16 sept. 2010

Aux fleuristes de la Rambla F.G.Lorca / A las floristas de la Rambla

Je viens de lire un discours peu connu prononcé par F. García Lorca à Barcelone (25 décembre 1935) lors de la représentation de sa pièce de théâtre « Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs ». Une pièce qui raconte une histoire d’amour déçue, la vaine attente d’un retour…

C’est non seulement un hommage aux marchandes de fleurs qui colorent les Ramblas, mais aussi aux Ramblas elles-mêmes, ce lieu enchanteur que vous connaissez peut-être.

Acabo de leer un discurso poco conocido pronunciado en Barcelona por F. García Lorca (25 de diciembre 1935) con ocasión de la representación de su obra de teatro “Doña Rosita la Soltera o el lenguaje de las flores”. Una obra que cuenta la historia de un amor decepcionado, de la vana espera de un retorno…

No sólo es un homenaje a las vendedoras de flores que colorean las Ramblas, sino también a las Ramblas mismas, ese lugar encantador que tal vez conocéis.


« Ce soir, ma fille la plus jeune et la plus aimée, Rosita la célibataire, la demoiselle Rosita, dame Rosita, sur le marbre et entre des cyprès, dame Rosa a voulu travailler pour les sympathiques fleuristes de la Rambla, et c’est à moi qu’incombe l’honneur de dédier la fête à ces femmes aux rires francs et aux mains mouillées où tremble de temps en temps le minuscule rubis causé par l’épine.

(…) La rue où vivent ensemble les quatre saisons de l’année, l’unique rue de la terre que je souhaiterais ne jamais se terminer, riche en sons, abondante en brises, belle de rencontres, antique de sang, La Rambla de Barcelone.

Telle une balance, La Rambla a son aiguille et son équilibre dans le marché des fleurs où la ville se rend pour chanter baptêmes et mariages sur des bouquets frais d’espoir et où elle se rend en agitant larmes et rubans sur les couronnes de ses morts. Ces étalages de joie entre les arbres soignés sont comme le cadeau des rambleurs et leur détente, et bien que de nuit ils semblent seuls, presque comme des catafalques de fer, ils ont un air seigneurial et délicat qui semble dire aux noctambules : « Lève-toi demain pour nous voir ; nous sommes de jour. »

Quiconque visite Barcelone ne peut oublier cette rue que les fleurs convertissent en insoupçonnable serre, (…)

On dit, et c’est vrai, qu’aucun barcelonais ne peut dormir tranquille s’il n’est passé au moins une fois par la Rambla, et il m’arrive la même chose ces jours-ci où je vis dans votre superbe ville. Toute l’essence de la Grande Barcelone, la vivace, l’incorruptible, la grande, est dans cette rue qui a une aile gothique où l’on entend des fontaines romaines et des luths du quinzième, et une autre aile bigarrée, cruelle, incroyable, où l’on entend les accordéons de tous les marins du monde et il y a un envol nocturne de lèvres maquillées et d’éclats de rires à l’aube.

Je dois moi aussi passer tous les jours par cette rue pour apprendre d’elle comment peut persister l’esprit propre à cette ville. (…) » (trad. Colo)

« Esta noche, mi hija pequeña y más querida, Rosita la soltera, la señorita Rosita, doña Rosita, sobre el mármol y entre cipreses doña Rosa, ha querido trabajar para las simpáticas floristas de la Rambla, y soy yo quien tiene el honor de dedicar la fiesta a estas mujeres de risa franca y manos mojadas, donde tiemblan de cuando en cuando el diminuto rubí causado por la espina.

(…) La calle donde viven juntas a la vez las cuatro estaciones del año, la única calle de la tierra que yo desearía que no acabara nunca, rica en sonidos, abundante de brisas, hermosa de encuentros, antigua de sangre, la Rambla de Barcelona.

Como una balanza, la Rambla tiene su fiel y su equilibrio en el mercado de las flores, donde la ciudad acude para cantar bautizos y bodas sobre ramos frescos de esperanza y donde acude agitando lágrimas y cintas en las coronas para sus muertos. Estos puestos de alegría entre los árboles cuidados son como el regalo de las ramblistas y su recreo, y aunque de noche parezcan solos, casi como catafalcos de hierro, tienen un aire señor y delicado, que parece decir al noctámbulo:”Levántate mañana para vernos; nosotros somos del día.”

Nadie que visite Barcelona puede olvidar esta calle que las flores convierten en insospechable invernadero, (…)

Se dice, y es verdad, que ningún barcelonés puede dormir tranquilo si no ha paseado por la Rambla, por lo menos una vez, y a mí me ocurre otro tanto estos días que vivo en vuestra hermosísima ciudad. Toda la esencia de la Gran Barcelona, la perenne, la insobornable, la grande, está en esta calle, que tiene un ala gótica donde se oyen fuentes romanas y laúdes del quince, otra ala abigarrada, cruel, increíble, donde se oyen los acordeones de todos los marineros del mundo y hay un vuelo nocturno de labios pintados y carcajadas del amanecer.

Yo también tengo que pasar todos los días por esta calle para aprender de ella cómo puede persistir el espíritu propio de una ciudad. (…)”


17 commentaires:

  1. Quelle tendresse pour parler de sa plus jeune au prénom parfumé, quelle poésie pour décrire le métier de ces femmes et quelle talent pour faire vivre la Rambla à nos yeux!
    La cigale (mais ça reste politiquement correct hein! rien de compulsif, simplement du désintérêt :-)

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  2. Bonjour Delphine. Oui, ce texte de Lorca est délicieux de poésie et si précis en même temps. Il y a longtemps que je voulais parler des Ramblas que je connais bien et qui m'envoûtent...alors je n'ai pas pu résister et je me suis attelée à la traduction (ardue)de ce discours.
    La cigale...c'était une taquinerie bien sûr!

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  3. Merci, Colo, de nous avoir traduit ce bel hommage de Garcia Lorca aux marchandes de fleurs - couleurs, textures et senteurs - et à la "belle de rencontres", symbole de Barcelone, Rambla ou Ramblas, singulière et plurielle.

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  4. Merci Colo, je ne connais pas du tout Barcelone. Si je m'y rends un jour, je sais désormais où aller.

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  5. -Tania, avec plaisir ma belle. Un beso.

    -Go, Barcelone est à quelques heures de voiture de beaucoup de villes du sud de la France...tu ne regretterais pas ce déplacement, je te le promets. Merci à toi d'être passé.

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  6. bonjour Colo. je ne connais pas non plus Barcelone, mais j'aimerais tellement y aller un jour... un enchantement certainement. @bientôt

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  7. K.role, tu adorerais La Rambla, le spectacle dans la rue, des artistes de tout genre. Un jour tu prends le train et hop, l'enchantement. A bientôt j'espère.

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  8. un bien beau texte, je tourne autour de Lorca depuis du temps et ici je trouve l'occasion d'attiser mon envie, il faut que j'aille piocher en bibliothèque pour mieux découvrir ce poète

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  9. Je suis aussi touchée, pour commencer, de la façon tendre et paternelle dont il présente son affection pour sa fille.

    Et puis quel mouvement, quelles couleurs dans cette description si riche... Quel homme, vraiment quel homme!

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  10. Une jolie description!
    Je crois voir les couleurs et respirer le parfum des fleurs...
    J'aimerais y aller, je n'étais pas loin en mai à Cadaques.
    Marcelle

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  11. oh! que de souvenirs...j'avais 12 ans la première fois que j'ai flâné sur les ramblas...il y avait plein de fleurs oui, mais surtout, surtout, un marchand d'oiseaux!et ça c'est gravé dans ma mémoire...merci Colo de raviver ce souvenir...et d'évoquer Lorca...mon cher Lorca!

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  12. -Dominique, la poésie de Lorca, son théâtre aussi si tu aimes lire des pièces. J'espère que tu trouveras de bonnes traductions...

    -Edmée, en fait Lorca était homosexuel et n'avait pas d'enfants; Rosita est ici sa dernière création, un pièce de théâtre pour laquelle il éprouve une grande tendresse. Bonne semaine à toi.

    -Marcelle, n'hésite pas la prochaine fois, ville cosmopolite qui tourne le dos à la mer dont il fallait se protéger, mais ouverte à tout. Impossible de s'y ennuyer!!!

    -Sable, oui, oui, des marchands d'oiseaux, il y en a encore! ET des musiciens de rue, des statues vivants, des peintres, des clowns la dernière fois que j'y suis allée. Je suis bien contente que ça t'ai plu! Je t'embrasse.

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  13. Barcelone, la vivace, j'y suis allée un week-end ! J'espère pouvoir y retourner un jour plus longuement.
    J'aime bien ce tableau un peu kitch et en technicolor, c'est très joyeux.

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  14. Je suis comme ‘Sable’, des souvenirs à la pelle – Métro Catalunya – des torrents de voitures déferlent sur toi sur la Plaça de Catalunya – Sauvé, tu es de l’autre côté, et enfin Las Ramblas, des rangées d’arbres qui se rejoignent en hauteur, plus bas, comme décrit, des fleurs certes, mais un vrai spectacle vivant – des oiseaux, des cracheurs de feu ou des jongleurs, l’inévitable kiosque à journaux, et le non moins inévitable vendeur de souvenirs, quelques bancs pris d’assaut, et tu descends lentement – tu slalomes entre les terrasses de restaurants, les attroupements, d’un geste de la tête tu évites le parasol du marchand de fleur, tu traverses pour voir les maisons, pas facile car tu n’as pas de recul, puis à ta gauche, une ruelle qui te mène à la Plaça Reial, magnifique ensemble architectural, et puis là, tu respires. Le temps d’une collation, tu reprends ton chemin des Ramblas. Tu continues à zigzaguer, il y a tellement à voir, mais en même temps tu voudrais t’arrêter en plein milieu afin de t’imprégner de l’atmosphère. A certaines heures, peine perdue, la marée humaine t’emportes… tu résistes et tu te caches derrière un arbre. Tu vois une maison assez moderne avec la grille ouverte, tu t’y aventures. Zut et rezut, c’est le commissariat de Police ! D’un pas discret tu fais demi-tour, puis peu à peu, le ciel bleu réapparait, les effluves mélangées font place à une odeur que tu connais bien, celle de la mer. Devant toi, une colonne au centre d’une place. Au-dessus de cette colonne, un homme, assez majestueux, qui montre du doigt la direction de la mer. Machinalement tu regardes le nom de place : « Plaça del Portal de la Pau » Ca ne t’aide pas vraiment. Tu traverses – et là tu découvres que c’est Cristóbal Colón. Un détail te gène ; que désigne-t-il du doigt ? La mer ? L’Amérique ? Considérant la direction, ça ne peut être que Gênes, sa ville natale. Tu t’attardes sur les quais du port, tu regardes la mer un bon moment, et puis tu fais demi-tour, direction les Ramblas.

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  15. -MH, oui, ce tableau est...comme certains vendus sur les Ramblas, couleur locale donc! Une seconde visite s'impose, pour toi il y a aussi tant de beaux musées...Un beso.

    -Olivier, waouh, magnifique, on s'y croirait!
    Vu ton énorme taille je comprends que tu évites les parasols, mais te cacher derrière un arbre, ¿es posible, creible? -:) Mille mercis, je t'embrasse fort.

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  16. Dans le texte d'Olivier, je reconnais entièrement ma propre perception des Ramblas de Barcelone ! La seule chose que je déplore à cet endroit, c'est l'abondance de voitures et de véhicules motorisés, c'est à dire le bruit infernal de la circulation.

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  17. -Euterpe, oui, rien n'est parfait...dommage!

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