“Les
figuiers de barbarie qui bordent l'entrée des villages ont toujours
été les gardiens des signes. Quand nous étions enfants, il y a
quelques minutes, les figuiers nous indiquaient le chemin. C'est pour
cela que nous restions dehors fort tard, en compagnie des chacals et
des étoiles. C'est pour cela que nous cachions les broutilles que
nous volions – une datte, une figue sèche, un cahier – dans
leurs lits d'épines. Quand nous grandîmes, sans savoir ni comment
ni quand, leurs fleurs jaunes nous incitaient à aborder les filles
qui allaient à la fontaine, souriantes, et nous nous vantions des
épines qui s'enfonçaient dans nos mains. Quand la fleur se fana et
surgit le fruit, les figuiers se montrèrent incapables de repousser
les armes de l'armée assassine. Mais ils poursuivirent le rôle de
gardiens des signes: là-bas, derrière les figuiers, il y a des
maisons enterrées vivantes, et des royaumes, des royaumes de
souvenirs, et une vie qui attend un poète qui ne se délecte pas
dans les ruines, à moins que le poème ne l'exige.”
(trad: Colo)
Il fleurit en ce moment ici / Florece en este momento aquí ....foto Colo |
“Las
chumberas que flanquean la entrada de los pueblos han sido siempre
las guardianas de los signos. Cuando éramos niños, hace unos
minutos, las chumberas nos indicaban el camino. Por eso nos
quedábamos hasta tarde fuera, en compañía de los chacales y de las
estrellas. Por eso escondíamos las pequeñeces que sisábamos —un
dátil, un higo seco, un cuaderno— en sus alcobas de espinas.
Cuando crecimos, sin saber cómo ni cuándo, sus flores amarillas nos
incitaron a abordar a las chicas que iban a la fuente risueña, y nos
jactábamos de las espinas que se nos clavaban en las manos. Cuando
la flor se ajó y el fruto brotó, las chumberas se mostraron
incapaces de repeler las armas del ejército asesino. Pero siguieron
siendo las guardianas de los signos: allí, detrás de las chumberas,
hay casas enterradas vivas, y reinos, reinos de recuerdos, y una vida
que aguarda a un poeta que no se recree en las ruinas, a menos que el
poema lo exija.”
Traducción de Luz Gómez García
Quel beau texte ! Je ne regarderai plus ces figuiers de la même façon. Ta photo est parfaite.
RépondreSupprimerBonne journée, Colo.
Ces plantes représentent la sècheresse, la pauvreté aussi Tania. À une époque lointaine elles asséchaient la soif mais, comme elle sont fort envahissantes et "vieillissent" mal ( c'est à dire deviennent laides dans le bas), elle disparaissent peu à peu du paysage habité.
SupprimerJ'ai souvenir de villages, partout en Espagne, entourés de ces gardiens des signes, mais j'ignorais qu'ils contenaient tant de richesses, de royaumes...et pas seulement en Palestine j’imagine.
Bonne journée à toi aussi.
J'ai vu les villages désertés, le long du Jourdain. J'ai vu les figuiers et les épines dans la main, ( merci la pince à épiler ) mais pas le cahier ni le poète. Peut-être n'ai-je pas su lire les signes ?
RépondreSupprimerIl émane de ce texte une telle nostalgie, un tel amour pour sa terre qu'il ne retrouvera pas que je suis profondément émue et presque triste.
Merci de nous parler de ce grand monsieur qui a toujours écrit pour son pays et merci pour la photo fleurie.
Je t'embrasse très fort.
Je crains qu'il n'y ait que les initiés qui perçoivent ces signes...
SupprimerCet extrait vient de son dernier livre...nostalgie, oui.
Un voisin m'a fait goûter ces figues il y a peu, il me les avait si aimablement pelée et "épinées" que mes mains n'ont pas souffert...
Bonne soirée Sable, merci de ta visite, de tes mots. Un beso!
Je n'ai jamais vu, en vrai, des figuiers de barbarie mais j'apprécie beaucoup ta photo du figuier en fleur. Ces petites fleurs jaunes sont superbes et merci pour le magnifique texte de Mahmud Darwix que je découvre.
RépondreSupprimerBelle fin de journée, Colo.
Bisous
Avec plaisir Denise, les échanges sur les blogs sont si riches, souvent.
SupprimerJe t'embrasse, bonne soirée à toi aussi.
Les signes il faut du temps pour les comprendre, heureux celui qui sait les percevoir ...
RépondreSupprimerLe temps, ce cadeau que nous accorde l'âge mûr...
SupprimerMerci d'être passée Marcelle, bonne fin de semaine.
Comme souvent quand je passe ici, je suis touchée.
RépondreSupprimerJuste pile là où il faut.
Merci de me faire découvrir un si beau texte et un bel auteur.
Et merci de me replonger dans un joli souvenir, la chaleur, les figues, les mains de mon père et la pince à épiler ...
Bien contente que ce texte, évocateur pour certains comme toi, ravive ces beaux souvenirs... un peu piquants, Ortie.
SupprimerBonne journée, je t'embrasse
L'autre jour, alors que nous étions en visite du côté de Montpellier, une fleur jaune a attiré mon regard (je publierai cette photo bientôt sur mon blog), c'était comme un sourire de soleil. La fleur était une offrande d'un figuier de barbarie. Nous nous sommes arrêtés longtemps et avons parlé de son goût, de son côté sucré. Merci pour ce joli texte, il donne beaucoup de force et apporte une note nostalgique et dramatique en même temps. Mais pourquoi affuble-t-on du qualificatif de barbarie une telle beauté ?
RépondreSupprimerJaune-sourire, qui fait oublier les épines. Oui, c'est bien comme la vie.
SupprimerAlors le mot barbarie ici n'a rien à voir avec les terribles Barbares, mais a son origine dans un mot latin barbaria ou barbaries, au sens de " pays des Berbères "...on comprend mieux alors.
Bonne journée Obni.
Merci pour la précision… Bonne journée (ici le soleil est généreux, enfin !)
Supprimer"Des royaumes de souvenirs" que c'est beau ! Je ne pense pas avoir vu un jour cette espère de figuiers en fleurs. Merci pour la photo, qui illustre parfaitement ton billet et permet de visualiser.
RépondreSupprimerSouvenirs de toutes sortes, jaunes-or, rouges vif ou piquants....
SupprimerBon week-end Aifelle!
Merci de nous faire découvrir autant de diversité dans l'universalité. Je pensais que les poètes étaient des passeurs d'idées, mais en ce qui concerne Mahmoud Darwich, cela ne s'arrête pas là : Il était également un militant engagé , un défenseur du droit à la terre d'un peuple.
RépondreSupprimerPasseur d'idées, d’images, de luttes et de rêves, oui, il était tout cela.
SupprimerTraduire les mots, c'est abolir les frontières, oui, comme tes photos...universels.
Les derniers souvenirs que j'ai des figuiers de barbarie ( ça ne pousse malheureusement pas en Bretagne) c'était en Tunisie . Mais nous étions loin de ceux qui illustrent les rêves de Mahmud Darwix . Partout dans les campagnes où ces figuiers formaient des haies , y pendaient lamentablement des sacs plastique d'un "très joli" bleu industriel que le vent avait dispersés au gré de ses humeurs .
RépondreSupprimerAlors vous pensez si votre magnifique photo accompagnée de ce tout aussi magnifique texte me laisse rêveur!
Très bon week-end Colo, avec un beau ciel bleu azuré :)
Alors
Je comprends bien Gérard, j'ai moi aussi vu de nombreux figuiers du genre décorés de papiers et autres décombres. En fait, quand on ne les "soigne" pas ils deviennent vite très laids du bas...or cette plante, très prolifique, pousse librement, facilement. Une chance peut-être pour les endroits désertiques (ou un malheur, on verra!!) dans la zone d'Almería, sud de l’Espagne, des scientifiques projettent de produire du bioéthanol avec les grandes étendues où pousse cette plante.
SupprimerIci, vous le voyez, j'ai photographié le haut de la plante! :-))
Mais rêvez cher Gérard, et profitez du soleil pendant que nous sommes depuis 2 jours dans les orages, grrrrrrrrrr!
Bon, je vais paraître idiot : je les vois comme des orteils en éventail aux ongles peints... C'est dit, j'arrête.
RépondreSupprimerSur un site espagnol, mon moteur de recherche a traduit "L'empreinte du papillon", nuance et richesse des traductions, les deux sont beaux, différents. Les mots du poète portent un peuple et sa terre..
La comparaison imagée me fait bien rire, mais c'est bien vu; j'adopte et j'y penserai en passant devant dorénavant!
SupprimerJ'aime mieux empreinte, moi j'avais trouvé trace sur un site, comme quoi! Mais le mot español HUELLA veut dire les deux...au choix donc.
Bon weekend, à bientôt.
Sans avoir l'air d'y toucher, avec une remarquable économie de moyens, comment dire beaucoup et profondément.
RépondreSupprimerBonjour K, après avoir lu ce court passage j'ai pensé "comme une vie contenue dans une figue"; un peu ce que tu dis en d'autres mots...merci!
RépondreSupprimerLes dernières figues de Barbarie que j'ai goûtées, c'était en Israël...
RépondreSupprimer"D'un ciel à un autre semblable, passent les rêveurs,
Supprimersuite du papillon,
portant des miroirs d'eau.
Nous pouvons être comme nous le désirons.
D'un ciel
à un autre semblable
passent les rêveurs."
M. Darwix
(trad.Colo!!)
Quand même les épines parlent de poésie à l'ombre des figuiers ... Ce texte plein d'images raconte l'histoire d'une vie ...c'est très beau !
RépondreSupprimerLes derniers figuiers que j'ai vus, c'était en Basilicate dans un jardin tout chaud, goût incomparable du fruit à peine cueilli et qui se révolte ...--)
Merci, oui, un petit texte qui en dit long.
SupprimerUn jardin tout chaud..à te lire on en rêve!
Bonne journée Savarati.
On en voit parfois aussi dans nos jardins. Je m'arrête et les observe.
RépondreSupprimerCe poème, une si agréable rencontre entre le souvenir, les sensations(cuisantes) et l'enfance qui ne s'oublie jamais, comme les paysages.
Dans ce même livre, Mahmoud Darwich écrit aussi:
"SANS M'EN RENDRE COMPTE
je vois ce que je vois
sans m'en rendre compte
et quand je ne vois pas ce que je vois,
le cœur voit
et je vis
comme si j'étais moi
ou un autre,
sans m'en rendre compte!"
un sacré pilote automatique et poétique que voilà qui mène à de belles pensées: les étoiles le regardent, la nature et le passé le contemplent: une façon de déplacer le regard et de ne plus être le centre de la terre.
µµµ Merci Colo, je vais relire " La Trace du papillon" (pas innocente cette majuscule au mot Trace du titre!
Merci, merci!
SupprimerCes traces (ou empreintes) fragiles et délicates...rien n'est innocent.
Je t'embrasse Maïté.
Quel beau texte! Il contient de la poésie jusqu'au bout des épines et des maisons enterrées vivantes... le goût généreux du fruit n'est jamais loin....
RépondreSupprimerJe ne vois pas mon commentaire et pourtant "il a été publié"... Petit bug ou autre chose...
RépondreSupprimerParfois, j'ignore quand, les mots prennent des chemins détournés et tardent à apparaître Edmée; peut-être des épines empêchent-elles la ligne droite?
SupprimerMerci d'être passée!
Un texte magnifique, lien entre l'histoire, la vie personnelle de chacun et la nature. "Tout est signe qui nous fait signe" ... J'avoue que dans cet extrait c'est très fort et que cela donne envie de lire la poésie de Darwich, mais on ne la trouve guère dans les bibliothèques, il faut commander ... Quant aux fleurs que tu nous montres, elles ressemblent à celles que l'on peut voir sur des petits cactus. J'ai vu les fruits en Andalousie, mais je ne me souviens pas y avoir goûté : la peur de se piquer ! Il paraît que c'est doux et sucré et que si tu veux faire des confitures, tu peux associer à des fruits secs. Bonne journée Colo !
RépondreSupprimerBonsoir Lily, Darwich, j'ignore pourquoi, est beaucoup traduit en espagnol....mystères des éditeurs!
SupprimerLes fruits sont doux en bouche, juteux mais ont, je trouve, peu de goût ici.
Vie entre douceurs et piques, souvenirs.
Merci.
Mi madre tiene en su cabeza tantas y tantas historias, con stupentes cosas. Si conocieras mi madre, puedes escribir tantas cosas sobre la nieve en Algeria, las hierbas beneficas (medicales) que se cosechan en la San Juan, sobre el agua que se procuras a lo lejo, de los piernes desnudos en la polvera de la tierra, en un tiempo que no existen nada mas.
RépondreSupprimerPardon pour cet essai...
Elle te raconterait les figues de barbarie qui étaient cueillies grâce à un bois fendu qui retenait un caillou pour rester écarté et qui permettait de les ramasser sans faire souffrir ses doigts. Que les figuiers de barbarie servaient à protéger les hommes et les bêtes.
Tantas cosas...
Besos, Colo.
Gracias, merci Lou, que j'aimerais rencontrer ta mère, l'écouter parler de toutes ces choses quasi oubliées!....je dis quasi car j'ai en effet trouvé ce que tu dis à propos de bois fendu et de caillou: http://manuelcabelloyesperanzaizquierdo.blogspot.com.es/2012/10/aquellos-higos-chumbos.html
SupprimerQuand les plantes protègent les hommes...
Un beso fuerte!