Pluie
Juan Gelman
aujourd'hui
il pleut beaucoup, beaucoup,
on
pourrait croire qu'on veut laver le monde.
mon
voisin d'à côté regarde la pluie
et
pense écrire une lettre d'amour/
une
lettre à la femme qui partage sa vie
qui
prépare ses repas lave son linge fait l'amour avec lui
et
ressemble à son ombre/
mon
voisin jamais ne dit de mots d'amour à sa femme/
il
entre à la maison par la fenêtre et non par la porte/
par
une porte on entre en beaucoup d'endroits/
au
travail, à la caserne, à la prison, dans
tous les bâtiments du monde/
mais
non au monde/
ni
dans une femme/ni dans l'âme/
c'est-à-dire/
dans
ce tiroir ou ce navire ou cette pluie que nous appelons ainsi/
comme
aujourd'hui/qu'il pleut beaucoup/
et
que cela pèse d'écrire le mot amour/
parce
que l'amour est une chose et le mot amour autre chose/
et
que seule l'âme sait où les deux se rencontrent/
et
quand/et comment/mais
que peut
expliquer l’âme/
c'est
pourquoi mon voisin ressent des orages
dans la
bouche
des
mots qui font naufrage/
des
mots qui ne savent pas qu'il pourrait faire soleil
parce
qu'ils naissent et meurent la nuit même de l'amour/
et
qui laissent dans la pensée des lettres qui ne seront jamais
écrites/
comme
le silence qu'il y a entre deux roses/
ou
comme moi/qui écris des mots
dédiés
à mon voisin qui regarde la pluie/
à
la pluie/
à
mon cœur exilé/
Ce poème figure dans le
livre "Isso" publié par l'Université de Brasilia en 2004
http://jean.dif.free.fr/Textes/Nl20051.html
y pareciera que están lavando el mundo
mi vecino de al lado mira la lluvia
y piensa escribir una carta de amor/
una carta a la mujer que vive con él
y le cocina y le lava la ropa y hace el amor con él
y se parece a su sombra/
mi vecino nunca le dice palabras de amor a la
mujer/
entra a la casa por la ventana y no por la puerta/
por una puerta se entra a muchos sitios/
al trabajo, al cuartel, a la cárcel,
a todos los edificios del mundo/ pero no al mundo/
ni a una mujer/ni al alma/
es decir/a ese cajón o nave o lluvia que llamamos así/
como hoy/que llueve mucho/
y me cuesta escribir la palabra amor/
porque el amor es una cosa y la palabra amor es otra cosa/
y sólo el alma sabe dónde las dos se encuentran/
y cuándo/y cómo/
pero el alma qué puede explicar/
por eso mi vecino tiene tormentas en la boca/
palabras que naufragan/
palabras que no saben que hay sol porque nacen y
mueren la misma noche en que amó/
y dejan cartas en el pensamiento que él nunca
escribirá/
como el silencio que hay entre dos rosas/
o como yo/que escribo palabras para volver
a mi vecino que mira la lluvia/
a la lluvia/
a mi corazón desterrado/
J'adore l'idée que des mots pourraient faire soleil plutôt que de faire naufrage on devrait s'en souvenir plus souvent
RépondreSupprimerCe serait tellement mieux, oui !
Supprimeroh que c'est beau.
RépondreSupprimerOui !
SupprimerJuan Gelman est un de mes poètes préférés, trop peu connu en traduction française hélas.
Des mots qui naissent et meurent la nuit même de l'amour, sans avoir été prononcés. Tout ce silence où se noie le soleil. Merci pour ce poème d'un cœur exilé
RépondreSupprimer..où se noie le soleil, oui. Merci Zoë
SupprimerCela rappelle la citation de C. Lawrence : " Les mots c'est comme des bulles d'air. C'est brillant, c'est doux quand ça passe, et après vous cherchez, et il n'y a rien " L' âme serait donc plus durable, plus réelle, que les mots ? En tout cas, ce poème exprime cette dualité avec beaucoup d'acuité, et d'émotion sincère.
RépondreSupprimerBon week-end, Colo
J'ignore si tu connais ce poète, si sensible et émouvant, je publierai plus de poèmes de lui.
SupprimerBon week-end à toi aussi.
"Ressentir des orages dans la bouche". Comme c'est joliment dit. Si seulement les mots pouvaient toujours faire le soleil. Bises alpines.
RépondreSupprimerHola Dédé, faut-il compter sur les mots? Bon dimanche, à bientôt, merci de ta visite !
SupprimerIl n'y a pas que des rayons de soleil dans la vie,il nous faut les inventer avec des mots tandis que la pluie tombe à cacher nos désirs de lettre d'amour...
RépondreSupprimerBonjour Enitram, inventer, mais oui! Bon dimanche.
SupprimerToute la délicatesse de celui qui :" entre à la maison par la fenêtre et non par la porte", le voisin est un poète.
RépondreSupprimerQuelle belle profondeur ce texte qui parle de ce qui nous est si difficile de mettre en mots. Et qui parfois ne sera jamais mis en mots ; parce que nous sommes un peu noyés : "dans ce tiroir ou ce navire ou cette pluie que nous appelons ainsi "l'âme" ou "l'amour".
Et que notre "coeur", à vrai dire est "exilé"
Merci Colo pour ce cadeau ♥♥♥
Bises hivernales mais ensoleillées pour toi, jusqu'à ce qu'il fasse soleil chez toi.
Hola Fifi, oui, et "que peut expliquer l'âme " ?
SupprimerGarde bien ton soleil Fifi, il est rare chez toi, ici il reviendra vite.
Besos de bon dimanche, bonne semaine.
RépondreSupprimerUn poème d'amour
C'est beau
Beau comme un arc en ciel
Quand le soleil
En gouttes de miel
Joue avec la pluie…
Car les mots cachés
peuvent devenir étoiles
scintiller en mille soleils...
***
Merci pour cette découverte... Bon dimanche
Merci à toi pour ces vers "brillants" de lumière. Bon dimanche Marie.
Supprimeret donc, j'enjambe la fenêtre virtuelle qui mène à votre âme, à vos mots, chère dame Colo !!...
RépondreSupprimeravec une pluie de sourires et de mercis 🌧️🌈
Oh, merci à vous chère Solilouve, le poète sourira avec moi à vos mots.
SupprimerLa souplesse virtuelle permet d'enjamber les plus difficiles obstacles....Bonne semaine.
por eso mi vecino tiene tormentas en la boca/
RépondreSupprimerpalabras que naufragan/
palabras que no saben que hay sol porque nacen y
mueren la misma noche en que amó/
y dejan cartas en el pensamiento que él nunca
escribirá/
como el silencio que hay entre dos rosas/
o como yo/que escribo palabras para volver
a mi vecino que mira la lluvia/
a la lluvia/
a mi corazón desterrado/
qué maravilla, muchas gracias por compartirlo. Por suerte, o por desgracia (o por nada, total a quién le importa) no he sido capaz de añadir un comentario que esté a la altura de la belleza del poema.
Gracias a ti que has sabido apreciar este bello y profundo poema. Un beso
Supprimer"parce que l'amour est une chose et le mot amour autre chose/
RépondreSupprimeret que seule l'âme sait où les deux se rencontrent/"
Très beau, ce poème émouvant que je relis en m'arrêtant de nouveau sur ces vers :
"porque el amor es una cosa y la palabra amor es otra cosa/
y sólo el alma sabe dónde las dos se encuentran/"
Merci, Colo, de nous offrir ce plaisir d'aller d'une langue à une autre, d'écouter le poème original, de goûter sa musique. Il ne pleut pas ce matin, il fait soleil au-dessus des toits blancs de givre, la lumière d'hiver nous ravit.
L'âme point de rencontre, oui, il écrit aussi: "pero el alma qué puede explicar"....
SupprimerMerci d'avoir apprécié ce poème qui dit tant sur ce qu'on sait si peu-ou mal-dire.
Bonne journée lumineuse Tania
Qu'il est beau ce poème, et que c'est agréable de l'écouter dans la langue tout en lisant ta traduction...J'aime l'idée d'entrer par la fenêtre et que les mots puissent faire soleil...et nous parler d'amour...Merci pour cette nouvelle traduction, j'ai adoré lire et écouter en même temps et tu te doutes que je ne connaissais pas ce poète. Alors merci à toi pour ce partage.
RépondreSupprimerLa diction de Manuel Lopez Castilleja est vraiment excellente, il lit le poème avec un rythme qui le rend très vivant, musical, je suis contente que, malgré que tu ne comprennes pas l'espagnol, tu aies apprécié !
SupprimerBonne journée Manou!
"mais que peut expliquer l’âme ?" Question abyssale ce matin .. ce poème est merveilleux, je l'ai relu plusieurs fois et je peux y revenir encore, il y a beaucoup à puiser dedans. Chère Colo, continue à nous parler de ce poète s'il-te-plait. Bises.
RépondreSupprimerQue je suis contente Aifelle, je l'ai trouvé merveilleux, mon fils aussi et tant d'autres...
SupprimerJe continuerai, c'est sûr ! Bonne journée, besos
Quel bonheur d'écouter ce poème en espagnol (moi qui ne parle pas la langue), il prend tout son sens lorsque les oreilles écoutent l'auteur et que les yeux te lisent.
RépondreSupprimerMerci Dame Colo pour ce nouveau petit bonheur ! Un beso.
Ah tu as fait les deux ensemble, une excellente idée. La diction en espagnol est excellente et claire.
SupprimerAvec plaisir Claudie, un beso ensoleillé pour toi.
C’est amusant car le peu que je connais de toi, j’ai cru que c’était toi qui parlait de ton voisin.
RépondreSupprimerJ’aime beaucoup l’idée de l’orage…et du soleil…bref c’est très beau
J'aimerais tant pouvoir écrire ainsi...mais ici c'est un excellent poète argentin,
SupprimerMerci, bon week-end
Quel magnifique poème ! Je viens de le lire alors qu'il pleut énormément chez moi. Lluvia : ce mot espagnol est tellement doux ; je me rappelle un poème de Neruda, dans El Canto General, à propos de la pluie... Il faudrait que je le relise.
RépondreSupprimerNeruda, oui, je le chercherai aussi...lluvia est doux, plus doux que la pluie qui tombe ici aussi....
SupprimerNe t’effraie pas, attendons nus que la pluie tombe,
Supprimerla pluie, la même pluie qui tombe sur Manu Tara.
No temas, esperemos que caiga la lluvia, desnudos,
la lluvia, la misma que cae sobre Manu Tara.
Quelle bonne, très bonne idée de remettre en avant Juan Gelman, et l'immensité de la dernière strophe. Quelle beauté.
RépondreSupprimerC'est un poète que je chéris énormément, contente que tu partages ce sentiment!
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