28 févr. 2025

Poésie et cuisine / Poesía y cocina

 

Manger un poème ou écrire un plat

Diego Guerrero y Benjamín Prado

 

 

Tu veux que la mer entre dans une cuiller;

moi que, dans un vers, on cuisine la langue.


Tu obtiens des voyages par l’odorat

de la musique dans le goût,

des plateaux tels des îles où se rompent les vagues;

moi j’imagine un met exquis pour l’ouïe,

qui dans chaque mot savoure ses lettres

et suive des yeux ceux qui la regardent,

comme les portraits d’un musée.


L’encre rend invisible le calamar

et visible le poème;

mais les deux racontent la même histoire,

et les livres fermés

et les assiettes vides

et les gens qui portent un toast

sont sa fin heureuse.

(...)

(Trad: Colo)

 

 

 

COMER UN POEMA O ESCRIBIR UN PLATO.

Diego Guerrero y Benjamín Prado



Tú pretendes que el mar quepa en una cuchara;

yo que dentro de un verso se cocine el idioma.


Tú consigues que existan viajes para el olfato,

música en el sabor,

bandejas como islas donde rompen las olas;

yo imagino un manjar para el oído,

en que cada palabra saboree sus letras

y siga con los ojos a aquellos que la miran,

igual que los retratos de un museo.



La tinta hace invisible al calamar

y visible el poema;

pero los dos cuentan la misma historia,

y los libros cerrados

y los platos vacíos

y la gente que brinda

son su final feliz.

(…)

poema encontrado aquí:

http://retalespalabras.blogspot.com/2019/09/comer-un-poema-o-escribir-un-plato.html


24 févr. 2025

Douceurs

 

Voilà, aujourd’hui je voudrais partager des moments de douceur avec tous: famille, amies et amis, proches. Vous qui, d’une façon ou d’une autre souffrez, stressez, vieillissez “mal” comme on dit, vous séparez, ne trouvez pas de logements ou vivez difficilement les bouleversements du monde. Vous vous reconnaîtrez.


Vous le savez, la nature est ma source de plaisir, d’équilibre. Puisse-t-elle vous faire du bien. 

Le gris si doux autour de moi.



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et puis, près la mer étale, la plage déserte. Respirer.

 







 

17 févr. 2025

Qui ? / ¿Quién ?

 

Le soir, devant la cheminée, laisser remonter des souvenirs...et ce 

poème que j'ai lu.


Il est de Claribel Alegría, (Nicaragua, 1924-2018) nous l'avons déjà 

rencontrée sur ce blog; son nom m'a toujours enchantée.




 Évoquant des souvenirs


Évoquant des souvenirs

j’ai trouvé le tien.

Il ne faisait pas mal.

Je l’ai sorti de son étui,

j’ai secoué ses racines

dans le vent,

je l’ai mis à contre-jour:

C’était un cristal poli

qui reflétait des poissons de couleurs,

une fleur sans épines

qui ne brûlait pas.

Je l’ai jeté contre le mur

et la sirène de mon alarme a sonné.

Qui a éteint son feu?

Qui a usé le fil

de mon souvenir-lance

que j’aimais tant?

(Trad: Colo)

 



In memoriam, Enrique Grau 1990, Colombia



Barajando recuerdos


Barajando recuerdos
me encontré con el tuyo.
No dolía.
Lo saqué de su estuche,
sacudí sus raíces
en el viento,
lo puse a contraluz:
Era un cristal pulido
reflejando peces de colores,
una flor sin espinas
que no ardía.
Lo arrojé contra el muro
y sonó la sirena de mi alarma.
¿Quién apagó su lumbre?
¿Quién le quitó su filo
a mi recuerdo-lanza
que yo amaba?


8 févr. 2025

Plus rien ne m'étonne...

 À entendre les nouvelles du monde ces derniers jours, j’ai immédiatement pensé à Tiken Jah Fakoli, et particulièrement à une de ses chansons “Plus rien ne m’étonne” qui date de 2004.

Mais la voici en 2024 dans une mise en scène spectaculaire, 850 choristes (blancs et tout en blanc) et Tiken Jah Fakoli dans une tenue colorée qu’il ne porte pas du tout habituellement. 

 



Voici les paroles:

Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne

Si tu me laisses la Tchétchénie,
Moi je te laisse l'Arménie
Si tu me laisses l'Afghanistan
Moi je te laisse le Pakistan
Si tu ne quittes pas Haïti,
Moi je t'embarque pour Bangui
Si tu m'aides à bombarder l'Irak,
Moi je t'arrange le Kurdistan

Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne

Si tu me laisses l'uranium
Moi je te laisse l'aluminium
Si tu me laisses tes gisements,

Moi je t'aide à chasser les Talibans
Si tu me donnes beaucoup de blé,
Moi je fais la guerre à tes côtés
Si tu me laisses extraire ton or,
Moi je t'aide à mettre le Général dehors

Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne

Ils ont partagé Africa sans nous consulter,
Ils s'étonnent que nous soyons désunis !
Une partie de l'empire Mandingue,
Se trouva chez les Wolofs,
Une partie de l'empire Mossi
Se trouva dans le Ghana,
Une partie de l'empire Soussou
Se trouva dans l'empire Mandingue,
Une partie de l'empire Mandingue
Se trouva chez les Mossis

Ils ont partagé Africa sans nous consulter,
Sans nous demander, sans nous aviser !

Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne


L’histoire se répète de par le monde...c’est assez désespérant. Étonnant ?


Si vous ne connaissez pas le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoli, ses chansons reggae, ses paroles engagées, voici une excellente chronique de France Inter (à écouter et/ou lire). https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-de-djubaka/la-chronique-musicale-de-djubaka-du-dimanche-01-octobre-2023-4326731


1 févr. 2025

Ëcrire le mot amour, pluie / Escribir la palabra amor, lluvia

 Pluie  Juan Gelman
 

aujourd'hui il pleut beaucoup, beaucoup,
on pourrait croire qu'on veut laver le monde.
mon voisin d'à côté regarde la pluie
et pense écrire une lettre d'amour/
une lettre à la femme qui partage sa vie
qui prépare ses repas lave son linge fait l'amour avec lui
           
et ressemble à son ombre/
mon voisin jamais ne dit de mots d'amour à sa femme/
il entre à la maison par la fenêtre et non par la porte/
par une porte on entre en beaucoup d'endroits/
au travail, à la caserne, à la prison, dans tous les bâtiments du monde/
            
mais non au monde/
ni dans une femme/ni dans l'âme/
c'est-à-dire/ dans ce tiroir ou ce navire ou cette pluie que nous appelons ainsi/
comme aujourd'hui/qu'il pleut beaucoup/
et que cela pèse d'écrire le mot amour/
parce que l'amour est une chose et le mot amour autre chose/
et que seule l'âme sait où les deux se rencontrent/
et quand/et comment/mais que peut expliquer l’âme/
c'est pourquoi mon voisin ressent des orages dans la bouche 

                              des mots qui font naufrage/
des mots qui ne savent pas qu'il pourrait faire soleil
parce qu'ils naissent et meurent la nuit même de l'amour/
et qui laissent dans la pensée des lettres qui ne seront jamais écrites/
comme le silence qu'il y a entre deux roses/
ou comme moi/qui écris des mots
dédiés à mon voisin qui regarde la pluie/
à la pluie/
à mon cœur exilé/ 

 
Ce poème figure dans le livre "Isso" publié par l'Université de Brasilia en 2004
http://jean.dif.free.fr/Textes/Nl20051.html




Lluvia Juan Gelman
 
hoy llueve mucho, mucho,
y pareciera que están lavando el mundo
mi vecino de al lado mira la lluvia
y piensa escribir una carta de amor/
una carta a la mujer que vive con él
y le cocina y le lava la ropa y hace el amor con él
y se parece a su sombra/
mi vecino nunca le dice palabras de amor a la
mujer/
entra a la casa por la ventana y no por la puerta/
por una puerta se entra a muchos sitios/
al trabajo, al cuartel, a la cárcel,
a todos los edificios del mundo/ pero no al mundo/
ni a una mujer/ni al alma/
es decir/a ese cajón o nave o lluvia que llamamos así/
como hoy/que llueve mucho/
y me cuesta escribir la palabra amor/
porque el amor es una cosa y la palabra amor es otra cosa/
y sólo el alma sabe dónde las dos se encuentran/
y cuándo/y cómo/
pero el alma qué puede explicar/
por eso mi vecino tiene tormentas en la boca/
palabras que naufragan/
palabras que no saben que hay sol porque nacen y
mueren la misma noche en que amó/
y dejan cartas en el pensamiento que él nunca
escribirá/
como el silencio que hay entre dos rosas/
o como yo/que escribo palabras para volver
a mi vecino que mira la lluvia/
a la lluvia/
a mi corazón desterrado/