25 oct. 2023

Choisir de rester / Elegir quedar


Découverte d'une poétesse et écrivain hispano-belge, d'expression espagnole, spécialisée en

 philosophie  et religions de l'Inde, qui a plusieurs cordes à son arc.
 

 

La fatigue

Chantal Maillard de "Hilos" 


La fatigue. Encore, la
fatigue. L’effort pour
survivre. Réitéré.

Observer les nuages.
A l’intérieur.
Balayer.
A l’intérieur.

Choisir de rester.

Chaque nuage
a une trajectoire. Assumer
cette trajectoire. Impossible
de toujours tout balayer. Il y a
la fatigue.

Bien qu’aussi celle des
trajectoires. De regarder passer les nuages.
Cette fatigue aussi.

Alors,
pour un instant, maintenant.
Sans rien vouloir. Et c’est presque bien.
Jusqu’à penser que c'est bien et le convertir
en nuage. En trajectoire.

Trad: Colo (inspirée par celle de Pierre-Yves Soucy.)

El cansancio

El cansancio. De nuevo, el
cansancio. El esfuerzo por
sobrevivir. Reiterado

Observar las nubes.
Dentro.
Barrer.
Dentro.

Elegir quedar.

Toda nube
lleva una trayectoria. Asumir
la trayectoria. Imposible
barrer todo siempre. Está el
cansancio.

Aunque también el de
las trayectorias. De ver pasar las nubes.
También ese cansancio.

Entonces,
por un momento, ahora.
Sin voluntad. Y casi está bien.
Hasta pensar el estar bien y convertirlo
en nube. En trayectoria.

Chantal Maillard, de "Hilos". 



17 oct. 2023

Les couleurs du vent, F.G. Lorca / Los colores del viento, F.G. Lorca

 




Dessin de Lorca


 


Inconnu aux mille noms,
tellement vivant,
le vent.

Si la poésie de Federico García Lorca est visuelle et nous emporte toujours vers des images fortes, celle du vent me semble être la plus frappante: le poète réussit à nous faire voir l'invisible

 
Voici ma traduction de:

 

Trois histoires du vent

I


Le vent dévalait rouge

 sur le coteau allumé

 et il devint vert, vert

 du côté de la rivière.

 Après il virera au violet,

 au jaune et...

 Il sera sur les semailles

 un arc-en-ciel tendu.


II


                                   Vent dormant.                                     

En haut le soleil.

 En bas

 les algues frémissantes

 des peupliers.

 Et mon cœur

tremblant.

Vent dormant

 à cinq heures du soir

 Sans oiseaux.



III

 

La brise

 est ondulée

comme les cheveux

de certaines filles.

Comme les veines

de vieilles planches.

 

La brise

 jaillit comme l'eau

 et se répand,

 comme un baume blanc,

 dans les vallons,

 et s'évanouit

 en cognant le dur

 de la montagne.

 
(Trad: Colo)

 





Rodrigo R. Pimentel. Viento



Desconocido con mil nombres,
tan vivo,
el viento.

 
Si la poesía de Lorca es visual y nos lleva siempre hacia imágenes fuertes, la del viento me parece particularmente significativa: el poeta consigue hacernos ver lo invisible.

Tres historias de viento

I


El viento venía rojo
por el collado encendido
y se ha puesto verde, verde
por el río.
Luego se pondrá violeta,
amarillo y...
Será sobre los sembrados
un arco iris tendido.



                                             Photo prise a Lanjarón par Tania, gracias!

II


Viento estancado.
Arriba el sol.
Abajo
las algas temblorosas
de los álamos.
Y mi corazón
temblando.

Viento estancado
a las cinco de la tarde.
Sin pájaros.

 

III


La brisa
es ondulada
como los cabellos
de algunas muchachas.
Como los marecitos
de algunas viejas tablas.
La brisa
brota como el agua
y se derrama,
como un bálsamo blanco,
por las cañadas,
y se desmaya
al chocar con lo duro
de la montaña.

(reprise, modifiée, d'un billet ancien)

12 oct. 2023

Illusions et lucidité / Ilusiones y lucidez

 

Vers la mi-août j’écoutais la radio un matin et j’entendis parler un philosophe que j’aime beaucoup, Alain Comte-Sponville. Le sujet de l’émission était: La Lucidité.

Ce sujet auquel j’avais peu réfléchi dans ma vie m’a fait lire textes et poèmes sur le sujet. Voici deux courts textes.

Extrait de l’interview du philosophe.

La lucidité rend-elle heureux? "je ne dirais pas que la lucidité rend forcément heureux, mais je dirais que l'illusion rend très souvent malheureux parce qu'elle ne tient pas la route. Finalement, à chaque fois qu'on se fait des illusions sur le réel, le réel nous rappelle à l'ordre, à chaque fois que l'on vit un espoir, l'on finit par être déçu." A. Comte-Sponville.

 

                                   

Isabelle Mignot

"Eclair de lucidité"

Oleo | 90x90 cm

https://www.artmajeur.com/isabellemignot


 

Ensuite, car elle était d’une lucidité implacable, un texte d’Alejandra Pizarnik, cette grande poétesse Argentine.

De la lucidez - Alejandra Pizarnik

«La lucidez es un don y es un castigo. Está todo en la palabra. Lúcido viene de Lucifer, el arcángel rebelde, el demonio. Pero también se llama Lucifer el lucero del alba, la primera estrella, la más brillante, la última en apagarse.

Lúcido viene de Lucifer y Lucifer viene de Luz y de Fergus, que quiere decir el que tiene luz, el que genera luz, el que trae la luz que permite la visión interior: el bien y el mal, todo junto, el placer y el dolor.

La lucidez es dolor y el único placer que uno puede conocer, lo único que se parecerá remotamente a la alegría será el placer de ser consciente de la propia lucidez.

El silencio de la comprensión, el silencio del mero estar. En esto se van los años. En esto se fue la bella alegría animal.»


De la lucidité- A Pizarnik

La lucidité est un don et une punition. Tout est dans le mot. Lucide vient de Lucifer, l’archange rebelle, le démon. Mais l’étoile du matin (Vénus) s’appelle aussi Lucifer*, la première étoile, la plus brillante, la dernière à s’éteindre.

Lucide vient de Lucifer et Lucifer vient de Lux/Lumière et de Fergus, qui veut dire celui qui a de la lumière, qui génère de la lumière, celui qui apporte la lumière qui permet la vision intérieure: le bien et le mal, le tout ensemble, le plaisir et la douleur.

La lucidité est douleur et l’unique plaisir qu’on peut connaître, l’unique qui ressemblera vaguement à la joie, sera le plaisir d’être conscient de sa propre lucidité.

Le silence de la compréhension, le silence du simple fait d’être.

Ainsi passent les années. Ainsi disparût la belle joie animale.

Trad: Colo

*Dans la mythologie romaine, l'étoile du matin est appelé Lucifer « Celui qui porte, qui amène, la lumière ». Lors de l'hellénisation de Rome, il sera assimilé à l'Éosphoros-Phosphoros grec. Lucifer est le frère de Vesper, l'étoile du soir.


3 oct. 2023

Souvenirs de plage / Recuerdos de playa

 

Hier soir j’ai perdu...Pedro Salinas


Sur le sable de la plage

un souvenir

doré, vieux et menu

comme un petit grain de sable.

Patience ! La nuit est courte.

J’irai le chercher demain…

Mais j’ai peur de ces

tourbillons nocturnes

qui emportent sur leur croupe

- dieu sait où? le sable

fin de la plage.


(Trad: Colo)


Léon Spilliaert, Plage au clair de Lune, 1908, aquarelle et crayon de couleur. Coll. particulière.


Anoche se me ha perdido... Pedro Salinas

En la arena de la playa
un recuerdo
dorado, viejo y menudo
como un granito de arena.
¡Paciencia! la noche es corta.
Iré a buscarlo mañana...
Pero tengo miedo de esos
remolinos nocherniegos
que se llevan en su grupa
¡dios sabe adónde! la arena
menudita de la playa.