Silvina O Campo était une grande poétesse et écrivaine Argentine, (1903-1993) qui
raffolait des nouvelles fantastiques.
Il y a une dizaine d'années, j'avais traduit ce conte fantastique, ici
En voici un autre.
LA VOIX
Silvina O Campo
L’automne
ressemble plus à l’été que l’été. C’était une chaude
journée d’automne. Avec ma robe en soie bleue et le petit pékinois
qu’on m’avait offert pour mon anniversaire, je suis arrivée chez
mon fiancé. Je me souviens clairement de ce jour.
- Les
jalousies gouvernent le monde -disait la dame Yapura, croyant que je
ne me
mariais pas avec Romirio par jalousie-. Mon fils ne dort
qu’avec le chat.
Moi je ne me mariais pas ou ne me décidais pas à me marier avec Romirio pour d’autres raisons. Parfois les mots que les gens disent dépendent de l’intonation de la voix de celui qui les prononce. Je semble divaguer mais il y a une explication. La voix de Romirio, mon fiancé, me répugnait. Quel que fût le mot qu’il prononçait, et bien qu’il montrât du respect en le disant, et bien qu’il ne me touchât pas même un doigt de pied, il me semblait obscène. Je ne pouvais l’aimer. Cette circonstance me peinait, non pour lui mais pour sa mère, qui était bonne et généreuse. Son seul défaut connu était la jalousie, mais elle était déjà vieille et l’avait perdue. Et depuis quand faut-il croire les commérages ? Les gens racontaient qu’elle s’était mariée jeune avec un garçon qui très vite la trompa avec une autre. Ayant des soupçons, elle vécut un mois sans dormir en essayant de découvrir l’adultère. Le découvrir fut comme un coup de couteau au coeur. Elle ne dit rien, mais la nuit même, quand son mari dormait à ses côtés, elle se jeta à son cou pour l’étrangler. La mère de la victime vint le sauver, sans elle il serait mort.
Mes
fiançailles avec Romirio se prolongeaient trop. “Qu’est-ce
qu’une voix ?”, pensais-je, “ce n’est pas une main qui
caresse avec insolence, ce n’est pas une bouche répugnante qui
essaye de m’embrasser, ce n’est pas le sexe obscène et
protubérant que je crains, ce n’est pas matériel comme les fesses
ni chaud comme le ventre”. Pourtant la voix de Romirio signifiait
quelque chose de bien plus désagréable que tout ça pour moi.
Comment pourrais-je supporter qu’un homme vive à mes côtés
distillant cette voix à qui voudrait l’entendre ! Cette voix
viscérale, impudique, scatologique. Mais qui ose dire à son fiancé
“ta voix me déplaît, me répugne, me scandalise, est comme, dans
le catéchisme de mon enfance, le mot luxure”?
Notre
mariage se postposait indéfiniment, sans qu’il existât
apparemment de vrais motifs pour cela.
Romirio
me rendait visite tous les soirs. Je n’allais que rarement à sa
maison sombre, car sa mère, qui était malade, se couchait tôt. Je
l’aimais beaucoup pourtant, le petit jardin rempli d’ombres, et
Lamberti, le chat tigré de Romirio. Il n’y avait dans tout le
voisinage de fiancés aussi réservés que nous. Si nous nous sommes
embrassés une fois durant l’été ce fut beaucoup. Nous prendre la
main ? Même pas pour rire. Nous étreindre ? On ne dansait plus
enlacés. Ce comportement inhabituel faisait soupçonner que nous ne
nous marierions jamais.
Ce
jour-là j’ai emmené le petit pékinois qu’on m’avait offert
chez Romirio. Romirio l’a pris dans ses bras pour le caresser.
Pauvre Romirio, il aimait tant les petits animaux. Nous étions assis
dans le salon comme d’habitude quand le poil de Lamberti s’est
hérissé et, avec un bruit de crachement il s’est enfui de notre
côté, renversant un pot de fleurs. C’est en pleurant que la dame
Yapura me téléphona le jour suivant : cette même nuit et comme
toujours, Romirio dormit avec Lamberti dans son lit, mais au milieu
de la nuit le chat en furie lui enfonça les griffes dans le cou. En
entendant les cris, la mère arriva. Elle parvint à arracher le chat
du cou de son fils et l’étrangla avec une ceinture. On dit qu’il
n’y a rien de plus terrible qu’un chat furieux. Je n’ai aucun
mal à le croire. Je les déteste. Depuis lors Romirio est sans voix
et les médecins qui l’ont vu ont dit qu’il ne la retrouverait
jamais,
-Tu
ne te marieras pas avec Romirio -dit la mère en larmes-. Ce n’est pas
pour rien que je disais à mon fils de ne pas dormir avec le chat !
-Je
me marierai -ai-je répondu
Depuis
ce jour j’ai aimé Romirio.
(Trad: Colo)
La voz
El otoño
se parece más al verano que el verano. Era un día caluroso de
otoño. Con mi vestido de seda azul y el perrito pequinés que me
habían regalado para mi cumpleaños llegué a casa de mi novio.
Recuerdo patente aquel día.
–Los
celos rigen el mundo –decía la señora de Yapura, creyendo que yo
no me casaba con Romirio por celos–. Mi hijo duerme solo con el
gato.
Yo
no me casaba o no me decidía a casarme con Romirio por otros
motivos. A veces las palabras que las personas dicen dependen de la
entonación de la voz con que las dicen. Parece que divago, pero hay
una explicación. La voz de Romirio, mi novio, me repugnaba.
Cualquier palabra que pronunciara, aunque tuviera mucho respeto por
mí al decirla, aunque no me tocara ni un dedo del pie, me parecía
obscena. No podía quererlo. Esta circunstancia me apenaba, no por él
sino por su madre, que era generosa y buena. El único defecto que se
le conocía eran los celos, pero ya era vieja y los habría perdido.
¿Y acaso hay que creer en las habladurías? La gente contaba que se
casó muy joven con un muchacho que pronto la engañó con otra. Al
sospechar la cosa, ella vivió un mes sin dormir tratando de
descubrir el adulterio. Descubrirlo fue como una cuchillada que
recibió en el corazón. No dijo nada, pero aquella misma noche,
cuando su marido dormía a su lado, se le echó al cuello para
estrangularlo. La madre de la víctima acudió para salvarlo; si no
hubiera sido por ella habría muerto.
Mi
noviazgo con Romirio se prolongaba demasiado. «¿Qué es una voz?»,
pensaba yo, «no es una mano que acaricia con insolencia, no es una
boca repulsiva que intenta besarme, no es el sexo obsceno y
protuberante que temo, no es material como las nalgas ni caliente
como un vientre». Sin embargo, la voz de Romirio significaba algo
mucho más desagradable que todo eso para mí. ¡Cómo soportaría
que un hombre viviera a mi lado repartiendo esa voz a quien quisiera
oírla! Esa voz visceral, impúdica, escatológica. ¿Pero quién se
atreve a decir a su novio: «tu voz me desagrada, me repugna, me
escandaliza, es como en el catecismo de mi infancia la palabra
lujuria»?
Nuestro
casamiento se postergaba indefinidamente, sin que existieran,
aparentemente, verdaderos motivos para ello.
Romirio
me visitaba todas las tardes. Rara vez yo iba a su oscura casa,
porque su madre, que era enferma, se acostaba temprano. Asimismo, me
gustaba mucho el jardincito, lleno de sombras, y Lamberti, el gato
barcino de Romirio. Novios tan recatados como nosotros no existían
en todo el vecindario. Si nos besamos una vez durante el verano de
aquel año fue mucho. ¿Tomarnos de la mano? Ni por broma.
¿Abrazarnos? Ya no se usaba bailar abrazados. Este desusado
comportamiento hacía sospechar que no nos casaríamos nunca.
Aquel
día llevé a casa de Romirio el perrito pequinés que me habían
regalado. Romirio lo tomó en brazos para acariciarlo. ¡Pobre
Romirio, le gustaban tanto los animalitos! Estábamos sentados en la
sala como de costumbre cuando el pelo de Lamberti se erizó y con un
ruido de escupida huyó de nuestro lado volteando una maceta con
flores. Llorando me llamó al día siguiente la señora de Yapura:
aquella misma noche, como siempre, Romirio durmió con Lamberti en su
cama, pero en medio de la noche el gato enfurecido le clavó las uñas
a Romirio en el cuello. La madre acudió al oír los gritos. Logró
arrancar el gato del cuello de su hijo y lo estranguló con una
correa. Dicen que nada es tan terrible como un gato enfurecido. No me
cuesta creerlo. Los detesto. Romirio quedó sin voz desde entonces y
los médicos que lo vieron dijeron que no la recobraría jamás.
–No
te casarás con Romirio –dijo llorando su madre–. ¡Por algo yo
le decía a mi hijo que no durmiera con el gato!
–Me
casaré –le respondí.
Amé
a Romirio desde aquel día.