Mélancolie
Rubén
Dario 1867-1916, Nicaragua
À Domingo Bolivar (un peintre colombien sans succès, grand ami à lui, juste décédé)
Frère, toi qui possèdes la lumière, dis-moi la mienne.
Je suis comme un aveugle. Je vais sans but et je marche à tâtons.
Je vais sous les tempêtes et les orages
aveugle de rêve et fou d’harmonie.
Voilà mon mal. Rêver. La poésie
est la camisole ferrée aux mille pointes sanguinaires
que je porte en mon âme. Les épines sanglantes
laissent tomber les gouttes de ma mélancolie.
Ainsi je vais, aveugle et fou, par ce monde amer ;
parfois le chemin me semble interminable,
et parfois si court…
Et dans ce vacillement entre courage et agonie,
je porte le fardeau de peines que je supporte à peine.
N’entends-tu pas tomber mes gouttes de mélancolie ?
Edvard Munch Melancholy 1894-96
Melancolía
Rubén Dario
A Domingo Bolívar
Hermano, tú que tienes la luz, dime la mía.
Soy como un ciego. Voy sin rumbo y ando a tientas.
Voy bajo tempestades y tormentas
ciego de ensueño y loco de armonía.
Ese es mi mal, soñar. La poesía
es la camisa férrea de mil puntas cruentas
que llevo sobre el alma. Las espinas sangrientas
dejan caer las gotas de mi melancolía.
Y así voy, ciego y loco, por este mundo amargo.
a veces me parece que el camino es muy largo
y a veces que es muy corto…
Y en este titubeo de aliento y agonía,
cargo lleno de penas lo que apenas soporto.
¿No oyes caer las gotas de mi melancolía?
Rubén Dario est le fondateur du mouvement littéraire moderniste dans la langue hispano-américaine.
il en a gros sur la patate, le pauvre ;-)
RépondreSupprimerCette sorte de lettre qu'il adresse à son ami est comme une excuse pour expliquer son mal-être, "rêver" et la poésie.
SupprimerAlors oui, tu as raison, il a du mal...
Un terrible spleen dans ce sonnet ! Merci pour le superbe Munch qui l'illustre.
RépondreSupprimerCe poème est souvent employé dans les classes supérieures, tant d'images, entre courage et égarements. Le rythme, aussi qui se perçoit peut-être moins en traduction.
SupprimerLe chemin est parfois court (comme son vers) quand la passion de créer l'emporte.
Ce tableau de Munch est vraiment superbe, en effet !
Je ne connaissais pas le tableau de Munch, magnifique. Il y a une grande souffrance dans ces vers, le poète est accablé ! Bonne journée Colo, bises.
RépondreSupprimerOui, et cette souffrance, en fait il s'apitoye sur lui-même, m'a fait penser à cetains poèmes de Baudelaire, de Rimbaud etc.
SupprimerBonne fin de semaine Aifelle.
Oui, j'ai de suite pensé au spleen de Baudelaire ! Et si ses gouttes de mélancolie arrosaient son jardin secret pour qu'il refleurisse !
RépondreSupprimerIl doit avoir refleuri régulièrement car il a écrit énormément de poèmes très inspirés et pas déprimants !
Supprimer« Des gouttes de mélancolie », je les vois, c’est beau, très touchée.
RépondreSupprimerTrès visuel, en souvenir de son ami peintre peut-être ?
SupprimerCe tableau est vraiment magnifique et je ne le connaissais pas du tout. Il illustre parfaitement l'état d'âme du poète, qui étouffe, souffre, se complet même dans sa mélancolie sans sembler vouloir en sortir...mais appelle tout de même à l'aide. Merci pour ce partage pas très gai ce matin mais moi aussi cela m'a tout de suite fait penser à Baudelaire.
RépondreSupprimerBonjour Manou, je me demandais si les poètes d'aujourd'hui étaient aussi torturés que ceux des siècles passés....
SupprimerBonne journée !
Incandescente noirceur qui coupe un peu le souffle. On est saisi et, sans doute, plus que mélancolique.
RépondreSupprimerLe titre du poème surprend un peu en effet, a-t-il voulu minimiser, adoucir son mal-être ?
SupprimerSon ami s'était suicidé, l'idée lui trottait peut-être en tête à lui aussi....
Emotions en lisant ce poème et en regardant le tableau...
RépondreSupprimerParfois sur les chemins de la vie
On rencontre la dame Mélancolie
Qui jette des voiles sur les joies
Met des bandeaux de chagrins, de peines ...
La pensée devient torrent de larmes,
Le poète va y tremper sa plume...
Ses vers sont sont un baume à sa souffrance...
Marie
Merci Marie, dire sa souffrance aide parfois, c'est vrai.
SupprimerComme c'est triste, mais au moins il a dit sa peine et il l'a partagée avec quelqu'un, ce qui est important. Bonne soirée et bises.
RépondreSupprimerSur le thème de la douleur, on trouve dans toutes les langues énromément de poèmes, de romans, de tout. Merci Élisabeth, bonne fin de semaine, un beso
SupprimerPas très joyeux tout cela et si en plus, tu nous montres un tableau de Munch... ;-) Bises alpines.
RépondreSupprimerLe poème est déchirant, c'est vrai, comme la vie, souvent ou parfois. En fait il est rare de trouver des poèmes amusants, que ce soit en français ou en espagnol ou...
SupprimerAllez, bonne journée, un beso mediterraneo.
Hou... qu'elle est menaçante cette Méditerrannée à l'humeur sombre. Le Munch est aussi tourmenté.
RépondreSupprimerJe vais garder l'image plus encourageante de l'hermano qui possède la lumière. Est-ce lui qui donne à Liège ce beau ciel matinal ?
Belle journée.
Mon prochain billet sera plus lumineux, promis, Christian. Profitez de cette journée.
SupprimerJe me glisse dans le commentaire d'Elisabeth :-)
RépondreSupprimerMerci Colo pour cette nouvelle découverte !
Une glissade bienvenue, Fifi.
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