21 oct. 2010

Les dieux de l'argent /Los dioses del dinero

(Illustration: The Bull of Wall Street)

Quittons aujourd’hui la poésie, l’humeur des nuages, et allons faire un tour dans les hautes sphères économico-politiques.

Juan José Millás (Valencia, 1952), écrivain, publie tous les vendredis une colonne dans le journal El País ; une colonne subtile, originale, attendue par des tas de lecteurs, dont moi. Il y traite des thèmes d’actualité et celle de vendredi dernier est particulièrement réussie.

Dejemos hoy la poesía, el humor de las nubes, y demos una vuelta por las altas esferas ecomomico-políticas.

Juan José Millás (Valencia, 1952), escritor, publica cada viernes una columna en el periódico El País: una columna sutil, original, que numerosos lectores, entre las cuales yo, espera. Trata temas de actualidad y la del viernes pasado es particularmente brillante.

Nouvelle armée

« Cette photo où Zapatero expliquait humblement aux messieurs de Wall Street les mesures que nous avions prises pour calmer leur colère est terrible. Le bruit des sabres a été remplacé par celui d’un repaire de voleurs, mais les coups d’Etat sont toujours des coups d’Etat, qu’ils soient effectués par un général ou un financier.

L’institution militaire enfin soumise au pouvoir civil, les politiciens s’humilient maintenant face aux colonels de la Bourse. Si nous avions vu notre président dans une telle attitude face aux généraux du Haut Etat Major, nous nous serions pris la tête entre les mains. Cela veut dire que les pistolets ont été remplacés par des cravates en soie et les uniformes verts par des costumes Armani. Le résultat final est qu’à vous et à moi, on nous serre la vis (si nous avons la chance qu’il reste encore un espace pour nous la serrer). »

(Il va sans dire que Zapatero pourrait être remplacé par…ou par…, choisissez !)

« Pendant ce temps nous parlons de la globalisation comme d’un tropisme, comme si aucune décision politique n’était intervenue dans sa croissance. Nous acceptons comme inévitable l’existence des marchés globaux tout en affirmant leur « ingouvernabilité ». En d’autres mots nous ne sommes pas responsables de son apparition et nous n’avons aucune marge de manœuvre pour corriger ses abus.

Voici le grand piège intellectuel du phénomène. Vu, donc, que ce dont nous souffrons est un phénomène naturel et non une attaque à main armée, les politiciens font une pèlerinage vers les nouvelles casernes où ils sont reçus par les dieux de l’argent à qui ils promettent le sacrifice de X demoiselles et d’autant de jeunes pour apaiser leurs humeurs. Mais, plus nous leur offrons de sacrifices s, plus ils se fâchent. Nous n’avions pas fini de les sauver de leur banqueroute avec l’argent du contribuable, (le vôtre, le mien), qu’ils demandaient déjà plus de vierges, plus de jeunes, moins de déficit. Comment soumet-on une armée de cette nature ? » (Juan José Millas, El País 15/10/2010) Trad, Colo.

Nuevo ejército

JUAN JOSÉ MILLÁS El País 15/10/2010

Esa fotografía en la que Zapatero explicaba humildemente a los señores de Wall Street las medidas que habíamos tomado para calmar su ira, es terrible. El ruido de sables ha sido sustituido por el de la ladronera, pero los golpes de Estado siguen siendo golpes de Estado, los dé un general o un financiero. Sometida al fin la institución castrense al poder civil, los políticos se humillan ahora ante los coroneles de la Bolsa. Si hubiéramos visto a nuestro presidente en semejante actitud frente a los generales del Alto Estado Mayor, nos habríamos echado las manos a la cabeza. Quiere decirse que las pistolas han sido sustituidas por corbatas de seda y los uniformes verdes por trajes de Armani. El resultado final es que a usted y a mí nos aprietan las tuercas (si tenemos la fortuna de que todavía haya margen para apretárnoslas).

A todo esto, hablamos de la globalización como de un tropismo en cuyo crecimiento no hubieran intervenido decisiones políticas de ninguna clase. Aceptamos como inevitable la existencia de los mercados globales al tiempo de afirmar su ingobernabilidad. En otras palabras, ni somos responsables de su aparición ni tenemos margen de maniobra alguno para corregir sus atropellos. He aquí la gran trampa intelectual del fenómeno. Dado, pues, que lo que sufrimos es un desastre natural y no un atraco pistola en mano, los políticos peregrinan hasta los nuevos cuarteles, donde son recibidos por los dioses del dinero, a quienes prometen el sacrificio de equis doncellas y de tantos jóvenes para apaciguar sus ánimos. Pero cuantos más sacrificios les ofrecemos, más se enfadan. No habíamos terminado de rescatarlos de su bancarrota con el dinero del contribuyente (el de usted y el mío) y ya estaban solicitando más vírgenes, más jóvenes, menos déficit. ¿Cómo se somete a un ejército de esta naturaleza?

20 commentaires:

  1. Dis moi Colo, ce monsieur Juan José Millas es tu certaine qu'il soit espagnol ? je trouve que son discours a des airs très français, ...euh je veux dire allemand...non non plutôt anglais ....euh non italien finalement
    La mondialisation pourrait être vraiment une belle idée mais son application pratique et économique est une belle arnaque, et il faut dire que la façon dont nous la subissons est bien douce par rapport aux pays "émergeants" pour ne pas dire pauvres qui eux prennent ça de plein fouet
    Quelque fois je sais pourquoi je me réfugie dans les livres

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Colo, le ventre a dévoré le cerveau, l'avoir a dévoré l'être, la cupidité la vertu, la finance la politique et entre-temps les êtres humains ont dévoré la mère nature. N'est-il pas logique que nos sociétés sont devenues de plus en plus obèses ?

    Reste sur ta faim ! Amicalement.

    RépondreSupprimer
  3. Te souviens-tu des commentaires ironiques à propos de l'essai de Viviane Forrester, "L'horreur économique" ? C'était en 1996 ! (Un extrait sur http://labarnasijysuis.over-blog.es/pages/l-horreur-economique-viviane-forrester-2297556.html )

    RépondreSupprimer
  4. -Dominique, bien sûr, nous ne sommes pas à plaindre en comparaison avec les pays émergeants ou essayant de l'être.
    J'ignore quels livres de Millás sont traduits en français; c'est un auteur qui surprend, déroute, navigue habilement entre fiction, réalité, imagination...à découvrir pour toi peut-être.

    -Go, je grignoterai un peu quand même, je suis très mince!!!
    La prédominance de la finance sur le politique n'est pas nouvelle, hélas, mais peut-être est-ce la première fois que nous nous en rendons compte si clairement vu que nous avons dû les...financer! Tu es d'accord avec moi?
    Tout ce que tu mentionnes me désole, et me "redésole". Que faire????
    Bien amicalement.

    -Tania, oh oui, je m'en souviens bien! Merci pour le lien et bonne soirée guapa.

    RépondreSupprimer
  5. Oui, je suis d'accord avec toi. J'ai souvent fustigé le capitalisme heureux que Coucou voulait me faire avaler. Que faire ? A mon avis, inventer ou juste insister sur l'universalité (mondialisé, n'est-il pas curieux qu'on ne parle plus de l'universalité mais de globalisation ?)... des droits de l'homme. Aujourd'hui on insiste sur l'universalité du crédit, du microcrédit, de l'argent, du bien de libre-échange, des vertus économiques et pas sur la vertu ou sur la responsabilité que notre mère nature exige de nous. Je m'arrête là, je frôle de donner des leçons, de prêter des serments. Ce devrait être évident que l'on doit RALENTIR le développement économique, PENSER AVANT D'AGIR... et vivre selon nos besoins pas nos désirs infinis.

    On dit que l'Espagne a trop investi dans l'immobilier avant la crise, maintenant tout le pays paye pour cet investissement, qui doit toujours être fait pour un avenir stable et pas pour la spéculation.

    AHH !!!! Désolé Colo pour te faire de la peine. Bien, bien amicalement.

    RépondreSupprimer
  6. Dans un monde libertaire régnerait la loi du plus fort. Dans celui de la liberté, c'est la loi du plus riche.
    La force est en train de démontrer sa faiblesse car elle a besoin de la brutalité comme alliée.
    Alors, un jour peut-être, comme "monte du fond de l’océan des étoiles nouvelles" naîtra l'alter/native Alter mondiale de la pensée hérédiaque des "nouveaux conquérants".

    RépondreSupprimer
  7. -Go, d'abord tu m'as pas fait de peine du tout, sois tranquille! Ensuite tu as mille fois raison dans tout ce que tu dis; Ralentir et Réfléchir, oui, parfaitement.
    Je te souhaite un bon weekend, merci pour tout.

    -Alex, beaucoup d'alternatives locales et/ou de groupes sont en marche, fonctionnent bien...de là, et c'est ce qui désole tant, arriverons-nous à des solutions mondiales?
    Tant de requins, de goinfres sillonnent les océans. Ne pas désespérer, croire aux étoiles...Un beso.

    RépondreSupprimer
  8. Colo: finalement je ne trouve pas le costard Armani si sexy que ça! Bon, je sais, c'est vrai mais c'est nul; j'essaie juste de dédramatiser alors que nous sommes compressés entre notre crise nationale et l'autre, beaucoup plus vaste et dramatique. Je rejoins en tout point Go et ai dû en parler ailleurs, mais n'ai aucune envie de me citer :-)

    RépondreSupprimer
  9. je lis mais je n'ai plus de mots... je me sens prise au piège de la terreur douce... le double langage perpétuel et l'impuissance... pardon.

    RépondreSupprimer
  10. Et une des étapes suivantes logique est de montrer du doigt de certains « boucs émissaires » facilement identifiables….

    RépondreSupprimer
  11. La finance gouverne la politique partout sur notre pauvre terre mais des consciences s'organisent et les dents des requins se fragilisent... hum, le plus maigre espoir fait vivre.

    RépondreSupprimer
  12. Cette guerre sournoise qui dépouille les vifs avant de les laisser mourir derrière les poubelles qui débordent, cette guerre faite par des mercenaires déguisés en croquemorts à dents blanches qui n'adorent que l'or, il y a trente ans qu'on rit au nez de ceux qui la dénonce ! Si on reprenait le discours aujourd'hui des rieurs d'hier...quel scandale ! Maintenant il est sans danger de râler lorsque le précipice est déjà devant nos pieds. Quand il s'agissait de dire que nous en avions pris le chemin c'était autre chose...on se faisait huer.
    Alors tant mieux tant mieux si personne ne tremble plus de jeter des cailloux dans la mare mais personnellement j'aurais préféré que plus de voix s'élèvent plus tôt!
    Néanmoins merci Colo pour cette traduction. J'apprends à chaque fois un peu plus d'espagnol ! C'est passionnant !

    RépondreSupprimer
  13. -Delphine, ha oui, mais même un Armani-pas-sexy vaut mieux ici que le souvenir, si présent, des uniformes verts!

    -K, un jour on m'a dit, avec raison, qu'il y a des sujets ouverts et d'autres fermés: certains appellent les commentaires et d'autres les contiennent. Ne t'excuse pas chère Carole, je suis vraiment désolée de te plonger dans cet état de "terreur douce". Parfois le présent se fait si présent qu'il m'est difficile de parler de poésie et nuages...Je t'embrasse.

    -Olivier, bien sûr! Surtout absoudre les vrais coupables!

    -MH, un billet intitulé "la maigreur des requins" comme ce serait jouissif!!!!

    -Euterpe, oh, oui, tu as tout à fait raison! C'est ce que rappelait Tania aussi, les rieurs, les "hueurs", les brillants économistes, où sont-ils maintenant? Probablement à couvert sous des matelas habilement accumulés loin, sur des îles...
    Merci de m'encourager, tu le sais, traduire est compliqué, prend beaucoup de temps aussi. Bon dimanche... quand même.

    RépondreSupprimer
  14. Les Intolérants n'ont changé que la couleur du costume, les Profiteurs ont développé des stratégies encore plus machiavéliques pour s'enrichir, les Pollueurs se moquent de la planète comme de leur premier sac de maïs transgénique ... cette Trinité infernale se mondialise, pour plus de terreur, plus de fric, plus de saleté... et nous, dans tout ça?

    RépondreSupprimer
  15. -Sable, "machiavéliques" est bien le mot; stratégies où eux-mêmes semblent égarés.
    Sinon c'est bien là l'importance de la dernière phrase."Comment soumet-on une armée de cette nature ? "
    Nous, balayés, oubliés...grains de sable.

    RépondreSupprimer
  16. Pour devenir idiots il suffit d'être passif-
    Albert Jacquard
    Alors à nous de rester intelligent par nos écrits, nos actes et nos paroles :-)
    Marcelle

    RépondreSupprimer
  17. -Marcelle, nos paroles, bien sûr. Pour toi ce poème de Blas de Otero:

    Il me reste la parole

    Si j'ai perdu la vie, le temps, tout ce
    que j'ai jeté comme une bague à l'eau
    Si j'ai perdu la voix dans le désert
    Il me reste la parole.

    Si j'ai souffert la soif, la faim, et tout
    ce qui était à moi, qui n'est plus rien
    Et si j'ai moissonné l'ombre en silence
    Il me reste la parole.

    Et si j'ai ouvert, pour voir le visage
    pur et terrible de mon pays
    Ouvert les lèvres jusqu'à me les fendre
    Il me reste la parole.

    RépondreSupprimer
  18. merci pour ce poème !

    RépondreSupprimer
  19. Colo, j'aimerais le faire mien. MERCI

    RépondreSupprimer