Célébration
de la fantaisie
Conte Le livre des étreintes
Eduardo
Galeano (Uruguay, 1940)
Ce
fut à l'entrée du village de Ollantaytambo,
près de Cuzco. J'avais pris congé d'un groupe de touristes et
j'étais seul, je regardais de loin les ruines de pierres, quand un
enfant du lieu, malingre, en haillons, s'approcha et me demanda de
lui offrir un crayon. Je ne pouvais lui donner celui que j'avais car
je l'employais pour je ne sais quelles annotations ennuyeuses, mais
je lui proposai de lui dessiner un petit cochon sur la main.
Immédiatement
le bruit courût. Et sitôt je me vis entouré d'un essaim d'enfants
qui exigeaient à grands cris que je leur dessine des bestioles sur
les mains craquelées de crasse et de froid, peaux de cuir brûlé:
il y en avait qui voulaient un condor ou un serpent, d'autres
préféraient des perroquets ou des chouettes et il ne manquait pas
ceux qui demandaient un fantôme ou un dragon.
Et
alors, au milieu de ce brouhaha, un petit laissé-pour-compte qui ne
faisait pas plus d'un mètre, me montra une montre dessinée à
l'encre noire à son poignet:
-
Mon oncle qui vit à Lima me l'a envoyée, dit-il.
-
Et elle fonctionne bien? lui demandais-je.
-
Elle retarde un peu reconnût-il.
Luna en la Plaza 1959 - Amalia Nieto (Uruguay) |
CELEBRACIÓN DE LA FANTASÍA(cuento)
Eduardo
Galeano (Uruguay, 1940)
Fue
a la entrada del pueblo de Ollantaytambo, cerca de Cuzco. Yo me había
despedido de un grupo de turistas y estaba solo, mirando de lejos las
ruinas de piedra, cuando un niño del lugar, enclenque, haraposo, se
acercó a pedirme que le regalara una lapicera. No podía darle la
lapicera que tenía, porque la estaba usando en no sé qué aburridas
anotaciones, pero le ofrecí dibujarle un cerdito en la mano.
Súbitamente,
se corrió la voz. De buenas a primeras me encontré rodeado de un
enjambre de niños que exigían, a grito pelado, que yo les dibujara
bichos en sus manitas cuarteadas de mugre y frío, pieles de cuero
quemado: había quien quería un cóndor y quien una serpiente, otros
preferían loritos o lechuzas y no faltaban los que pedían un
fantasma o un dragón.
Y
entonces, en medio de aquel alboroto, un desamparadito que no alzaba
más de un metro del suelo, me mostró un reloj dibujado con tinta
negra en su muñeca:
-Me
lo mandó un tío mío, que vive en Lima -dijo.
-Y
¿anda bien? -le pregunté.
-Atrasa
un poco -reconoció.
El
libro de los abrazos (1989)
Adorables mots d'enfant, toujours imités, jamais égalés.
RépondreSupprimerJ'en ai notés, autrefois, pour pas qu'ils meurent dans la mémoire ...
Il faudrait toujours les écrire quelque part, tu as raison Savarati, on les oublie preque tous avec le temps...
SupprimerBonne journée
Magnifique !!! merci Colo, comme ça fait du bien.
RépondreSupprimerEt la peinture est excellente.
Très amicalement
Bonjour Yanis, voici un lien où tu trouveras d'autres peintures d'Amalia Nieto, http://arindabo.blogspot.com.es/2010/08/una-plastica-uruguaya.html
SupprimerUn conte comme on aimerait en lire des tas...Merci d'être passé, bonne journée.
Oserais-je dire...plus émouvant que" Dessine-moi un mouton"..dans tous les cas, plus actuel ,plus interpellant et si bien écrit.Cela m'a ramenée , bien des années en arrière, à mes années "congolaises"...les enfants du pays avaient tellement d'imagination pour s'inventer une vie "comme celle des blancs"..
RépondreSupprimerHeureuse de retrouver sur ton blog..avec des textes toujours si bien choisis.
Fantaisie, Malice, Fraîcheur.
SupprimerEt je rejoins Album vénitien dans son audace !
Donc audacieux ;-)
@Album...de Danielle, ce conte fait partie d'un recueil vraiment maginfique qui me semble traduit en français sous le titre "Le livre des étreintes" que je recommande chaudement. Plein de magie...
SupprimerDessine-moi une montre....comme dit ce cher K, ton audace est bienvenue!
Grand merci à toi, je me sens mieux, en tout cas très bien pour lire!
@ Bonjour K, FMF tu dis, mais oui, osons.
SupprimerComme je le disais à Album Vénitien qui écrit de beaux poèmes en wallon, je te recommande vivement ce "livre des étreintes" de Galeano composé de courts textes poétiques, magiques.
Rien à la médiathèque, hélas.
SupprimerAutres pistes en vue..et ...merci pour la recommandation Colo.
J'aime cette peinture, moi aussi. Et voilà que je reconnais tout de même un écrivain uruguayen que j'aie lu. C'était dans un tout autre registre, un essai magistral que j'ai souvent prêté et pas récupéré puisque je ne le trouve plus dans ma bibliothèque, "Les Veines ouvertes de l'Amérique latine".
RépondreSupprimerIci, le conteur se glisse merveilleusement dans le jeu des enfants, belle célébration de la fantaisie et de l'empathie.
Tu connais Galeano? C'est un écrivain très prolixe. merci pour le titre que MA a aussitôt chargé (en espagnol) sur ma liseuse.
SupprimerPour Amalia Nieto, qui faisait partie du mouvement constructiviste, si populaire en Uruguay, tu trouveras sur la toile beaucoup de ses tableaux.
Bonne journée, besos.
J'aime beaucoup cette peinture également . Très touchante cette jolie histoire de la montre qui retarde . Mais que cet enfant se rassure, son oncle à Lima a fait en sorte qu' elle avance aussi la moitié du temps .... Très bonne soirée Colo
RépondreSupprimerAvoir un oncle au Pérou est déjà une fierté en soi, alors cette montre, même un peu volage....
SupprimerExcellente fin de semaine Gérard.
Bonsoir Colo, j'aime beaucoup ce conte et "les propos de l'enfant avec sa montre"... Le conteur a très bien écrit l'imagination d'un petit enfant. Merci pour cette belle toile.
RépondreSupprimerDouce soirée chère Colo.
Je suis bien contente que cet ensemble, plein de fantaisie, te plaise Denise.
SupprimerCet écrivain est brillant.
Excellente journée, à bientôt.
Très rafraîchissant ce texte, c'est tellement beau l'imagination d'un enfant, ça rend plus heureux que le plus cher des cadeaux. J'aime énormément la peinture, ces bleus .. et la composition.
RépondreSupprimerCe texte, que Galeano appelle conte, fait partie d'un recueil que je trouve magnifique "Le livre des étreintes" Aifelle.
SupprimerL'imagination illimitée des enfants est un cadeau sans prix, je suis bien d'accord avec toi!
Quelle merveille, ce regard d'enfant. Merci.
RépondreSupprimerBonne journée.
Vous mettez dans votre court billet les montres et horloges à l'heure cher Bonheur, ici l'heure est secondaire, mais cette montre qui vient du Lima!
SupprimerBonne journée à vous aussi
une histoire qui provoque le sourire c'est bon à prendre
RépondreSupprimerje note une fois de plus l'auteur que bien entendu je n'ai jamais lu !!
le croirais tu ma médiathèque a 15 livres de lui !!! je vais pouvoir piocher
RépondreSupprimerMais quelle bonne nouvelle!!! Galeano a vécu, durant les années de dictature, en Espagne, et retourné chez lui après. C'est un écrivain "politisé", plein de talent. je suis vraiment contente qu'il soit traduit en français.
SupprimerBonnes lectures amie, même si je sais que la littérature sud-américaine n'est pas ta tasse de thé!
Mais moi non plus, je n'ai rien lu de lui, ni même entendu parler.... Quinze livres.... Je vais à la bibliothèque tout à l'heure..... Je vais regarder aussi.
SupprimerJ'espère vraiment que vous en trouverez quelques uns Bonheur. Vous me direz?
SupprimerUn beau conte, frais comme une histoire vécue. L'imaginaire permet de pallier à certains manques, de mettre de la chaleur là où il y a juste un lien ordinaire, et pour faire un peu vrai, le gamin va minimiser son trésor : Cette montre, elle retarde un peu, comme on peut l'imaginer, beaucoup de choses qu'il voit autour de lui. On perçoit très bien la scène et la tendresse qui s'en dégage. Merci Colo !
RépondreSupprimerMerci pour cette belle analyse Lily. De là à penser que les enfants qui ont tout ont moins l'occasion de développer leur imagination....
SupprimerBon week-end à toi, à bientôt.
Magnifique et délicat. J'aime vraiment beaucoup et m'en vais en trouver davantage de Galeano. Peut-être en avez-vous d'autres ?
RépondreSupprimerBonjour Christian, Galeano a écrit sur des sujets si divers..."Mémoire du feu" est par exemple une trilogie qui raconte l'histoire des pays d'Amérique du Sud et rejoint celui que Tania nous recommande "Les veines ouvertes de l'Amérique latine". Mais il a écrit aussi un livre sur le football, l'exil, et puis des romans, de courts textes pleins d'imagination. Sa plume est incisive et devrait vous plaire je crois.
SupprimerBon dimanche, temps superbe ici.
L'imagination des enfants est incommensurable...
RépondreSupprimerMerci pour cette découverte d'auteur !
Belle soirée à toi !
Fantaisies enfantines...à bientôt Enitram.
SupprimerLes contes,une entrée dans le monde avec la fantaisie pour faire toucher du doigt la réalité.
RépondreSupprimerLe monde de l enfance,la fantaisie pour aplanir les aléas de la vie, s échapper en prenant sa part de jeu et revendiquer sa part de rêve.
Beau texte et beau tableau.
Merci Maïté, je te répondrai par cette citation d'Anatole France:
SupprimerLe rêve, plus que le rire, distingue l’homme des animaux et établit sa supériorité. Eh bien, ce besoin de rêver, l’enfant l’éprouve. Il sent son imagination qui travaille, et c’est pour cela qu’il veut des contes.
(Le livre de mon ami)
Bonne journée la belle, un beso.
les enfants ont une imagination débordante. Dommage que peu d'adulte arrive à conserver cette imagination.
RépondreSupprimerUne pub pour les montres, une foire horlogère...vous ne manquez pas d'humour!
SupprimerCe conte est trop délicieux! Que c'est beau et joyeux...
RépondreSupprimerDe ceux qui font plaisir Edmée!
SupprimerLe retard de la montre vient souvent du fait que le remontoir mécanique, plus ou moins bien dessiné, se grippe avec les trop fréquents lavages de mains.
RépondreSupprimerQuel écart avec ceux qui rêvent d'une Rollex à cinquante ans !!!
Ah la jolie explication! Tu as sûrement raison....
SupprimerÇa se fabrique encore des Rollex? Ah bon, moi je ne vois que des gens sans montre, les yeux fixés sur leur smart-téléphone-qui-dit-tout-sert-à-tout.
Merci d'être passé, à bientôt.
Jamais montre ne fut plus belle ! L'imagination est le plus grand des trésors. J'adore cette nouvelle qui met en situation.
RépondreSupprimerMontre magique, cadeau d'un oncle si généreux!
SupprimerBonne journée Serge.
Pas un seul ne voulait un mouton?
RépondreSupprimerEt, non, mais un condor!
SupprimerMerci !
RépondreSupprimerJe viens de trouver "Le livre des étreintes" dans le catalogue en ligne de ma médiathèque, il est disponible, je le lirai.
Une série de petits textes que j'ai trouvés magnifiques. Tu me diras ce que tu en as pensé?
SupprimerUn texte magnifique d'humanité et de tendresse !
RépondreSupprimerMerci Colo !