10 oct. 2012

Baudelaire en automne / Baudelaire en otoño

Lire et relire.
L'automne revient, ponctuel, la mer est inchangée.
Varie avec l'âge le cheminement de nos pensées.
Ce texte de Baudelaire me semble si différent aujourd'hui,  a si peu à voir avec la lecture d'antan.

Leer y releer
Vuelve el otoño, puntual, el mar está igual.
Varía con la edad el recorrido de nuestros pensamientos.
Este texto de Baudelaire me parece tan distinto hoy, poco que ver con la lectura de antaño.

José Saborit , pintor y poeta/escritor Valenciano
 

Confiteor de l’artiste  Charles Baudelaire

   Que les fins de journées d’automne sont pénétrantes ! Ah ! pénétrantes jusqu’à la douleur ! car il est de certaines sensations délicieuses dont le vague n’exclut pas l’intensité ; et il n’est pas de pointe plus acérée que celle de l’Infini.
   Grand délice que celui de noyer son regard dans l’immensité du ciel et de la mer ! Solitude, silence, incomparable chasteté de l’azur ! une petite voile frissonnante à l’horizon, et qui par sa petitesse et son isolement imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle, toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite !) ; elles pensent, dis-je, mais musicalement et pittoresquement, sans arguties, sans syllogismes, sans déductions.
   Toutefois, ces pensées, qu’elles sortent de moi ou s’élancent des choses, deviennent bientôt trop intenses. L’énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive. Mes nerfs trop tendus ne donnent plus que des vibrations criardes et douloureuses.
  Et maintenant la profondeur du ciel me consterne ; sa limpidité m’exaspère. L’insensibilité de la mer, l’immuabilité du spectacle me révoltent… Ah ! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ? Nature, enchanteresse sans pitié, rivale toujours victorieuse, laisse-moi ! Cesse de tenter mes désirs et mon orgueil ! L’étude du beau est un duel où l’artiste crie de frayeur avant d’être vaincu.


Foto Colo

 
Confiteor del artista
 Charles Baudelaire

    ¡Qué penetrante es el final de los días de otoño! ¡Ah, penetrante hasta el dolor! Pues hay ciertas sensaciones deliciosas, cuya vaguedad no excluye la intensidad; y no hay punta más acerada que la del Infinito.
    ¡Gran delicia la de ahogar la mirada en la inmensidad del cielo y del mar! La soledad, el silencio, la incomparable castidad del azul, la pequeña vela que se estremece en el horizonte, y que por su pequeñez y su aislamiento imita mi irremediable existencia, la melodía monótona del oleaje; todas esas cosas piensan por mí, o yo pienso por ellas (¡pues en la grandeza de la meditación, el yo se pierde rápido!); esas cosas piensan, digo, pero musical y pintorescamente, sin argucias, sin silogismos, sin deducciones.
    No obstante, esas ideas, ya salgan de mí o broten de las cosas, se toman bien pronto demasiado intensas. La energía dentro de la voluptuosidad crea un malestar y un sufrimiento positivo. Mis nervios demasiado tensos sólo producen ya vibraciones dolorosas y chillonas.
    Y ahora, la profundidad del cielo me consterna; me exaspera su nitidez. Me sublevan la insensibilidad del mar, la inmutabilidad del espectáculo ...
    ¿Habrá que sufrir eternamente, o eternamente huir de lo bello? ¡Déjame, Naturaleza, hechicera sin piedad, rival siempre victoriosa! ¡Cesa de tentarme, en mis deseos y en mi orgullo! El estudio de la belleza es un duelo en el que el artista grita de espanto antes de ser vencido. 
 
Traducción de Nydia Lamarque 1º edición, 1961, México, Editorial Aguilar.


Découverte d'un peintre contemporain, originaire de Valencia, José Saborit. L'art de peindre la mer. Pour en voir plus:


Descubrimiento de un pintor contemporáneo, Valenciano, José Saborit. El arte de pintar el mar.


33 commentaires:

  1. Vraiment très très beau. Et on est loin du "vert paradis des amours enfantines" !

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    1. Je le trouve magnifique K.
      J'avais dû l'étudier à l'école à 17 ans et ne l'avais plus jamais relu!

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  2. pour une jeunesse d'un autre siècle, Baudelaire était tellement maudit et interdit, que sa lecture clandestine représentait aussi un acte de résistance
    mais s'accompagnait d'une exaltation jouant aux verres grossissants et nous privant de Baudelaire en profondeur
    puis, avec le temps, si la lecture sent moins le souf(f)re, elle élargit les horizons...

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    1. Merci de nous rappeler ces temps de "mise à l'index" JEA...en espérant qu'ils ne réapparaissent jamais d'entre les nuages...

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  3. Je ne connaissais pas ce texte. Je le découvre. Pour sûr, on ne lit pas au fils des années avec les mêmes sensations qu'au cours de l'adolescence.Quand je retrouve mes livres de Littérature annotés au crayon à papier, je suis toujours étonnée.
    José Saborit est une belle découverte aussi et j'apprécie ses ambiances: mais ça, tu pouvais t'en douter en ce qui me concerne.
    Merci.

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    1. Il nous faudrait deux vies, l'une pour lire, l'autre pour relire!
      Tu parles de l'étonnement, oui, je n'avais gardé de ce texte que le souvenir de la mer...comme quoi!
      En cherchant des peintures de la mer je l'ai trouvé par hasard sur la toile, je m'y suis "accrochée" et je suis bien contente que ces ambiances te plaisent aussi.
      Belle journée Maïté.

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  4. Ce poème mérite que l'on s'y attarde. Beaudelaire dans sa quête poétique touche à la grandeur et au sublime de la vie. Mais en même temps l'intensité de ses découvertes le fait souffrir jusqu'à l'exaspération et la révolte. Il confesse donc un échec. Spleen et idéal, ici c'est le spleen qui l'emporte. Comme on aimerait pourtant qu'il parvienne à marcher sur la corde raide, tenir les deux jusqu'à l'unité profonde, la nature, la vie, l'humain, le beau, le bon ... l'immense et le simple. Bonne journée Colo !

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    1. Merci Lily pour cet excellent décryptage.
      On passe en effet de l'idée d'une symbiose possible avec le monde à celle d'une impossibilité de l'atteindre. Cheminement de la création esthétique...
      Belle journée à toi aussi.

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  5. Confiteor, ce mot chante à mes oreilles et dans mes souvenirs...

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    1. Un chant sous les superbes halles de ton blog?
      Merci d'être passée Lou.

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  6. Tes phrases d'une grande douceur puis les mots à vif.

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  7. ahh ça va mieux, ton billet apparaissait sur google reader mais impossible de le voir chez toi pour mettre un commentaire
    ah madame la technique vous êtes parfois joueuse

    Baudelaire a eu des mots magnifiques sur la nature mais au fond de lui c'est un jouisseur citadin non ?

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    1. N'ayant aucune emprise sur la technique, on peut soit se mettre en rage, assez inutile, soit patienter...

      Ah, ça, je l'ignore! Un jouisseur citadin? je vais y penser Dominique.
      Excellent week-end.

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  8. Qu'en termes poétiques ces choses là sont dites.
    Il est très difficile de décrire l'infini sans ressentir à la fois une grande extase mais aussi un profond malaise .
    On sait très bien que cet infiniment grand on ne l'atteindra jamais . Comme ce petit voilier "frémissant" à l'horizon pourra faire le tour de la terre mais comme la terre est ronde il reviendra toujours à son point de départ !
    Alors arrive la grande angoisse de l'infinie solitude.
    Ne faudrait-il pas voir tout simplement ce qu'il y a autour de nous ? Sur cette planète qu'on appelle Terre à la fois trop petite et trop grande pour nous n'y a t-il pas toujours quelque chose à découvrir...d'autres horizons?
    Très jolis tableaux d'un peintre que je ne connaissais pas mais où le mariage de l'eau et de l'air est si bien retransmis
    Merci Colo

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    1. Ce sentiment d'infiniment petit et de vertige de beauté qu'on peut ressentir devant un immense ciel étoilé d'août, devant de puissantes cascades d'eau...oui, Gérard. Mais est-ce si grave de ressentir une grande solitude?

      Cette mer est si différente de la vôtre; sa couleur, ses mouvements aussi.
      Excellent week-end, orages et grêle ici.

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    2. Non ce n'est pas grave Colo , le sentiment de solitude c'est tout simplement humain.
      Quand le poète voit un petit voilier aux fins fonds de l'océan comme quelque chose d'immuable et de figé , moi je pense tout simplement à ceux ( ou celles) qui le pilotent au gré du vent au milieu de cette immensité.
      Je sais pour l'avoir vécu qu'ils aspirent à pleins poumons cet indéfinissable sentiment de liberté et je les rejoins par la pensée .
      Ici ciel "un peu chargé" mais pas trop , soleil entrecoupé de petites averses;;bref pas le temps de s'ennuyer :) Très bon week-end Colo .

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    3. Merci Gérard. La solitude a souvent une connotation négative mais elle peut être jouissive, synonyme de plénitude aussi; c'est ainsi que je la vois.
      Buenas noches.

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  9. Je ne connaissais pas ce texte du poète. L'automne est double, c'est le charme de la nature en douceur, en rondeur mais c'est aussi le déclin, le passage vers le froid, vers la fin du cycle…

    Les derniers mots sont comme des poignards :" Et maintenant la profondeur du ciel me consterne ; sa limpidité m’exaspère. L’insensibilité de la mer, l’immuabilité du spectacle me révoltent… Ah ! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ?"… oui, la fin d'un cycle…

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    1. Bonjour Obni, c'est vrai, il y a ce tournant où on passe de "sensations délicieuses" et "grand délice" à ce fatal "Toutefois".
      Ou: comment se situer par rapport à l'Infini?
      Sans doute se raccrocher au fini est-il plus sage, en tout cas plus rassurant!

      Pluies chez toi me dit France Inter ce matin, tout comme ici.
      Beau week-end quand même!

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  10. C'est toujours bien de relire, et je crois qu'en vieillissant, on redécouvre immanquablement les auteurs qu'on a, en quelque sorte, été "obligés" de lire dans notre jeunesse.
    Merci pour ce beau texte de Baudelaire. Bon week end.

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    1. Je me souviens de certains textes tellement décortiqués en classe qu'ils en devenaient odieux, d'autres ont gardé, dans ma mémoire, toute leur poésie.
      Leur redécouverte 40 ans plus tard est toujours une surprise!

      Excellent week-end à toi aussi, merci d'être passée.

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  11. J'avais presque oublié ce poème en prose et la nature comme inspiratrice
    Je me souvenais mieux de celui-ci

    "Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
    Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
    J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
    Le bois retentissant sur le pavé des cours..."

    Bonne journée
















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    1. Oh, là, là, tes souvenirs sont bien plus sombres que les miens, mais ces vers sont bien beaux.
      Excellente journée!

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  12. Il n'y a pas à dire, Baudelaire c'est du tout bon, malgré le fait qu'il fallait souvent l'apprendre par coeur. Mais quel beau poème en prose. Merci.
    (il y a parfois des problèmes avec ton blog, difficile de suivre, parfois on tombe sur le catalogue de la Redoute)

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    1. Tu n'es pas le premier à me le signaler, mais je ne sais que faire!!! Une pub en plus, horreur! Tu as une suggestion? Il paraît qu'avec Google chrome ça va mieux...

      L'apprendre par cœur, oui, et s'en souvenir des décades après.
      Beau weekend Damien.

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    2. En fait Damien, en allant sur ton blog puis sur celui d'Alba, la même pub de La Redoute...une attaque généralisée?
      Aux abris!

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  13. Merci Colo de retrouver Baudelaire.
    Moi qui suis proche d´elle en ce moment, j´ai savouré encore plus ce que cet extrait exprime.
    Bon dimanche.

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    1. La proximité de la mer est si souvent savoureuse...profite bien de ces moments Alba.
      Beau dimanche à toi aussi.

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  14. Le confiteor de l'artiste ... Merci de nous le redonner à leer Colo, et combien c'est vrai qu'une lecture mûre ... change notre vision et comme je comprends ayant vieilli l'émotion qui étreint le poète devant l'élément mer ...

    Une pensée depuis la terre rose toulousaine ...

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    1. Merci Véronique, tes pensées roses sont arrivées...

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  15. En venant lire tes derniers billets, je m'arrête sur ces pensées automnales où le poète mêle beauté et souffrance. Je relis aussi Baudelaire en ce moment, dont j'ai reçu une édition illustrée, et comme toi, je ressens ses textes autrement aujourd'hui que lorsque je les ai découverts pour la première fois.
    José Saborit peint la mer, le ciel avec douceur, l'oeil sur la ligne d'horizon : merci pour le lien.

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    1. Contente de savoir que tu partages ce sentiment d'appréhender cet auteur de façon si différente maintenant. La difficulté, douleur de la création artistique échappe un peu à l'entendement à 17 ans, non?
      Belle journée à toi.

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