J’aime les bougainvilliers, pour leurs couleurs, bien sûr, mais surtout pour leur sauvagerie. Avec leurs longues tiges, leurs grandes épines acérées, ils poussent dans tous les sens, sont hirsutes ou grimpeurs, selon. Échevelés.
Des branches ont même eu soif…
Voici un subtil poème de Gioconda Belli.
L’Amour des bougainvilliers
Gioconda Belli (Nicaragua 1948-)
Je suis tentée par l’amour et ses épines
ses égratignures têtues
sa façon de sauter les haies
et de grimper aux murs
sa vocation de fleur
de bougainvillier rose, blanc, mauve
qui s’enchevêtre dans les patios agrestes.
Je ne sais ce que je veux de lui
ce qu’il imagine de moi
quels rêves ou chimères nous esquissons
en laissant refroidir le café sur la table,
les regards accrochés tels des hameçons
sur le poisson rouge qui nage dans nos poitrines.
Tandis que nous parlons
chacun tire sur la ligne
en une lutte tenace pour la capture.
Nous discutons de si oui ou si non
tandis que le bougainvillier monte
nous emmêle
et les fleurs explosent
et la balustrade cède.
(Trad: Colo)
EL AMOR DE LAS BUGANVILIAS
Gioconda Belli (Nicaragua 1948-)
Me tienta el amor con sus espinas
sus arañazos tercos
su manera de brincarse los cercos
y subirse a las tapias
su vocación de flor
de buganvilia rosa, blanca, morada
enredándose en los agrestes patios.
No sé qué quiero de él
qué imagina de mí
qué sueños o quimeras hilvanamos
dejando enfriar el café sobre la mesa,
las miradas prendidas como anzuelos
sobre el pez rojo que nos nada en el pecho.
Mientras hablamos
cada cual da tirones a la caña
en la lucha tenaz por apresarlo.
Discutimos de si sí o si no
mientras la buganvilia sube
nos enreda
y las flores explotan
y la baranda cede.