Ils
sont trois ce matin, ils étaient là hier et y seront demain. Ils
parlent de premières dents, de nuits blanches et de panades.
D'aucuns
pourraient y voir une marque de modernité, d'égalité des sexes,
mais ces trois hommes jeunes achetant du pain à 9h30 avec landeaux
et poussettes-bébés sont l'image de mon village, du pays, de pays à
l'arrêt. Pas de travail rémunéré disponible.
Eran
tres esta mañana, estaban allí ayer y lo estarán mañana. Hablan
de primeros dientes, de noches en vela y de papillas.
Algunos
podrían ver en esta escena una marca de modernidad, de igualdad de
sexos, pero esos tres hombres jóvenes comprando pan a las 9h30 con
cochecitos de bebés son la imagen de mi pueblo, de mi país, de
países parados. No hay trabajos remunerados disponibles.
Difficile
après un temps de ne pas laisser s'étioler la révolte, de ne pas
perdre les espoirs, mais il faut résister, absolument.
Difficile
dernièrement de parler d'amour et des jolies couleurs de l'aube,
mais il y a des poètes pour nous y aider.
Blas
de Otero est peu connu à l'étranger je crois, dommage, un
grand poète du XXº siècle espagnol, poète de l'après-guerre
civile, cette époque de faims et pauvretés. Au pluriel.
Es
difícil, después de un tiempo, no dejar que la rebelión se
debilite, no perder las esperanzas, pero es imprescindible resistir.
Es
difícil, últimamente, hablar de amor y de los bonitos colores del
alba, pero existen poetas para ayudarnos.
Elegí
a Blas de Otero, poeta de la post-guerra, época de hambrunas y
pobrezas. En plural.
Voici
la traduction, ardue, d'un de ses sonnets.
Impetus
Blas de Otero
Mais
tout ne doit être ruine et vide.
Ni tout déblayage et dégel.
Sur cette épaule je porte le ciel,
et sur cette autre, un large fleuve
d'enthousiasme. Et, au milieu, mon corps,
arbre de lumière depuis le ciel.
Et, mi-racine mortelle, mi-fronde de désir,
mon cœur debout, rayon sombre.
Seule l'angoisse me vainc. Mais j'avance
sans douter, sur des abîmes infinis,
la main tendue: si je ne l'atteins
de la main, je l'atteindrai par des cris!
et toujours je suis debout, et ainsi me lance
à la mer, depuis une fronde d'appétits.
Ni tout déblayage et dégel.
Sur cette épaule je porte le ciel,
et sur cette autre, un large fleuve
d'enthousiasme. Et, au milieu, mon corps,
arbre de lumière depuis le ciel.
Et, mi-racine mortelle, mi-fronde de désir,
mon cœur debout, rayon sombre.
Seule l'angoisse me vainc. Mais j'avance
sans douter, sur des abîmes infinis,
la main tendue: si je ne l'atteins
de la main, je l'atteindrai par des cris!
et toujours je suis debout, et ainsi me lance
à la mer, depuis une fronde d'appétits.
(Trad:
Colo)
Ímpetu
Blas de Otero
Mas no todo ha de ser ruina y vacío.
No
todo desescombro ni deshielo.
Encima de este hombro llevo el
cielo,
y encima de este otro, un ancho río
de entusiasmo.
Y, en medio, el cuerpo mío,
árbol de luz gritando desde el
suelo.
Y, entre raíz mortal, fronda de anhelo,
mi corazón en
pie, rayo sombrío.
Sólo el ansia me vence. Pero avanzo
sin
dudar, sobre abismos infinitos,
con la mano tendida: si no
alcanzo
con la mano, ¡ya alcanzaré con gritos!
y sigo,
siempre, en pie, y así, me lanzo
al mar, desde una fronda de
apetitos.
oui on en parlait aux nouvelles ce matin, du pourcentage de "génération perdue", car c'est ainsi qu'on appelle les jeunes au chômage, apparemment...
RépondreSupprimerjoli poème, merci
Cette scène m'a frappée Adrienne, mais il y a bien sûr des chômeurs des deux sexes et de tous âges.
SupprimerBelle journée, bon pied, bon œil!
Dans Impétus, il y a Force et même peut-être Force vive. Face aux situations difficiles et même parfois tragiques, retrouver la force intérieure me parait indispensable. Enthousiasme, bien sûr, mais aussi mains tendues, écoute, cris, proximité, solidarité, appétit de vie ... Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet ! Une fronde d'appétits peut-être interprétée d'autant de façons qu'il se trouve de lecteurs. Mais cela me nourrira en ce jour !
RépondreSupprimerComme toujours tu as les mots justes Lily. Merci. Plusieurs lectures possibles de ces appétits, en effet.
SupprimerMerci et belle journée.
Tu as mille fois raison de venir nous réveiller car on a vite fait de se laisser prendre à la vie qui va et d'oublier ceux qui en sont exclus
RépondreSupprimerHier plusieurs reportages sur les difficultés des associations caritatives qui ne peuvent plus faire face, réduction de leurs subventions, diminutions des dons car chacun se replie sur lui même et a peur de l'avenir
En voyant ce pont à moitié submerger à a envie de tendre la main vers celui qui est de l'autre côté pour l'aider à traverser
Un repli sur soi, sur ses très proches, tu as raison. Mais tout dans la rue nous rappelle cette main à tendre, ce cri à pousser.
SupprimerMerci pour ces mots.
Du pain pour tous, du travail pour chacun, que ces objectifs prioritaires ne soient pas atteints est le scandale de notre monde. Très beau poème plein de vigueur, comme ce flot impétueux - enthousiaste et non destructeur.
RépondreSupprimerQuand le peuple a faim...que va-t-il se passer? Les grondements sont innombrables, la violence va-t-elle exploser?
SupprimerContente que tu apprécies la force de ce poème. Belle journée Tania.
Les temps sont durs pour trop de monde...Que faire ?
RépondreSupprimerVive la poésie et la force des mots ! Mais...
Bises
Casser la baraque ou chanter en attendant que ÇA passe?
SupprimerBesos pour toi aussi.
Tiens bon la rampe et l'enthousiasme.
RépondreSupprimerOui, oui, moi ça va,j'ai du boulot, mais ce sont mes (très grands) enfants et tous les autres...
SupprimerJe puise l'enthousiasme chez toi entre autres, merci!
Chez toi ça va très très mal, chez nous ça se dégrade vachement... L'usine Ford à Genk vient de fermer, 9460 pertes d'emploi ! Et la division du pays n'est pas étrangère à ce drame. Les choses vont devoir bouger, partout en Europe.
RépondreSupprimerVive le poète !
Comme tu dis, les choses vont devoir bouger...c'est pas trop tôt.
SupprimerPeut-être nos décideurs devraient-ils lire plus de poésie!
Un beso.
Je retiens : "pas de travail rémunéré"... et donc du travail il y en a... mais pas d'argent pour payer les ouvriers, les artisans, les cadres. Mais parfois, même si cela part d'un bon sentiment, combien de bénévoles (gratuits !) qui prennent le travail de ceux qui en ont besoin. Ma réflexion ne porte surtout pas sur la bonne action, le bon vouloir, le partage... Mais combien d'associations existent grâce à des subventions et prennent ainsi l'argent et le travail de ceux qui en ont besoin, un besoin vital....
RépondreSupprimerDéjà, en 1975,à la sortie de mes études, j'ai débarqué sur le marché du travail et nous étions en pleine guerre du pétrole, et déjà ça allait mal. Qu'avons nous réellement fait, depuis, contre la difficulté de travailler ou de trouver du travail ? je ne sais pas et je ne sais plus... toute une vie en galère de boulot, et encore je n'ai réellement pas à me plaindre !
Enfin... je suis à l'écoute de ta réponse... ! ;)
Ah, Lou, je ne pensais pas au bénévolat en écrivant "rémunéré", mais aux hommes de mon récit, pouponnant. À tout le travail de maison, de garde des vieux et des enfants...réalisé par tant de gens. Les familles, pour ceux qui en ont, sont le principal (et souvent unique) support de la société ici en ce moment. Le maximum de temps que nous pouvons percevoir des allocations chômage est 2 ans. Puis plus rien.
SupprimerIl y a aussi bien sûr, et fort heureusement, des associations, mais c'est un autre sujet, non?
Bonne chance à toi bien sûr!
Nos très grands enfants sont parfois aussi ces êtres pouponnant, en attente de travail.Je viens d'y être confrontée...Heureusement, parfois ils s'en sortent si leur profil correspond à la recherche...Pas gagné à tous les coups. Mais quand ça marche, on fait : ouf!
RépondreSupprimerOui, j'entends et lis que cette situation déplorable s'étend vers le nord des "pays du sud". Des milliers de jeunes du sud ont émigré, des milliers d’émigrés, surtout sud américains, sont rentrés chez eux.
SupprimerJe "ouf" avec toi!
Excellent weekend Maïté.
C'est vrai que ce sont des temps bien durs... après les espoirs des "golden sixties" et les adaptations des années 70, 80 et 90, nous voici au seuil de bouleversements. Quand on peut, on pense aux économies, mais quand on était déjà là, en plein dans les économies, que reste-t-il?
RépondreSupprimerAch, je vous le demande ma belle dame...Un énorme bouleversement doit avoir lieu, mais quand?
SupprimerBon weekend, couvre-toi bien, je vois que le grand froid règne chez vous tout à coup.
Et malgré tout, garder l'espoir de jours meilleurs. Nos enfants n'ont pas la vie facile. Merci de nous parler de Blas de Otero, Colo ! Excellent week-end.
RépondreSupprimerEspoir? Bien sûr Danièle.
SupprimerExcellent weekend à toi aussi...tu cuisines japonais maintenant?
Encore une belle découverte que ce Blas de Otero ! Je ne connaissais pas… Merci colo
RépondreSupprimerBonjour Obni, c'est curieux, je n'ai absolument rien trouvé sur ni de lui en français.
SupprimerÀ moins d'être un artiste archiconnu, les autres passent mal d'un pays à l'autre...les blogs servent aussi à ça...passeurs.
Merci d'être passé, cela m'a fait grand plaisir.