec mon complice espagnol, il doit y avoir moyen de faire mieux!
SupprimerCe pirate romantique, héros et maître des mers est-il un héros révolu qui ne fait plus rêver comme se demande Tania. As-tu une idée ?
Bonne fin de semaine, amitiés.
Bonjour Colo,
SupprimerJe pense effectivement que le rêve d'être pirate est tombé en désuétude, car notre rapport à la violence n'est plus le même. La violence romantique est réduite à ce qu'elle est, et non à ce qui l'inspire. Ainsi disparaissent dans une même eau les révolutionnaires et les flibustiers.
- Mais peut-être me trompé-je !
Bonne et douce journée Colo.
Pierre.
Oh non, je ne crois pas que tu fasses fausse route Pierre.
SupprimerLa violence est omniprésente dans les films que regardent les jeunes, mais aucun héros romantiques...je rigole en pensant aux héros des jeunes.
La journée est belle, soleil joliment voilà, pudique ?
Bonne fin de semaine, les plantations sont terminées, je vais avoir plus de temps pour vous rendre visite (bon, sur vos blogs).
ON aimerait l'entendre chantée, cette chanson. Sais-tu si l'expérience a été faite ?
RépondreSupprimerBonjour Anne, et bien oui, un groupe nommée Tierra Santa, Heavy Metal l'a enregistrée. Elle ne m'emballe pas autant te dire, mais voilà le lien: https://www.youtube.com/watch?v=5k-QLyo9Hoc
SupprimerQuelle histoire ! Et comme Anne, j'attendais une vidéo à la fin, j'étais sûre que tu nous mettrais la chanson .. je vais écouter le lien que tu indiques, par pure curiosité. Bonne journée Colo (hier, première visite à Giverny, je me suis sentie vraiment revivre !)
RépondreSupprimerC'est un poème qu'il a intitulé chanson, mais...pas facile à chanter non plus dans un espagnol un peu vieilli...
SupprimerSuper cette visite, bien contente que tu retrouves la joie de vivre. Y retourner fréquemment ??? Un beso,
Cette poésie nous fait embarquer avec ce pirate et nous plonge dans l'ambiance des vieux gréements.
RépondreSupprimerBelle journée.
Paco
Oui, oui, on se sentirait invincibles pour un moment, non?
SupprimerBonne journée à toi aussi, avec ou sans couvre-chef.
Une chanson de pirate qui nous donnerait envie de prendre la mer avec lui
RépondreSupprimerOh oui, on y va?
SupprimerJe te souhaite un très bon we de Pentecôte. Gros bisous
RépondreSupprimerMerci Val, belles journées pour toi aussi.
SupprimerMerci chère Colo pour cette très belle chanson qui donne envie de s'évader sur les mers.
RépondreSupprimerBisous et doux week-end de Pentecôte.
Un tour sur le lac Denise ?
SupprimerJe t'accompagne...un beso
Je me sens un "Cœur de pirate", juste un cœur qui veut battre en toute liberté... Bises et doux week end dame Colo. brigitte
RépondreSupprimerTu n'es pas canadienne pourtant Brigitte, ;-)) Je blague.
SupprimerBon week-end, liberté dans la tête.
Voilà qui me refait penser à ceci :
RépondreSupprimerNous emmenions en esclavage
Cent chrétiens, pêcheurs de corail
Nous recrutions pour le sérail
Dans tous les moutiers du rivage
En mer les hardis écumeurs!
Nous allions de Fez à Catane
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
On signale un couvent à terre
Nous jetons l'ancre près du bord
À nos yeux s'offre tout d'abord
Une fille du monastère
Près des flots, sourde à leurs rumeurs
Elle dormait sous un platane
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
La belle fille, il faut vous taire
Il faut nous suivre, il fait bon vent
Ce n'est que changer de couvent
Le harem vaut le monastère
Sa Hautesse aime les primeurs
Nous vous ferons mahométane
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs, ouais
Elle veut fuir vers la chapelle
Osez-vous bien, fils de Satan?
Nous osons, dit le capitan
Elle pleure, supplie, appelle
Malgré sa plainte et ses clameurs
On l'emporta dans la tartane
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
Plus belle encore dans sa tristesse
Ses yeux étaient deux talismans
Elle valait mille tomans
On la vendit à sa Hautesse
Elle eut beau dire "je me meurs!"
De nonne, elle devint sultane
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
Une magnifique mise en chanson de Victor Hugo par Claude Nougaro et Maurice Vander.
Quelle fluidité !
https://www.youtube.com/watch?v=4wZ0zaLT1mw
A bientôt et merci Colo.
Ah excellent rapprochement ! Espronceda étête des anglais et Hugo prostitue des nonnes....no comment.
SupprimerJ’aurais beaucoup aimé qu'il existe en espagnol une mise en chanson aussi réussie que celle de Nougaro, fluide comme tu dis et si mélodieuse aussi.
Merci merci señor K.
Bonjour Colo
RépondreSupprimerune très belle chanson poétique découverte et je m'associe à l'admiration de la qualité de la traduction.
Le problème de la traduction est d'ailleurs à l'ordre du jour.
Quant au texte de ce poète dont je n'avais jamais entendu parler, il nous séduit par sa musicalité, son thème et ce que l'on peut aborder avec humour aujourd'hui de tout son contexte historique.
Vive la liberté, su ce qui est peut-être le dernier espace un peu préservé (du moins en surface) du fait de son caractère peu accessible au commun de smortels.
Merci Colo.
J'ai découvert ici ce que je crois être une petite pépite poétique. Dès que je peux, je partage et réalise l'envoi.
Besos
Chouette, tu reviens par ici !
SupprimerBonjour Maïté, tu te souviens probablement que dans notre jeunesse il y avait des pirates bons, et des mauvais. Ce héros, épris, oui, de liberté, partage son butin.
Les sujets abordés par Espronceda, la langue un peu vieillie, tout cela fait qu'on les lit et connaît peu maintenant, mais j'ai trouvé une belle qualité, un rythme chez ce poète.
Besos para ti !
Le travail ciselé de traduction demande de grandes connaissances de la langue, de l'auteur, de son œuvre. Ce véritable travail d'équilibriste est souvent trop peu reconnu.
RépondreSupprimerMerci Colo d'avoir œuvré pour nous et belle semaine !
Bonjour et merci ! oui ce fut un travail de longue haleine et la traduction n'est sûrement pas parfaite mais acceptable;-)
SupprimerUne traversée en mer serait agréable, non ?
Bon week-end.
Je suis moi aussi très admirative du talent des traducteurs, et du tien en particulier.
RépondreSupprimerLe titre de ce post m'a happée, car je considère moi aussi que, d'une tout autre façon que celle illustrée par ce texte, l'océan est une de mes patries (oui, j'en ai plusieurs ...) : celle qui m'empêche, quand je l'habite, d'avoir peur de la mort.
https://www.youtube.com/watch?v=FrT12XF9UTY
La vidéo est magnifique, un tout grand merci Nikole.
SupprimerOui, un mélange d'attirance et de crainte devant cette force...