3 mars 2011

Poésie dans la cuisine / Poesía en la cocina


Ce billet est inspiré d’un article intitulé « Choses de grand-mères » (El País 27-02-2011) écrit par Elvira Lindo. Este texto está inspirado en un artículo titulado “Cosas de abuelas” (El País 27-02-2011) escrito por Elvira Lindo

J’ignore comment sont, ailleurs, les cuisines des femmes d’un certain âge ; ici celles de la Encarna, de la Valeriana ou de la Francisca sont de véritables bazars, des mines de trésors qui pourraient faire l’objet d’une thèse de sociologie.

« Je pense que celui qui ne s’est pas assis un jour dans l’une de ces cuisines ne peut connaître l’essence du pays ». Car ces dames gardent tout, recyclent tout, littéralement. Dans quelques mètres carrés.

Les enfants ou les petits enfants leur offrent une cafetière électrique, une série de tupperware, un appareil à écraser l’ail ? Elles remercient chaleureusement, font semblant d’en avoir compris le fonctionnement et, sitôt partis, elles les recouvrent d’un chapeau en crochet (pour la poussière), et continuent à employer leurs vieux ustensiles. Elles sont heureuses de découper par le milieu un tetrabrik de lait, d’employer le bas pour y conserver une ration de nourriture et le haut comme couvercle… pas besoin de salir un tupper. La vieille petite cafetière qu’elles mettent sur le feu, bien sûr la poignée est cassée mais elles savent s’en servir sans se brûler, et puis c’est juste la bonne mesure…Et, enfin, rien ne peut remplacer leur vieux mortier en bois imprégné du goût d’ail !


Ignoro cómo son, en otras partes, las cocinas de las mujeres de cierta edad; aquí las de la Encarna, la Valeriana o de la Francisca son verdaderos bazares, minas de oro que podrían ser el objeto de una tesis de sociología. “Pienso que quien no se haya sentado a hablar alguna vez en una de estas cocinas no está capacitado para conocer la esencia del país”.

Porque esas señoras lo guardan todo, lo reciclan todo, literalmente. En unos metros cuadrados.

¿Sus hijos o nietos les regalan una cafetera eléctrica, una serie de tupperware, un aparato para machacar el ajo? Les dan las gracias con mucho amor, hacen como que han entendido el funcionamiento y, nada mas marcharse ellos, los tapan con un sombrero de ganchillo para el polvo, y siguen utilizando sus viejos utensilios.

Son felices al cortar por la mitad un tetrabrik de leche y usar la parte baja para conservar una ración de comida y la otra de tapadera… ¿para qué ensuciar un tupper? La vieja cafetera que ponen en el fuego, bien es verdad que el mango está roto, pero ellas saben usarla sin quemarse, y además es justo la medida que toca…Y, por fin, ¡nada puede reemplazar su viejo mortero impregnado de sabor a ajo!

Dans la réserve il y a évidemment des bocaux en prévision des conserves, mais aussi une boîte remplie de bougies d’anniversaire mi-consumées, une autre avec des bouchons de bouteille, des élastiques récupérés sur les bottes de poireaux, un sac en plastique avec le pain dur -elles en feront de la chapelure-, de jolis essuie-main de cuisine qui sont trop beaux pour les salir, leur téléphone portable à côté d’une liste des numéros d’urgence, une boîte encore avec des photos de tous, les annonces de mariage et de décès…un vrai bazar dont elles sont fières.

En la despensa hay por supuesto tarros de cristal para hacer conservas, pero también una caja llena de velas de cumpleaños medio gastadas, otra con corchos de botellas, gomas elásticas recuperadas de los manojos de puerros, una bolsa de plástico con el pan seco, - ellas lo rallarán-, bonitos trapos de cocina demasiado bonitos para mancharlos, su móvil al lado de una lista de números de urgencia, una caja con fotos de todos, anuncios de bodas y de fallecimientos…..un verdadero bazar del cual están orgullosas.

Elvira Lindo pensait que ce genre de cuisine n’existait que dans des coins de la Méditerranée jusqu’à ce qu’elle voit POETRY, le magnifique film du coréen Lee CHAN-dong. « Il y avait longtemps que je ne voyais un film qui m’émeuve tant. Les villes occidentales se sont remplies ces dernières années de restaurants exotiques et nous avons pensé, erronément, qu’à travers eux nous connaissions la Chine, la Corée, le Vietnam ou ces pays arabes qui nous montrent en ce moment des désirs si pareils aux nôtres. ( …) La cuisine de la grand-mère qu’interprète l’actrice Yoon Jeong-Hee ressemble à la cuisine de nos grand-mères » (…).

«Elle (la grand-mère) ne sait pas que la poésie de sa vie, plus que dans les feuilles de l’arbre ou dans la brise, est dans la cuisine, si puissamment sienne et nôtre aussi» (…).


Elvira Lindo pensaba que este tipo de cocinas sólo existía en algunos rincones del Mediterráneo hasta que vio POETRY, la magnífica película del coreano Lee Chan-dong. “Hacía tiempo que no veía una película que me conmoviera así. Las ciudades occidentales se nos han ido llenando en los últimos años de restaurantes exóticos y hemos pensado, ilusos, que a través de ellos conocíamos China, Corea, Vietnam o esos países árabes que ahora nos muestran anhelos tan similares a los nuestros. (…) La cocina de la abuela que interpreta la actriz Yoon Jeong-Hee se parece a la cocina de una de nuestras abuelas” (…).

“Ella (la abuela) no sabe que la poesía de su vida, más que en las hojas del árbol o en la brisa, está en esa cocina, tan poderosamente suya y nuestra también” (…)

Sans être encore très âgée ni (encore ?) grand-mère, j’ai pris cette photo…dans ma cuisine !

Sin ser todavía muy mayor ni (¿todavía?) abuela, saqué esa foto….¡en mi cocina!

29 commentaires:

  1. Bonsoir Colo, j'ai lu dans Le Monde il y a quelques ans que le best-seller japonais portait sur les traditions anciennes de conserver la nourriture. L'auteur se plaignait du fait que dans nos sociétés modernes on achète beaucoup de nourriture, en mange peu et puis on jette le reste. Avant les frigos, la nourriture à toute disponibilité il fallait être frugal. Dans la cuisine il fallait être habile. J'imagine ma grand-mère était et mon oncle continue de suivre son exemple.

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  2. @ Ren

    Aujourd'hui encore, peu empêche de toujours sécher des tomates, des fruits, de la morue... De fumer de l'anguille ou du canard...
    De confier à des bocaux des huiles enrichies d'ail, de champignons... De conserver des cous d'oies farcis, des farfouilles de ratatouilles, des pieds et paquets... De mettre en bouteilles des baies, des gousses, la sauvagerie de certains sous-bois... D'affronter les gelées avec des confitures, des marmelades...
    Et toutes ces couleurs, et toutes ces senteurs qui mettent une cuisine en technicolor.

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  3. Me voilà toute admirative et toute envieuse, je suis la grand mêre indécente qui ne garde rien, qui jette, qui se débarrasse de tous les vieux machins, je ne fais pas de conserves, je ne cuisine qui si vraiment je suis obligée
    Ah Colo que je t'envie (si si ) ces étagères pleines de trésors
    Par contre comme nul n'est parfait j'ai des rayons entiers de livres de recettes que je n'ai jamais fait et que je ne ferai jamais !

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  4. le bonheur d'une cuisine qui sent bon les repas de famille préparés mijotés pour le plaisir de tous petits et grands !

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  5. **Bonjour Ren, je suis profondément convaincue de la nécessité absolue de revenir(ou de poursuivre)ces coutumes de frugalité, de conservation. A bientôt!

    **JEA, merci pour ces couleurs, joyeuses pour les yeux et la gourmandise.

    **Ah, Dominique, quand les potagers débordent de superbes légumes et que les voisins partagent, c'est un bonheur, oui, et beaucoup de boulot! Je t'envie un peu moi aussi; tandis que je fais mes conserves, tu lis.. (mais moi je profite de tes lectures!)Si tu habitais plus près....j'offre volontiers.

    **Lautreje, l'excellent fumet arrive jusqu'ici!

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  6. J'aime faire des confitures, des tartes aux pommes et des gâteaux, mais c'est très simple, plutôt artisanal, il y a souvent un côté plus haut que l'autre ( pour les gâteaux).
    J'oubliais, j'adore pétrir le pain et regarder gonfler la pâte, ça donne des pains énormes, tu peux voir la photo sur mon site ( poème- le pain).
    Marcelle

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  7. Je suis allée voir les extraits du film "poetry" en cliquant sur ton lien. Emouvant et dès que je peux, j'irai le voir! Merci!
    Cette évocation de la cuisine est très belle. On peut voir un peu de l'âme d'une personne en traversant sa cuisine, oui... et j'ai souris en regardant tes étagères qui ressemblent un peu aux miennes, avec des objets similaires.

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  8. **Marcelle, je suis allée voir ton pain, il est magnifiquement gonflé, en effet! (je mets le lien ici car le poème qui l'accompagne est fort joli: http://marcellepaques.skynetblogs.be/archive/2009/11/07/le-bon-pain.html)
    Artisanal...c'est là qu'est tout le charme.

    **Christiane, je ris souvent, me moquant de moi, en entrant dans ma réserve! On y trouve de tout...
    Bon weekend à toi!

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  9. Ton billet est irrésistible de poésie et de joie de vivre, merci. Les chapeaux en crochet, les "trop beaux pour les salir", les recyclages maison, plein de détails me rappellent mes grands-mères, ma mère, ma soeur.
    En déménageant, j'ai trié les affaires de cuisine, plutôt encline à faire peau neuve comme Dominique. Piètre cuisinière, je suis aussi davantage gardienne de mon temps pour la lecture que pour les petits plats, même si j'aime recevoir des amis. Mon âme n'est pas dans ma cuisine mais dans mon bureau.
    D'où vient qu'on possède ce talent ou pas, voilà un sujet à faire mijoter ensemble... Mais gardons espoir, j'essayerai une de tes recettes un jour ou l'autre !

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  10. Voilà des étagères bien sympathiques... où les conserves côtoient les sachets et où les ustensiles rudimentaires trouvent une place incongrue.
    La cuisine est l'endroit où les vraies choses se disent et je crois bien que le fait que c'est si coloré et pas trop ordonné aide à rendre l'endroit plus chaleureux enfin c'est ce que je me dis quand je n'ai pas envie de ranger ;-)

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  11. **Ah Tania, ces chapeaux en crochet que l'on trouve ici, souvent dans les salles de bain, existeraient-ils en Belgique aussi?
    Heureusement nous sommes tous différents! Mon âme (comme tu dis) ne se trouve heureusement pas toujours en cuisine mais elle s'y plaît bien de temps en temps....pour y mijoter des inventions de brujas.

    **MH,savant désordre où nous nous retrouvons facilement!
    Ces ustensiles rudimentaires ont un énorme avantage: ils sont inusables, incassables...ceux-ci me viennent de ma grand-mère qui était née en 1898, oui, oui!!

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  12. la poésie est aussi et surtout dans l'assiette.

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  13. **Alex, bien sûr. Dimanche, jour traditionnel de la paella familiale. C'est quoi chez vous?

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  14. J'ai retrouvé dans la cave un "écraseur" de pommes de terre pour en faire de la purée. En aluminium, je crois, la réplique exacte de celui qui se trouvait chez Eugénie, la cuisinière de ma grand-mère. En plus, il fonctionne. Et la cuisine de ma grand-mère était tellement grande que l'on jouait au ping-pong sur la table.

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  15. Je fais le lien entre ton texte précédent, ton désir de ‘vert’ et ta cuisine, où il y a toujours du vert, parfois du rouge ou du noir ‘para picar’. Deux ou trois olives vertes qui trempent depuis quelques jours dans un bain d’huile largement agrémenté, un peu de sobrasada rouge qui traine savamment à côté du pain, ou du fromage bien jaune avec sa croute sombre…. Un régal.

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  16. chais pas j'ai des envies de choux braisés et farcis en ce moment, aliment lourd de conséquences et très glamour comme tu vois.
    Sinon une purée à l'ancienne, pas tout à fait comme celle de Damien, écrasée à la fourchette pour éviter les diableries mécaniques de l'aluminium(mais non, je ne suis pas un intégriste anti Mousline ou Vico, j'ignore la marque des purées en sachet de par chez toi!)
    Have nice my Friend.

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  17. C'et la cuisine de ma mère ! et lentement...la mienne :)
    Moi aussi je cherche les vieux ustensiles où je peux. Ce sont des objets qui ont une âme comme dit Lamartine.

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  18. **Damien, au ping-pong, carrément! Mais oui, dans la cuisine on faisait les tartes et les devoirs, les confitures et les confidences..

    **Olivier, c'est noté! Tout sera prêt pour jeudi. N'oublie pas un peu de noir...Côte d'Or! hihi. Besos.

    **Alex, dis-moi amigo, tes fourchettes, elles sont en bois? en argent? Enfin, la purée de pomme de terre n'est pas dans les habitudes alimentaires españoles...
    Bonne semaine à toi.

    **Euterpe, je suis bien contente de les avoir conservés ces vieux uxtensiles, nous les employons régulièrement.
    Contente aussi que tu ailles mieux, belle semaine.

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  19. Cuisine au joyeux fouillis (mais organisé), aux odeurs de bon plats mijotés sur le poêle, cocon chaud et douillet, coeur de la maison, j'ai connu ça et ce sont des souvenirs et des sensations que l'on oublie pas. C'est pourquoi je n'aime pas les cuisines modernes à l'aspect froid et chirurgical,où tout est trop bien rangé...brrr!
    (Je crois bien avoir reconnu mon inhalateur et mon mortier!!!)
    je t'embrasse Colo.

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  20. Une collection incroyable de petites choses futiles dans tous les recoins de la cuisine, des sacs, des feuilles, des lettres, une casserole antique pour le café, une table qui a connu trois générations, des p'tits stylos, des mouchoirs, des plantes, des fruits ... tellement de choses ... la cuisine de ma grand-mère en somme.

    Et un peu la mienne,je le crains ... Non, je ne le crains pas, j'assume, dans ma cuisine si mal foutue, on trouve des fruits, des légumes, des recettes sur feuilles volantes, une vieille ordonnance, des bougies neuves, des bougies entamées (oui mais elles sont belles, elles font des flammes de couleurs différentes),des tubes d'homéo, des petits pochoirs, des pastilles vichy, des stylos billes, des bagues, des thés, des thés, des thés, des tasses ébréchées (non, on les jette pas, je les aime d'amour), des dessins sur le frigo, une plante survivante, des casseroles dans des endroits incongrus ...

    La cuisine, c'est la pièce à vivre, alors autant avoir tout pour ...

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  21. **Ah Sable, les cuisines-laboratoires comme dans les revues, ça risque pas de m'arriver.
    Mais pourtant...
    Il m'est arrivé d'en rêver quand l'accumulation d'objets hétéroclites est telle que...mais c'est un rêve si si fugace.
    PS: Un vieil inhalateur est un objet indispensable dans une cuisine, tout à fait.
    Je t'embrasse

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  22. **Bonjour Ortie, ce "tout à portée de la main" m'est si familier...note qu'il faut ajouter ici les paquets de diverses semences potagères, des semis frileux, les oeufs frais portant la date de ponte inscrite au crayon...ces choses de la campagne.
    A bientôt, merci de ta visite.

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  23. Je pensais "l'espace d'un instant" que nous avions des points communs, je me rends compte à la lecture de ton article et à visionner l'extrait du film que nous avons +, car une cuisine représente l'âme de celui ou celle qui l'habite, et la tienne est remplie d'objets hétéroclites (pour certains) et utiles pour moi. Le rayonnage me rappelle celui que j'ai dans mon garage. Un peu de tout, toujours un ti truc pour dépanner ceux qui passent. De la tomate séchées, des anchois espagnols, des olives toujours espagnoles. Bref je m'arrête, tu sais que la cuisine est mon dada et en voyant la tienne je me dis tu dois être un sacré cordon bleu. Biz amicale et belle semaine

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  24. **Bonjour Veb, ...tu veux rire!
    Celle qui nous livre presque quotidiennement des recettes aux saveurs et couleurs tunisiennes mêlées à un talent international et une curiosité sans faille , c'est bien toi!
    Merci de ta visite, belle journée, un beso.

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  25. Tu despensa y tu nevera siempre me pusieron de buen humor... lo de ser abuela, lo veo complicado, mamá.

    Un besazo

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  26. ** Mi Dani; Ya...ya sé que lo primero que haces cuando llegas de tus tierras lejanas es...abrir el frigorífico y alegrar tu estómago!
    Haces bien, de lo contrario me preocuparía mucho, hihi!
    Un bezaso hijo.

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  27. Hum...quería escribir "besazo" pero el resultado es el mismo..:))

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  28. "Ursula que estas haciendo tento tiempo a la cocina ?" - c'est juste ? souvenir lointain de mes cours d'espagnol :) la première chanson que j'ai apprise... bises

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  29. **Miss K. oh, je vois, oui, c'est juste, à part "tanto" pas tento....et c'est "en la cocina". Bravo! :))
    La Úrsula avait sûrement un novio guapo qui passait la voir en cuisine....
    Un beso para ti.

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