4 janv. 2012

Clowns, le rouge et le blanc / Payasos, el rojo y el blanco

Les clowns…souvenirs d’enfance, de rires. Spectacles de fin d’année.
Mais aussi, comme l’écrit Michel Tournier dans un court texte intitulé « Le rouge et le blanc » inclus dans Des clés et des serrures (1979), un duo qui nous ressemble, qui est nous, à différents moments de notre vie.
Los payasos… recuerdos de infancia, de risas. Espectáculos de fin de año.
Pero también, como lo escribe Michel Tournier en un texto corto titulado “El rojo y el blanco” un dúo que se parece a nosotros, que es nosotros en diferentes momentos de nuestra vida.


“Ils font équipe sur la piste du cirque, mais ils sont bien différents.
Le blanc, habillé de soie, poudré à frimas, un sourcil relevé très haut sur son front comme un point d’interrogation, chaussé de fins escarpins vernis, les mollets cambrés dans des bas arachnéens, a toute l’élégance hautaine d’un seigneur.
La trogne poivrote et le nez en pomme de terre du rouge, sa large bouche, ses yeux ahuris, sa démarche embarrassée par ses énormes croquenots, tout trahit chez lui le niais, le rustaud, la tête de Turc sur laquelle vont pleuvoir les coups et les lazzis.

« Hacen equipo en la pista de circo, pero son muy diferentes.
El blanco, vestido de seda, ligeramente empolvado, una ceja levantada en alto, en la frente como un punto de interrogación, calzado de finos escarpines de charol, las pantorrillas combadas en unas medias arácneas, tiene toda la elegancia altiva de un señor.
La jeta de borracho y la nariz en forma de patata del rojo, su boca ancha, sus ojos estupefactos, su andar patoso por los enormes zapatos, todo en él suena a necio, a palurdo, a cabeza de turco sobre la cual van a llover los golpes y las burlas.

Car ces deux clowns incarnent deux esthétiques tout opposées du rire.
Le blanc cultive l’insolence, le persiflage, l’ironie, le propos à double sens. C’est un maître du second degré. Il fait rire les autres, d’un autre de préférence, le clown rouge, l’auguste.
Mais lui garde ses distances, il reste intact, hors d’atteinte, le rire qu’il déchaîne ne l’éclabousse pas, c’est une douche destinée au rouge, qui est là pour encaisser.
Ce rouge s’offre à tous les coups en poussant son discours, son accoutrement et sa mimique au comble du grotesque. Il n’a pas le droit d’être beau, spirituel, ni même pitoyable, cela nuirait à la sorte de rire qu’il a pour fonction de soulever. (…)

Esos dos payasos encarnan dos estéticas totalmente opuestas de la risa.
El blanco cultiva la insolencia, la guasa, la ironía, el propósito con doble sentido. Es un maestro del segundo grado. Hace reír a los demás, de otro preferentemente, el payaso rojo, el augusto. Pero él guarda sus distancias, queda intacto, fuera de alcance; la risa que provoca no le salpica, es una ducha destinada al rojo, que está allí para encajar.
Ese rojo se ofrece a todos los golpes llevando su discurso, su atuendo y su mímica al colmo de lo grotesco. No tiene derecho a ser guapo, agudo ni siquiera lastimoso, eso perjudicaría al tipo de risa que su función le obliga a provocar. (…)


Aussi bien ces deux personnages symbolisent-ils deux attitudes devant la vie, et tous, tant que nous sommes, nous décidons à chaque moment d’être blanc ou rouge face aux situations de l’existence.
Nous pouvons nous frapper la poitrine- soit pour nous accuser, soit par défi orgueilleux-, attirer sur nous les regards et les cris, nous désigner à l’admiration ou à la vindicte des foules. C’est le parti pris rouge d’un Rousseau ou d’un Napoléon, de tous les gens de théâtre et de tous les tyrans.
Au contraire, le parti blanc d’un Voltaire ou d’un Talleyrand fait les témoins sarcastiques de leur temps, les diplomates, les calculateurs, tous ceux qui veulent observer et manœuvrer sans s’exposer, gagner sans mettre en jeu leur liberté, leurs biens ni leur personne. »

Así esos dos personajes simbolizan dos actitudes delante de la vida, y todos nosotros, decidimos en cada momento ser blanco o rojo frente a las situaciones de la existencia.
Podemos golpearnos el pecho – sea para acusarnos, sea por desafío orgulloso-, atraer hacia nosotros las miradas o la vindicta de la muchedumbre. Es la resolución de un Rousseau o de un Napoleón, de toda la gente de teatro y de todos los tiranos.
Por el contrario, el partido blanco de un Voltaire o de un Talleyrand les hace los testigos sarcásticos de su época, los diplomáticos, los calculadores, todos los que quieren observar y maniobrar sin exponerse, ganar sin poner en juego su libertad, sus bienes, ni su persona.”
Traducción: Colo

Grand merci JEA!


Photos: 1) Les Fratellinis, Albert, François, Paul
2) Lil Sad Clown by Aihibed Magana

32 commentaires:

  1. je n'avais pas accroché ma ceinture de sécurité pour un retour à 1970
    les clowns de Fellini avec Pierre Etaix et Annie Fratellini
    sur YT, la finale - déchirante - hommage aux clowns qui furent souvent aussi des musiciens talentueux
    http://www.youtube.com/watch?v=V8nr9XyeDLQ

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  2. J'ai toujours eu une tendresse particulière pour les clowns, sans jamais avoir perçu qu'ils étaient en nous.

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  3. **JEA, poignante cette "mort" du cirque; je la redécouvre grâce à vous, avant l'aube. Merci, merci.
    Je me permets d’intégrer la vidéo à mon billet...

    **Maïté, une façon, peut-être un peu manichéiste mais si juste, de nous regarder au milieu du monde, non?
    Bonne journée à toi.

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  4. Quel splendide billet tout d'émotion et de réflexion, je suis comme Maïté je n'avais pas perçu les choses comme cela mais j'aime cet éclairage et ce magnifique moment Félinien
    Un de mes très forts souvenirs d'enfance c'est une séance au cirque de Moscou où un clown alors très célèbre m'avait marqué à jamais : le clown Popov

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  5. Billet juste, grave sur le drôle. Touchant duo de trompettes, plus du côté des larmes que du rire. Sad Clown. Mais tout cela est très beau.

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  6. une infinie tendresse pour les clowns qui donnent tant à émouvoir.

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  7. Le vocable le plus vilipendé en portugais,
    c’est probablement « palhaço »
    (et sa caractéristique « palhaçada »,
    c’est-à-dire, « paillasserie »),
    employé péjorativement
    dans l’acception du français « pitre » (ou pire).
    Toutefois, “clown” —
    vrai mot d’éloge, à mon avis —,
    c’est l’unique (pseudo-)insulte
    que j’accepte de grand cœur.
    Magnifiques photos, Colo, merci.
    Je vous souhaite bonne fin de journée,
    en vous saluant d’une révérence d’auguste de soirée.

    http://periodiccircumspection.blogspot.com/2009/10/giani-esposito-les-clowns-xiv-convencao.html

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  8. **Dominique, tous les textes de "Des clés et des serrures" apportent un éclairage personnel et original sur différents thèmes. Je possède ce livre brillamment illustré de superbes photos depuis sa parution, je l'ai souvent offert puis il a disparu....vu récemment chez un bouquiniste à Bruxelles.

    **MH, entre le drôle et le triste tous nous voguons...Merci, à très bientôt.

    **Lautreje, émotions, oui, c'est bien ce qu'ils transmettent. Merci d'être passée.

    **Hélder, très beau votre billet sur les clowns, la chanson d'Esposito est toujours aussi émouvante.
    Ici aussi, traiter quelqu'un de "payaso" est une grave insulte, on risque fort de recevoir quelques gnons!!!
    C'est la soirée de Reyes ici, je reçois et vous rend votre auguste salut avec plaisir.

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  9. Tu as raison, parfois le rouge, parfois le blanc, oscillant entre l'une et l'autre extrême... As-tu vu Chaplin en clown triste dans "les feux de la rampe"? Il m'a marqué comme peu de films ont pu le faire.
    As-tu connu Popov? Indéniablement rouge ET poétique :-)
    Bonne soirée chère Colo

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  10. Payasos, les paillasses ! Comme mes pendules ne sont pas à l'heure ces jours-ci, je découvre ce matin ton billet inspiré par ce fameux Tournier qui t'est cher. Deux esthétiques du rire, qui n'est pas grimace, même grimé.
    Quand la mélancolie - superbe et émouvant duo de trompettes - se maquille de couleurs, c'est que la vie, tout de même, reprend le dessus sur la tristesse, non ?
    Merci de réveiller ces deux clowns en nous quand nous sommes un peu paillasse.

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  11. Merci de ce magnifique billet!
    Tu es incontestablement la reine aujourd'hui! ...

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  12. **Delphine, Chaplin, oui, bien sûr! Par contre beaucoup moins le lumineux Popov...il n'est pas trop tard.
    Tiens, je vais te copier un poème du comique Argentin Antonio Olmedo,
    La poesía de un payaso

    De un ataque al corazón
    esta tarde se murió un payaso.
    Lo mas divertido del caso
    que mientras su cuerpo estaba inerte,
    la gente aplaudía y aplaudía,
    al mismo tiempo pedía
    qué él repitiera su muerte.

    Es al payaso en esta vida
    a quién Dios lo destinó a sufrir,
    pues tiene que hacerte reír
    aunque tenga su alma herida.

    Con mi sonrisa fingida tengo
    penas que ocultar,
    más si yo, el payaso, pudiera hablar
    y contar mis amarguras
    hasta las almas más duras podrían conmigo llorar.

    Al ver mi cara pintada
    todos ríen con placer
    sin llegar a comprender
    que mi vida es desgraciada
    si lanzo una carcajada
    todos creen que es de alegría
    más no comprenden que la suerte impida
    que más riendo estoy,
    es un paso más que doy
    en pos de mi tumba fría.

    No pidáis que me ría
    que de mi propia risa me espanto,
    he reído tantas carcajadas de dolor
    en este mundo traidor.

    Me han enseñado a reír con llanto
    y llorar con carcajadas.
    Mañana cuando el payaso muera
    todos lo echarán al olvido
    más de mi que te has reído
    nunca mas te acordarás
    como música pasajera
    que viene y se va.

    Por eso público querido
    usted que me ha brindado su aplauso
    que me llena de gozo,
    el último aplauso te pido y quedarme satisfecho
    poniéndolo en tu carne y
    llevándolo en nuestro pecho
    como dos payasos bien agradecidos.

    Bon weekend Delphine

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  13. **Tania, billets intemporels qui se moquent des pendules; dualités qui parfois se chevauchent, puis l'une s'emballe, l'autre la rattrape...
    La musique remet les humeurs d'aplomb.
    Besos.

    **Kenza, hier dans mon village, et comme chaque année, les 3 rois sont arrivés montés sur...des tracteurs décorés. À Palma c'est dans la baie et en bateau, magnifique arrivée.
    Mais pas une reine, alors grand merci!
    Nous pourrions penser pour l'an prochain, organiser sur les blogs une fête des Reines (loin de salons de beauté bien sûr!!!). Avec ton talent pour découvrir de superbes tableaux, on devrait y arriver à merveille, non?

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  14. Quel beau moment au cirque nous passons en ta compagnie Colo ...en réflexion je me mets devant l'esthétique du clown ... les deux visages en nous, loin du rire seul mais avec la profondeur ...ça me fait penser qu'il y a bien longtemps que je n'ai pas vu de clowns ... Fascination pour l'enfant en nous, le clown souvent nous déstabilise parce qu'il est le visage de tant d'émotions en nous ...

    Amitiés en bouchée, à la reine !
    Tu seras la Reine des bals et art !

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  15. En effet nous sommes tour à tour un peu les deux et c'est tant mieux, le principal c'est aussi de savoir rire de nous-même ...
    Bon week-end !

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  16. @ Colo

    mettons les points sur les "i" à propos de 3 rois tractés
    ce sont les rois images...

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  17. **Verónica, ah, jolie trouvaille, bien à toi, celle des bals et arts, bravo!
    Amitiés en bouchées doubles alors.

    **Marcelle, rire de, mais surtout avec les autres; pleurer aussi, parfois.
    Bon weekend à toi, je m'en vais commander ton livre et m'en délecte d'avance.

    **@@JEA, bien vu ce I!!!
    Un jour, avec une amie, et non sans malice historique, nous avions mis au point le féminin de mage, "magette".

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  18. Un thème et un éclairage très intéressants, Colo ! Sans parler des illustrations... Je n'ai jamais eu beaucoup de sympathie pour les clowns blancs.

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  19. je trouve ce texte compliqué dans sa manière de décrire ce duo comique, le sujet sert à une démonstration un peu fallacieuse... enfin, je trouve..
    Le clown blanc, est le clown sérieux, l'auguste est celui qui multiplie les facéties ; le clown blanc domine et semble tout maitrisé mais en réalité, le rouge ne cesse de le déstabiliser. Laurel est le rouge, Hardy, le blanc...
    Cette mécanique se retrouve partout au théâtre, au cinéma, aujourd'hui encore le couple du film INTOUCHABLES fonctionne de cette manière.


    Le rouge est-il le tyran ou le peuple ?
    Le blanc est-il l'aristocrate ou l'intellectuel ?

    Je crois qu'il ne parle pas de la même chose... on se croirait en Russie en 1917
    ...
    bon aller je sors :))

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  20. le clown blanc est un manipulateur pas très futé ( au final il se fait avoir par le clown rouge et ses pitreries )
    Enfant je n'ai jamais aimé le clown blanc, mais j'adorais les facéties du clown au nez rouge.
    Aujourd'hui, les clowns me font peur.

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  21. **Danièle, en peinture le thème des clowns et Arlerquins divers est courant...les photos me parlaient plus pour ce texte. Bonne semaine à toi!

    **Ne pars pas si vite K.role, surtout reste toi qui fait du théâtre et t'y connais!
    Tournier n'aborde pas, c'est un choix, le thème de l'interaction entre les 2 clowns, tu as raison.
    D'où cette impression de "fallacieux" je crois car il immobilise chacun dans un rôle qui, de fait, évolue en cours de route.
    Les clowns ne représentent pas une quelconque classe sociale, sinon des caractères ou façons d'agir universels, intemporels aussi...loin de la Russie de 1917!
    Un peu d'accord...ou pas?

    **Sable, tiens, peur! C'est étrange, j'y penserai la prochaine fois que j'en vois.
    Sinon ne sommes-nous pas tous tout à tour manipulateurs et manipulés? Je crains que oui...
    Bon dimanche à toi.

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  22. Colo ! excuse-moi mais je n'aime pas sa démonstration. même s'il dit des choses justes... l'auteur de ce texte m'agace :) bonne journée !

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  23. **K.role, aucun problème, mais surtout dés-agace toi vite!!!

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  24. instantanément je te rassure :)))

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  25. Superbe billet Colo. Je sais pourquoi j'adore revenir chez toi.

    J'ai eu l'occasion de lire les commentaires et malheureusement je ne comprends pas tout. Je crois que je suis trop simpliste. La mécanique du rouge et noir ne se trouve-t-elle pas partout dès que deux personnages se rencontrent?...

    D'ailleurs les commentaires sur ce billet me semblent être un très bel exemple.

    Bisous

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    1. ¡Gracias amigo!
      En écrivant le texte j'avais fait la même chose que toi: écrire "le rouge et le noir"!
      Un beso à ti también.

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  26. Moi non plus je ne suis pas attirée par les clowns. Le clown blanc c'est celui qui se veut raisonnable et le clown rouge celui qui lui présente les contradictions de son discours. En fait le clown rouge est le plus raisonnable et le cache, non ?
    Comme k.role, je n'aime pas le texte de Tournier.
    Tournier a un fond morbide qui m'a plu à une époque mais me fait fuir maintenant.
    Tes photos sont en tout cas bien choisies.

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    1. Je n'ai rien lu de récent de Michel Tournier, mais je ne vois rien de morbide dans "La goutte d'or" ni dans "Le coq de bruyère" par exemple...mais chacun voit des aspects différents, comme aux clowns...de là tout l'intérêt!
      Merci Euterpe.

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  27. **K.role, Armando, Euterpe,, mon ordinateur refuse obstinément de fonctionner....un coup de pleine lune?
    Je vous répondrai dès que possible, un beso.

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  28. Depuis "Balada trista de trompetta" D'Alex de la Iglesia,les clowns qu'ils soient rouges ou blancs me filent la chair de poule et la trompette me colle des angoisses...

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    1. Je n'ai pas vu ce film mais j'en connais bien la trame.
      Si la trompette que j'aime beaucoup doit me filer des angoisses...je m'abstiendrai sans doute!

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  29. He llegado a esta entrada de casualidad. Me has jodido la noche: Horas de suelo que nunca volverán, perdidas entre tus letras, saboreando tus ideas y tus dulces maneras de entender el mundo...
    Gracias por robarme el tiempo. De otra manera hubiese reposado inútilmente en un aburrido colchón de mediocridad, y ese tiempo es -en verdad- el verdadero tiempo perdido...

    Besos desde Galicia!
    ixdaylacorunha ARROBA yahoo PUNTO es

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